C O N C E R T S 
 
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NAMUR
05/10/05
Jean Tubéry © DR
Claudio Monteverdi (1567-1643)

L'ORFEO

Favola in musica

Hans-Jörg Mammel, Orfeo

Caroline Weynants, La Musica
Julie Robard, Eurydice
Aurore Bucher, Messagiera
Elena Pozhidaeva, Speranza
Caroline Tarrit, Proserpina
Helen Cassano, Ninfa

Philippe Favette, Caronte
Etienne Debaisieux, Plutone
Benoît Giaux, Apollo

Renaud Tripathi, Paulin Bundgen, Pastori
Peter de Laurentis, Thibaut Lenaerts, Pastori
Nicholas Achten, Pastore

Hélène Houzel et Benjamin Chénier, violons
Angélique Mauillon, harpe
Martin Bauer, basse de viole
Lucas Guimaraes Perez, lirone et viole
Sören Leupold, théorbe
Michel Maldonado, violone
Ulrike Brutt, violoncelle
Jean-Marc Aymes et Sébastien d'Hérin, orgues et clavecins
Jean Tubéry, flûtes et cornets
Kuniko Ueno, cornet
Fabien Chénier, Simen Van Mechelen, David Yakus et Stéphane Legée, trombones

Choeur de Chambre de Namur
Jean Tubéry, direction

Nouvelle production
en partenariat avec le Festival International
de Torroëlla de Montgri en Catalogne.

Théâtre de Namur - 5 octobre 2005.

Un vivifiant retour aux sources
 

Privée de trompettes, l'ouverture perd en éclat, en solennité ce qu'elle gagne en vivacité et en légèreté : le ton est donné, c'est celui de la pastorale, au début riante, mais qui vire au drame. Point de sacré, de mythologie ni de cosmogonie, car cette version de concert privilégie l'humanité des personnages au gré d'une lecture presque intimiste par moments, loin du somptueux spectacle de cour imaginé par René Jacobs (les amateurs de ritournelles fleuries et de violons diserts en seront pour leurs frais) et que certains jugeront réductrice, mais qui assure aujourd'hui encore le succès de l'ouvrage et parle au public le plus divers. En l'occurrence, L'Orfeo semble couler de source, avec un naturel époustouflant, et se livre dans une étonnante immédiateté. 

Il faut dire que Jean Tubéry n'a pas son pareil pour articuler et animer le discours, fédérant ses troupes autour d'une approche extrêmement musicale et décomplexée face aux questions épineuses que soulève l'interprétation du monument. C'est bien d'une réussite collégiale qu'il faut parler, avec une mention spéciale pour le choeur de Chambre de Namur, d'une cohésion exemplaire, d'un relief saisissant. 

A l'exception notoire du rôle-titre, les solistes en sont issus, quand ils ne rejoignent pas aussi le continuo, à l'instar du prodigieux Nicolas Achten, l'organe encore vert et la projection limitée - à vingt ans, peut-on l'en blâmer ? - qui accompagne la Musica au théorbe avant de s'accompagner lui-même en Pastore ! Globalement, les dames déçoivent, ce qui est particulièrement frustrant dans le cas d'Aurore Bucher, jeune artiste prometteuse, mais mal distribuée dans le rôle capital de la Messagiera. Par contre, les interventions des Pastori rivalisent de fraîcheur et d'éloquence et marient avec bonheur les timbres (très poétiques duos de Peter de Laurentis et Thibault Leenaerts), révélant aussi le grain personnel et la belle présence du contre-ténor Paulin Bundgen - il incarnera Endimione dans La Calisto que dirigera Stephan McLead en janvier 2006 au Théâtre du Loup de Genève. 

Hans-Jörg Mammel incarne un Orfeo solaire, bluffant d'aisance dans la virtuosité, mais un peu trop désinvolte, visiblement satisfait de lui-même. Moins attentif au mot, il semble parfois s'écouter chanter et néglige d'autant plus l'expression, en particulier dans son long et intense monologue de l'acte III. Dommage, car l'homme est fin musicien et possède les moyens du rôle. Benoît Giaux (Apollo) affiche un tout autre souci du texte et délivre un chant à peine moins délié, mais bien plus sensible.

Quelques éclairages suggestifs, des changements de tonalité, simples et efficaces, dans les costumes, des mouvements fluides et bien étudiés cernent l'atmosphère de chaque tableau au point que toute mise en scène paraît superflue. Au contraire même, on se surprend à penser qu'elle aurait peut-être figé l'ouvrage, bridant l'imagination des spectateurs et les détournant de l'essentiel. D'ailleurs, L'Orfeo a-t-il vraiment besoin d'être mis en scène, imagé, chorégraphié, explicité ? En tout cas, Jean Tubéry a mille fois raison lorsqu'il observe que "son universalité intemporelle rend caduque, et décline ainsi, toute traduction contemporaine". 

Si l'acoustique de la salle surexpose les moindres défauts (l'aigreur des violons, l'intonation défaillante ou la diction approximative de l'une ou l'autre soliste), elle met aussi en valeur le travail du continuo, la harpe d'Angélique Mauillon, le théorbe enchanteur de Sören Leupold, et les cornets volubiles de Kuniko Ueno et Jean Tubéry, toujours aussi leste !
 
 

Bernard SCHREUDERS

 

Reprise à l'Opéra de Renne les 18 et 19 octobre.

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