C O N C E R T S
 
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LYON
06/06/2007
 
Franck-Emmanuel Comte © DR

NAPLES BAROQUE
Traditionnel napolitain, Stabat Mater
Hasse, Salve Regina pour alto et cordes
Traditionnel napolitain, Miserere
Pergolesi, Salve Regina pour soprano et cordes
Leo, Miserere pour double chœur
Pergolesi, Stabat Mater

Tomoko Takeuchi, soprano
Jean-Paul Bonnevalle, alto
Anne-Flore Leroy, soprano
Hugo Peraldo, ténor

Chœur et Orchestre du Concert de l’Hostel-Dieu
Flavio Losco, premier violon
Franck-Emmanuel Comte

Lyon, Chapelle de la Trinité le 06 juin 2007

Quelle baguette !


L’air est électrique à Lyon ; le ciel a déchargé des cataractes dans l’après-midi. Mais le tonnerre s’est tu. Assis dans la chapelle de la Trinité, bel exemple d’implantation jésuite, c’est sous le lourd soleil napolitain que l’on croule. Un lourd soleil qui assomme ; qui darde sur l’office reconstitué par Franck-Emmanuel Comte. Et quel office !

Car Comte prouve encore une fois quel talent il sait mettre à la constitution d’un programme : entre tradition et musique savante, juxtaposer un Miserere traditionnel et celui, ample, majestueux et diaboliquement écrit de Leo, il fallait oser. Un talent fin qui déjoue tous les pièges de la monotonie. Un talent, aussi, qui sourd de sa baguette ; qui embrasse les œuvres ; les prend à bras le corps.

Comte sculpte des pièces à la fois « fermées » et ouvertes, en miroir, sur celles qui les entoure. Ces vrai des deux Miserere ; ça l’est, évidemment, du Salve et du Stabat de Pergolèse sur lesquels il jette le même voile « mineur », pesant, fataliste, lourd comme le soleil de plomb (encore) qui écrase le Crucifié. Il y a dans la direction de Comte à la fois une gradation subtile des équilibres (l’Amen conclusif du Stabat) comme aussi une capacité à détourer presque violemment des pièces arrachées à la glèbe (c’est le cas des deux traditionnels burinés, taillés à la serpe, qui sont le voix d’une humanité grevée de labeur). Il y a une manière délicate de poser des glacis lumineux (le Salve de Hasse) comme, aussi, de détailler chaque climat du Stabat de Pergolèse (superbe début ; dense Cujus animam ; tétanisant Vidit suum dulcem natum).

Surtout Comte nous révèle un Stabat de Pergolèse comme on ne pensait pas l’entendre un jour ; dans une version lyonnaise qui vaut le détour. Les mélodies, les voix, les harmonies sont de l’original ; mais cette fois, un chœur très « versaillais » (à cinq voix) s’y adjoint. Or, il y a une vraie originalité dans ce que le chef fait de cette version alternative ; dans ce qu’il tire de la masse chorale. C’est la voix de la médiation/méditation (O quam tristis) ; c’est aussi celle d’une turba à la manière de Bach (Vidit suum dulcem natum) ; c’est, enfin, une nuée de séraphins pour conclure l’œuvre comme une lame de fonds (Amen).

Comme le chœur a été, ici, d’une belle cohésion, coloré, respirant une foi puissante (à la fois inspirée et très justement… expirée vers le public) : on en redemande. Mais… Mais peut-être pas des solistes ! Pas de Hugo Peraldo qui, lui, est un jeune ténor à suivre. Timbre sombre, très apte à toutes les appogiature ; il y a, peut-être, dans cette voix un bel Orfeo à venir. Pas de Hugo Peraldo, donc, mais bien plutôt des deux têtes d’affiche. Pourtant Tomoko Takeuchi a un timbre assez personnel, corsé, avec un grain serré qui s’apparie très bien à celui de Jean-Paul Bonneval. Lui joue d’un velouté particulier, d’une moire assez généralement distribuée sur toute la tessiture avec, surtout, un medium d’une richesse poignante. Il réussit (comme Takeuchi, d’ailleurs) beaucoup mieux le Stabat que son Salve. Mais, alors que les deux Miserere du chœur, par exemple, soulèvent une vague puissante qui traverse les rangs, le Stabat, côté solistes, reste avant tout une très belle pièce de musique. C’est beaucoup mais pas assez. Dommage !

C’est dommage parce que le reste est presque un sans faute !


Benoît BERGER

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