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MONTPELLIER
18/07/04

© Marc Ginot
L'Ombre de l'âne

Richard STRAUSS

Opéra opus posthume en 6 tableaux (1947-1948)
Titre original "Des Esels Schatten"
Adaptation française de René Koering
Orchestration de René Bosc

Création
Yuri Kissin : Struthion
Jean-Luc Viala : Antrax
Vincent Le Texier : Kenteterion 
Eric Freulon : Philippides 
Franck Cassard : Physignatus
Renaud Delaigue : Polyphonus
Robert Expert : Krobyle
Gilles Yanetti : Gorgo

Orchestre National de Montpellier
Choeur de l'Opéra National de Montpellier
Chef de choeur, Christophe Talmont, chef de choeur
Juraj Valcùha, direction
René Koering, mise en scène
Mâkhi Xenakis, décors et costumes
Patrick Méeüs, lumières

Montpellier, 18 Juillet 2004


Purement et simplement annulé l'an dernier, par suite des mouvements syndicaux que l'on sait, le Festival de Montpellier tente de reconquérir son public et propose cette année pas moins de huit soirées lyriques, cinq opéras en version concert, deux oratorios et une mise en scène. Et en dehors du Baron Tsigane de Johann Strauss, il s'agit à chaque fois d'oeuvres complètement inconnues, exhumées d'on ne sait quelles oubliettes de l'histoire de la musique. René Koering, le maître des lieux, s'est fait depuis de longues années déjà, une spécialité de ces redécouvertes surprenantes qui livrent tantôt de bonnes surprises et tantôt la confirmation des jugements du temps. Outre ces grandes productions lyriques, le festival offre aussi des concerts symphoniques, des nombreux récitals de piano ou de musique de chambre, du jazz, des soirées de musique électronique, sans oublier des rencontres-débats autour du thème de la frontière, bref un peu de tout pour tous les goûts.
 

Oeuvre inachevée de Richard Strauss

La seule mise en scène de cette année est consacrée à une oeuvre fragmentaire de Richard Strauss, intitulée L'Ombre de l'âne, écrite comme une pochade vers la fin de sa vie (1947) pour la fête d'un collège dont les élèves, aux rangs desquels son petit-fils, devaient être les interprètes. Le livret original est adapté d'un texte de Wieland, L'Histoire des Abderitains, sorte de parabole philosophique publiée en 1774, pleine période des Lumières, retravaillé pour Strauss par Joseph Gregor. Il retrace l'histoire d'un procès ridicule dans un pays imaginaire, opposant un marchand grincheux à un dentiste vaniteux, et présente en galerie de portraits-charges un juge poète, un corporatiste, un prêtre libidineux, un avocat procédurier et un malheureux âne, victime de tous.

Oeuvre fragmentaire, disions-nous, parce que Strauss, après avoir pesté contre son librettiste, délaissa le projet, laissant inachevées les quelques pages qu'il avait déjà écrites. Différentes tentatives de compléter l'oeuvre et de l'orchestrer suivirent la mort du compositeur, aboutissant à une première création en 1964. Ces maigres pages font songer tantôt à la musique de scène du Bourgeois Gentilhomme tantôt à Capriccio, pour autant que l'interprétation donnée hier à Montpellier permette d'en juger.

Adaptation pour le moins contestable

René Koering, reprenant la partition, en livre ici une adaptation française avec l'ajout de dialogues parlés, qui gomment tout le côté philosophique du conte de Wieland pour ne retenir que la plaisanterie de potache, avec une lourdeur qui dépasse l'entendement ; pour la partie musicale, il a demandé à son ami René Bosc une nouvelle orchestration pour petit ensemble de chambre, et des interludes orchestraux, adaptés d'extraits d'Ariane à Naxos (c'est-à-dire mutilés) ont été ajoutés pour compléter la partition. Fort négligemment servie par quelques membres de l'orchestre National de Montpellier, qui n'ont pas dû beaucoup répéter, par les choeurs de l'opéra du lieu et quelques chanteurs du même calibre, la partition ainsi remaniée ne sort pas grandie de l'aventure. Une part non négligeable du génie de Strauss réside dans ses merveilleuses orchestrations, et la réduction pour un ensemble de quelques musiciens seulement n'arrange évidemment pas les choses. Mais la conception scénique du spectacle, tout encombrée de poncifs du pire boulevard des années '70, crée un climat réfractaire à tout épanouissement, qu'il soit dramatique ou musical. L'articulation des comédiens chanteurs est déficiente, des pans entiers du texte vous échappent, le résultat est tout simplement désastreux, d'une affligeante vulgarité et rarement drôle.
Seuls les décors et costumes de Mâkhi Xenakis, imaginatifs et colorés, apportent une touche professionnelle à ce spectacle-farce. Il y avait sûrement mieux à faire avec l'argent du contribuable français... car enfin, de deux choses l'une : soit L'Ombre de l'âne est une oeuvre, certes mineure, mais digne d'intérêt - c'est notre avis - et méritait meilleur traitement, soit c'est une fantaisie de vieillard insignifiante, et mieux valait alors la laisser où elle dormait, dans un tiroir de bibliothèque.
 
 

Claude JOTTRAND
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Note : France Musiques diffuse cet opéra le Samedi 23 Juillet 2004, 14h.

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