OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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BARCELONE
25/07/2007
 
© Antoni Bofill


Vincenzo BELLINI (1801-1835)

NORMA

Tragédie lyrique en deux actes
Livret de Felice Romani d’après l’œuvre d’Alexandre Soumet

Coproduction Gran Teatre del Liceu /Grand Théâtre de Genève

Mise en scène, Francisco Negrin
Scénographie, Anthony Baker
Costumes, Jonathan Morrell
Lumières, Wolfgang Göbbel

Pollione, Vicenzo La Scola
Oroveso, Andrea Papi
Norma, Fiorenza Cedolins
Adalgisa, Sonia Ganassi
Clotilde, Begona Alberti
Flavio, Jon Plazaiola

Orhestre symphonique du Gran Teatre del Liceu
Chœur du Gran Teatre del Liceu
Direction du chœur, Jose Luis Basso

Direction musicale, Giuliano Carella

Barcelone, 25 juillet 2007

Vérisme et bel canto


Quoi qu’en dise la formule, la critique n’est pas aisée, lorsqu’on mesure à quel point l’opéra est un art difficile, a fortiori pour les œuvres relevant du bel canto qui réclament aux chanteurs des prouesses vocales, non seulement techniques et stylistiques, mais expressives. C’est pourquoi on admire toujours ceux et celles qui s’y aventurent ; mais on a le droit de ne pas aimer la prestation qui nous semble indigne de l’enjeu.

Ces circonlocutions pour énoncer une opinion manifestement minoritaire à propos de la protagoniste de cette Norma, au moins en regard du succès délirant que Fiorenza Cedolins a reçu. De son entrée à la scène finale nous avons attendu en vain le personnage créé par Bellini ; nous avons contemplé une cantatrice faisant un numéro de diva, avec force  attitudes affectées réveillant une tradition que l’on croyait heureusement disparue. Ces poses incompatibles avec la transmission des émotions vont malheureusement de pair avec des problèmes de justesse et de style, et par instant on croît entendre un opéra vériste. C’est d’autant plus regrettable que le potentiel vocal et la présence physique sont indéniables. Mme Cedolins a certes été handicapée par un problème de santé avant la représentation, mais les imperfections relevées semblent découler surtout d’un approfondissement insuffisant du personnage. Non, la grandiloquence et l’à peu près ne font ni la grandeur ni le bel canto.


© Antoni Bofill

La différence n’en était que plus flagrante avec l’Adalgisa de Sonia Ganassi. Dix ans après sa merveilleuse apparition dans la Norma d’Orange son interprétation conserve la même fraîcheur et la même musicalité. Maîtresse absolue d’un souffle qui lui permet les nuances les plus délicates, son respect de la ligne de chant est un modèle et les modulations ambrées qui irisent sa voix font de ses interventions des plages de délectation. Fort heureusement cela stimule sa partenaire dans les célèbres duos, qui resteront les meilleurs moments de la représentation.

Vicenzo La Scola n’est pas un mauvais Pollione, mais – faut-il y voir un effet du temps qui passe – le registre aigu semble moins facile que naguère et la voix moins souple et moins éclatante. Quant à Andrea Papi on se prend dans sa première scène à se demander si les habits d’Oroveso ne sont pas un peu amples pour lui, impression qui ne fera heureusement que s’estomper. Flavio et Clotilde s’acquittent dignement de leurs emplois.
Du chœur, louons sans réserve la précision et la musicalité.
Pour pallier la défection inopinée de Bruno Campanella le Liceu a appelé Giuliano Carella. Ce grand professionnel dirige de main de maître un orchestre en grande forme, comme il convient pour une représentation retransmise à la radio ; la lecture pleine d’allant ménage les contrastes, allie intensité et alacrité, et rend justice aux beautés de la partition, grâce au talent des musiciens.


© Antoni Bofill

Et le spectacle ? Déjà présentée à deux reprises, cette coproduction dont Francisco Negrin est le maître d’œuvre n’est pas iconoclaste, si ce n’est pour le singulier costume de Pollione à l’acte II. Son désir d’inscrire l’œuvre dans un courant politique – l’histoire de Norma serait un épisode de la lutte des Gaulois contre la colonisation romaine – l’amène à montrer des Gaulois cavernicoles en train de comploter dans des catacombes (où leurs prêtres semblent issus d’un film de Pasolini) au dessus desquelles des lueurs sanglantes enveloppent les centurions romains à l’affût de ces voix souterraines. Ce n’est pas très convaincant. Mais l’ensemble reste d’un classicisme de bon aloi : si les chênes sacrés ont été abattus par les occupants, Norma cache ses enfants dans une forêt de menhirs et l’invocation à la lune est l’occasion d’un ballet de lumignons d’un gracieux effet.

Au final, donc, succès général, triomphe pour Sonia Ganassi, mais délire pour Cedolins et rappels innombrables. Après quoi les artistes se sont rendus sur la plage de la Barceloneta où une projection sur écran géant de la représentation en léger différé avait été organisée par l’administration du Liceu. Les deux mille personnes présentes ont prolongé les vivats et nonobstant la fin tragique de Norma la soirée s’est terminée dans la liesse générale.



Maurice Salles
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