C O N C E R T S 
 
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METZ
(Opéra)

(20/01/2002)

 
Le comte Ory
Gioachino Rossini

Direction musicale : Giuseppe GRAZIOLI
Mise en scène : Jean-François VINCIGUERRA
Décors et costumes : Arthur ABALLAIN
Lumières : Patrice WILLAUME

Mario Zeffiri (Comte Ory) 
Aline Kutan (Comtesse Adèle) 
Luca Grassi (Raimbaud)
Jacques Catalayud (Gouverneur) 
Anne Pareuil (Ragonde)
Patricia Fernandez (Isolier)
Czeslawa Kiciak (Alice)


Le triomphe des Femmes


 


En 1828, Rossini donne à l'Académie Royale de Musique un véritable opéra comique en français, Le Comte Ory, pour lequel il puise allègrement dans la partition du Voyage à Reims, composé trois ans plus tôt pour le couronnement de Charles X. Nous ne nous en plaindrons pas puisqu'il en résulte une oeuvre des plus réjouissantes, nourrie par la verve étincelante d'un compositeur de trente-six ans qui s'apprête déjà à raccrocher les partitions. Cet ouvrage constitue de plus un excellent tremplin pour de jeunes chanteurs à la virtuosité accomplie et entre donc parfaitement dans la politique menée à Metz par Danièle Ory (!), qui consiste à offrir de nombreuses prises de rôle à de jeunes artistes prometteurs.

Nous sommes dans un Moyen-Age d'opérette, avec des décors en carton-pâte volontairement naïfs et des costumes excessivement rutilants. Dans ce cadre fantaisiste, le baryton Jean-François Vinciguerra, signataire de cette reprise, joue la carte de la farce pour ce qu'il considère comme un "vaudeville moyenâgeux de troubadour en goguette". Il manie l'anachronisme avec un plaisir certain, introduisant un home-trainer dans la chambre de la Comtesse puis une batterie de machines à écrire, et parsème l'ouvrage de gags. C'est ainsi qu'au premier acte lorsque Isolier se confie au faux ermite, nous nous retrouvons dans le cabinet d'un psychanalyste avant l'heure. On notera encore des clins d'oeil à l'Olympia des Contes d'Hoffmann ou à la célèbre représentation picturale de la Cène, ainsi que l'usage (et l'abus ?) de chorégraphies burlesques auxquelles se prêtent sans rechigner les solistes et les choeurs, comme ce french-cancan parodique qu'exécutent les fausses pèlerines au second acte. Le public rit mais cette agitation permanente finit parfois par lasser, à des moments où la musique se suffit à elle-même et ne réclame pas cette débauche d'effets. A ces moments, la farce a tendance parfois à devenir légèrement indigeste.

On trouve heureusement davantage de subtilité dans la fosse où Giuseppe Grazioli joue du contraste et de la dynamique. Il est impossible de résister à cette direction pleine d'élan et de verve. La distribution nous apporte elle aussi son lot de satisfactions, d'autant que chacun de ces jeunes artistes se révèle un comédien investi dans son rôle. Notre seule réserve concerne le Raimbaud acceptable mais un peu fruste du baryton italien Luca Grassi (un habitué du festival de Martina Franca). Anne Pareuil est une Ragonde très amusante mais gagnerait à soigner sa diction. Dans le rôle du Gouverneur, Jacques Catalayud impose sa voix claire et sonore et vient à bout de son très difficile air du premier acte, même s'il est contraint d'escamoter quelque peu les notes les plus graves.

Dans le rôle titre, le ténor grec Mario Zeffiri, entendu à Liège dans Le Voyage à Reims, fait preuve de beaucoup de vaillance et de virtuosité. Si le timbre n'est pas toujours des plus séduisants, sa prestation n'en est pas moins tout à fait digne d'éloges. La soprano canadienne Aline Kutan triomphe dans la Comtesse Adèle avec un aigu d'une grande facilité et une virtuosité sans failles, qui font oublier un timbre plus commun et une voix qui perd de sa projection dans le médium. Mais j'attribuerai sans aucune hésitation les lauriers de la soirée à l'Isolier de Patricia Fernandez. Nous avons suivi depuis quelques années la carrière de ce réel espoir du chant français, appelée à devenir une grande Carmen d'ici peu. Sa présence lumineuse, sa voix belle et homogène, bien projetée, son incontestable virtuosité sont de grandes promesses pour l'avenir.

En définitive, un spectacle réjouissant qui nous permet de passer une excellente après-midi et d'oublier la froidure lorraine, et qui s'achève sur une non moins réjouissante image : le triomphe des femmes.
 


Vincent Deloge

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