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MARSEILLE
05/10/2006
 
June Anderson
© Christian DRESSE

Vincenzo BELLINI (1801-1835)

NORMA

Tragédie lyrique en deux actes et cinq tableaux
Livret de Felice Romani, d’après la tragédie d’Alexandre Soumet, Norma ou l’Infanticide (1831)

Mise en espace, scénographie et lumières, Francesco Esposito

Norma, June Anderson
Adalgisa, Mzia Nioradze
Clotilde, Martine Mahé
Pollione, Zoran Todorovich
Oroveso, Wojtek Smilek
Flavio, Marc Terrazzoni

Choeurs de l’Opera de Marseille
Chef de choeur, Pierre Iodice

Orchestre de l’Opéra de Marseille
Direction musicale, Emmanuel Vuillaume

Marseille, le 5 octobre 2006

Anderson, encore et toujours là


C’est une très intéressante Norma que propose l’Opéra de Marseille en ouverture de la saison 2006-2007. Le souhait de June Anderson de ne pas s’attarder en longues répétitions et le souci de la direction de ménager au mieux les ressources budgétaires se sont rencontrés sur le choix d’une mise en espace.

Francesco Esposito joue habilement des panneaux escamotables pour créer des espaces variés au gré des situations et résoudre les changements de lieu prescrits. Les éclairages ménagent de beaux effets de couleur dans le noir profond qui encadre la scène et la disposition des choristes à la deuxième scène de l’acte II compose un tableau suggestif et élégant. Les deux pluies de pétales de roses rouges (pendant l’introduction orchestrale du Casta Diva et lorsque Pollione rend son amour à Norma) et le déluge de « sang » lyophilisé (au moment du Sangue, sangue, vendetta) n’en sont que plus incongrus.

Dans cette mise en espace un seul accessoire et des costumes appartenant aux interprètes. L’accessoire est un fauteuil, d’abord siège où Norma écoute les confidences d’Adalgisa puis berceau des enfants cachés. Or ce fauteuil a un style : c’est un fauteuil club de ceux qui étaient à la mode dans les années 1920. Clin d’œil au décor du théâtre marseillais ? En tout cas l’accord est parfait avec la toilette choisie par June Anderson dans sa garde-robe, un ensemble composé d’une longue robe et d’un surtout de panne de velours dont la coupe et les couleurs, lilas, bois de rose et marron rappellent les catalogues de cette époque. Dommage que le résultat de cette recherche impose si fortement l’image d’une grande bourgeoise de Boston sortie d’un récit de Scott Fitzgerald au détriment du personnage, en particulier dans le trio final du premier acte.

Ce personnage, qu’elle incarne désormais depuis une dizaine d’années, June Anderson en a scruté les moindres facettes. Aussi, avec les moyens qui sont les siens (et dont on peut estimer qu’ils ne sont plus toujours adéquats aux exigences contradictoires du rôle) elle réussit, surtout dans le deuxième acte, à dominante plus élégiaque, une interprétation de premier ordre sur le plan de la musicalité. C’est une extraordinaire démonstration d’intelligence et de maîtrise technique qui devrait être proposée en modèle aux apprentis chanteurs.

L’entrée d’Adalgisa fait craindre que Mzia Nioradze n’ait trop écouté les chanteuses en fin de carrière que l’on entend dans certains enregistrements de Callas, avec des graves outrageusement poitrinés et une émission tubée peu séduisante. Au deuxième acte elle révèle des aigus faciles et délivre enfin un beau chant de mezzo sans lourdeur.

Désir de s’imposer d’emblée ? Pollione, dans sa phrase d’entrée, s’adresse à Flavio, et l’on se dit que ce dernier doit être sourd pour que le premier hurle de cette façon. Heureusement Zoran Todorovich corrigera le tir et parviendra même, dans le deuxième acte, à se mettre au diapason de sa célèbre partenaire, montrant qu’il est vaillant mais aussi capable de chanter en musicien.

Woytek Smilek est une valeur sûre bien connue dans la région, son Oroveso a le poids et le relief souhaitables. Martine Mahé et Marc Terrazzoni sont une Clotilde et un Flavio sans reproche.

Mais d’autres satisfactions – pour nous les plus grandes, peut-être parce que les moins attendues- sont venues des chœurs et de la fosse. Rarement les ensembles ont eu ce fini et cette cohésion, accents marqués à souhait, netteté des registres, fondus moelleux, un régal.

Quant aux musiciens de l’orchestre, c’est à n’en pas croire ses oreilles. Emmanuel Vuillaume serait-il magicien ? Non seulement sa lecture de la partition épouse étroitement le lyrisme bellinien et la progression dramatique, non seulement l’équilibre sonore est toujours impeccable, mais il obtient des différents pupitres le meilleur d’eux-mêmes. La battue est ample et précise et l’attention aux chanteurs constante. Le résultat est délectable, et on ne peut que pester contre les éjaculateurs précoces qui par leurs applaudissements prématurés empêchent de savourer les ultimes mesures de ce festin.

Grand succès au final pour tous, avec un hommage appuyé à la diva. Pour la leçon de chant qu’elle délivre et l’excellente direction, une production à retenir.



Maurice Salles



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