C O N C E R T S
 
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PARIS
28/03/2007
 
© Kasskara
Anna Netrebko - Rolando Villazon

Charles Gounod
Roméo et Juliette : Ouverture
"Je veux vivre" (valse de Juliette)
Polyeucte : "Source délicieuse"(air de Polyeucte)

Jules Massenet

Manon : "Toi ! Vous !" (duo de Saint-Sulpice)

Piotr Ilyitch Tchaikovski

Eugène Onéguine : Polonaise
"Kuda, kuda" (air de Lenski)

Sergei Rachmaninov

"Zdes Khoroso" (Douze Chants, opus 21 n° 7)

Piotr Ilyitch Tchaikovski

Iolantha : "Tvajo malchan'je nepan atna" (duo Iolantha/Vodemon)

Entracte

Georges Bizet
Carmen : Prélude de l'acte IV

Giuseppe Verdi
La Traviata : "E' strano... Ah! Fors'è lui... Sempre libera"

Reveriano Sotullo-Otero & Juan Vert
La Del Soto del Parral : "Ya mis horas felices" (romance de Germá n)

Federico Moreno-Torroba
Luisa Fernanda : "¡ Cállate, Corrazón!" (duo Luisa/Javier)

Pietro Mascagni
Cavalleria Rusticana : Intermezzo

Amilcare Ponchielli

Il Figliuol Prodigo : "Il padre!... Tenda natal"(romance d'Azaele)

Alfredo Catalani

La Wally : "Ebben ne andrò lontana"

Giacomo Puccini

La Bohème : "O soave fanciulla"(duo Mimi/Rodolfo)

Bis

Manuel Penella
El Gato Montés: duo Soleá /Rafael

Leonard Bernstein

West side story : "Tonight" (duo Maria/Tony)

Giuseppe Verdi

La Traviata : "Libiamo" (Duo Violetta/Alfredo)

Orchestre National de Belgique
Direction : Emmanuel Villaume

Théâtre des Champs-Elysées
"Les Grandes voix"

Mercredi 28 mars 2007, 20 heures

 
Tout feu tout flamme


La foule des grands soirs se pressait devant le Théâtre des Champs-Elysées ce mercredi 28 mars pour entendre le couple "star" du moment. Déjà, un quart d'heure avant le lever du rideau, une ambiance électrique régnait dans la salle archi-comble, tandis qu'à l'extérieur, des dizaines de personnes, écriteau en main, tentaient désespérément d'acheter une place de dernière minute.

On imagine aisément le stress que devaient éprouver les deux chanteurs face à une telle pression, Anna Netrebko, surtout, que tout le monde attendait au tournant, Rolando Villazon, lui, ayant déjà à plusieurs reprises triomphé dans ce lieu.

Pourtant, sur scène, ils paraissent presque insouciants, plus adolescents complices que stars compassées. Elle, superbe et sculpturale, dans deux robes somptueuses qui mettent en valeur sa plastique irréprochable, semble se rire de la réputation de vamp qu'on lui a faite et lui, foncièrement sympathique, arbore des tenues décontractées (il en changera aussi à l'entracte) si bien que dans leur premier duo ils évoquent davantage Roméo et Juliette que Manon et Des Grieux à Saint-Sulpice tant ils semblent jeunes et frêles. Trop jeunes peut-être en regard du programme lourd qu'ils nous proposent, où alternent des airs français, espagnols, russes et italiens, presque tous de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Programme qui permet d'entendre, à côté de "tubes" incontournables, des pages fort rares et pourtant magnifiques, comme l'air de Polyeucte ou le duo de Iolantha.

On l'a écrit ailleurs (1), l'art du récital d'opéra n'est pas chose facile : être capable de changer d'univers musical, de climax et même de langue, en l'espace de quelques minutes demande une grande expérience de la scène et une fréquentation assidue des personnages que l'on va incarner, le temps d'un air. Cette expérience, nos deux interprètes ne l'ont pas encore, alors, dans ces conditions, fallait-il s'attendre à ce que tout soit parfait? Certes non, d'autant que la présence de caméras dans la salle ne pouvait qu'accroître une tension bien compréhensible en de telles circonstances. cependant tous deux se lancent dans l'aventure sans tricher avec leurs qualités mais aussi leurs imperfections et cette sincérité là -ce naturel- séduisent aussi.

Ainsi, Rolando Villazon a paru quelque peu fatigué en début de soirée : timbre engorgé, aigus serrés et diction française plus incompréhensible qu'à l'accoutumée, l'interprète, cependant, demeure attachant. Par la suite, la voix se chauffe et le ténor nous livre un Lenski poignant, suivi d'un duo de Iolantha absolument magnifique où Netrebko lui donne un réplique superlative. Après l'entracte, les moyens semblent retrouvés dans le répertoire espagnol qui lui sied comme un gant. Enfin, dans le duo de La Bohème, il campe un Rodolphe chaleureux et convaincant.

Si Anna Netrebko a paru souriante et détendue - voire espiègle - sa prestation vocale ne pouvait dissimuler l'énorme trac qui devait l'oppresser, comme en témoignent ce léger accroc dans l'aigu final de la valse de Juliette et ce trou de mémoire de quelques secondes lors du dernier bis. Néanmoins, elle ose crânement le contre-mi bémol facultatif de "Sempre libera" qu'elle ne réussit pas tout à fait, il s'en fallait de quelques commas pour qu'il soit totalement juste.

Mais au-delà de ces vétilles, on découvre une voix homogène, ample et généreuse, un timbre envoûtant aux coloris sombres et riche en harmoniques, capable de varier les nuances, notamment dans la seconde partie du concert et un potentiel dramatique indéniable. Les moments les plus réussis de la soirée ont été le superbe lied de Rachmaninov, chanté avec d'exquises demi-teintes, le duo de Iolantha - on l'a dit - celui de La Bohème et l'air de La Wally, absolument splendide. Certes, la technicienne a encore devant elle une marge de progrès, mais les moyens sont là, insolents et charmeurs, moyens qui s'épanouiront plus librement dans le rôle de Giulietta qu'elle incarnera la saison prochaine à l'Opéra Bastille lors de la reprise de I Capuleti e i Montecchi de Bellini.

A la tête de l'Orchestre National de Belgique, Emmanuel Villaume couve ses deux interprète avec une attention quasi-paternelle et se tire plus qu'honorablement de cet exercice qui n'est certes pas aisé.

Une soirée mémorable et riche en émotions diverses dont nombre de spectateurs pourront dire un jour avec nostalgie : "J'y étais !"


Christian PETER


(1) Voir la critique du concert Ciofi/Calleja en janvier dernier.


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