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PARIS
24/11/05
 Brian Asawa © DR

Antonio VIVALDI (1678-1741)

L’OLIMPIADE

Opéra en trois actes RV. 275 (1734)
Livret de Pietro Metastasio

Licida, Brian Asawa
Megacle, Gemma Bertagnolli
Aristea, Martin Oro
Argene, Barbara Di Castri
Aminta, Anke Herrmann
Clistene, Wolf Matthias Friedrich
Alcandro, Furio Zanasi

Academia Montis Regalis
Direction : Alessandro de Marchi

Version de concert

Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 24 novembre 2005

L’action se déroule près de la ville d’Olympie le jour des jeux. Le reste importe peu ; amitiés trahies, amours contrariés, le livret de L’Olimpiade sert avant tout de prétexte au formidable débordement mélodique et dynamique d’un Antonio Vivaldi au sommet de sa forme. Tout au long de la vingtaine de numéros qui composent l’opéra, l’inspiration emporte sans temps mort l’auditeur dans le bouillonnement de ses flots. Elle le surprend même plus d’une fois à tapoter du pied, à dodeliner de la tête comme dans le meilleur des concerts de rock.

Cette inépuisable énergie, domptée en d’autres lieux par Rinaldo Alessandrini (un enregistrement en témoigne), submerge Alessandro de Marchi qui, au premier acte surtout, tente à grand renfort de cordes d’endiguer le flux et malmène le mouvement jusqu’à rompre la tension du duetto « Ne’ giorno tuoi felice ». Inégal, il trouve ailleurs le juste souffle, le frisson poétique qui chavire par exemple « Mentre dormi amor fomenti ».

Brian Asawa peut alors déployer le velours soyeux de son timbre, exprimer le charme de l’inconstant prince Licida et s’affirmer comme la vedette d’une distribution qui, pour la plupart, a trouvé dans l’entreprise discographique Naïve l’occasion de démontrer ses affinités avec ce répertoire.

Ainsi, Martin Oro fut Griffone, le noble compagnon d’Orlando finto pazzo avant d’incarner ici la tendre Aristea. L’esprit le plus ouvert, le plus baroque jusque dans la confusion des sexes, conçoit avec difficulté une jeune fille virile et barbue. Fermant les yeux pour dissiper le malaise, l’oreille ne parvient pas davantage à se représenter la tendre héroïne. La technique, la beauté de la voix ne sont pas en cause mais il lui manque la clarté, la subtilité, la féminité tout simplement. Pour accentuer encore le déséquilibre, son amant, le sensible Megacle, est interprété par Gemma Bertagnolli, soprano jusqu’au bout des ongles, dont la projection s’accomplit seulement dans le registre aigu. Il faut donc renoncer aux abîmes de « Superbo di me stesso » pour se laisser griser plutôt par les ébouriffantes vocalises de « Lo seguitai felici ».

L’habitude est désormais prise : dès que les rives lyriques du prêtre roux sont abordées, le fantôme de Cecila Bartoli surgit, inévitable, invoqué cette fois par «Siam navi all’onde algenti ». Anke Herrmann relève l’impossible défi avec ses propres armes – légèreté, musicalité –, au détriment de la chair et de l’onctuosité. Colorature avant tout - elle coiffe à l’occasion la couronne de la Reine de la nuit - elle tire Aminta vers l’Oscar du Bal masqué qu’elle égare dans la Venise du XVIIIème siècle.

Les musicologues, eux, préfèrent à la virtuosité des arie di tempesta la modernité des parties dévolues aux voix graves. Pourtant, le baryton Furio Zanasi semble ce soir l’ombre de l’inoubliable Farnace qu’il interpréta au disque et sur scène, dirigé alors par Jordi Savall. Le volume, l’engagement déçoivent quand demeurent malgré tout la séduction, le mordant des attaques et la netteté du son.

Plus terne encore, Wolf Matthias Friedrich, roi germanique avant d’être latin, ne sait pas rendre justice au sublime « Non so dove viene », le plus bel air peut-être d’une partition qui en regorge. Combien ce soir l’ont remarqué ?

Reste Barbara Di Castri dont les trois airs ne tiennent pas la promesse des récitatifs. La molle placidité des premiers contredit la précision théâtrale des seconds. Il faudra attendre Arsace dans la Semiramide que présente le Théâtre des Champs Elysées au mois d’avril pour préciser son jugement.

Mais le plus vif des regrets reste de ne pouvoir apprécier l’œuvre dans sa tenue d’apparat, mise en scène comme il se doit, quelles que soient ses faiblesses dramatiques. La renaissance vivaldienne est à ce prix, au risque sinon de passer pour et comme un effet de mode. En attendant, l’occasion d’applaudir L’Olimpiade est trop rare pour, au final, ne pas se réjouir car, le baron de Coubertin l’affirmait à propos des jeux olympiques justement, l’essentiel est de participer.

Christophe Rizoud
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