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GENES
23/10/04

Lioba Braun
© www.lioba-braun.de
Richard WAGNER

PARSIFAL

Festival scénique et sacré en trois actes
(Richard Wagner)

Direction musicale : Michail Jurowsky
Mise en scène : Harry Kupfer
Décors : Hans Schavernoch
Costumes : Christine Stromberg

Orchestre et Choeur du Teatro Carlo Felice
Choeur de Chambre de la Radio Ceca
Chef des Choeurs : Ciro Visco

Parsifal : Torsten Kerl
Kundry : Lioba Braun
Amfortas : Albert Dohmen
Gurnemanz : Manfred Hemm
Klingsor : Josef Kapellman
Titurel : Julian Rodescu

Gênes, Teatro Carlo Felice,
23 Octobre 2004



Et vlan du balai ! Importée de Berlin, cette production du Bühnenweihfestpiel (surtout pour les wagnériens purs et durs !) n'aura séduit que les inconditionnels d'Harry Kupfer.

Autant dire de suite que l'ouvrage du Maître de Bayreuth nage dans une luxueuse nébuleuse au fil des tableaux qui s'enchaînent dans un foutoir technique et lumineux, certes du plus bel effet, mais dont il est permis de douter de la fidélité aux intentions du musicien.

L'action s'ouvre dans le coeur d'un quelconque vaisseau spatial - ou centrale nucléaire, allez savoir !? - permettant sur des parois mouvantes en aluminium de saisissantes projections dignes d'un électroencéphalogrammeÖ Vous pouvez trouver les mêmes sur votre ordinateur équipé d'un lecteur de MP3. C'est certes original, audacieux, digne des meilleures productions hollywoodiennes genre X-Files ou La Guerre des Etoiles. Mais, cet alignement de gadgets (au deuxième acte le héros est séduit par des écrans de télévision, les Filles Fleurs chantant dans la fosse d'orchestre), cette distanciation désirée par rapport à la magie, au mysticisme, à la religion, voire même à la mythologie soulève l'hilarité. Cette alchimie de bazar, cette ironie même de tous les instants - ah ! l'aile d'avion ou de fusée ou de quoi que ce soit à votre choix qui servira aux cérémonies d'Amfortas, puis de donjon à Klingsor et enfin de couche copulatrice entre Kundry et Parsifal - désacralisent à jamais les propos du compositeur.
Les propos du metteur en scène tombent finalement à plat.

Titurel et Klingsor apparaissent comme les deux pôles d'un monde aux couleurs glaciales, stérile, aseptisé, sectaire, ambigu même dans certaines attitudes fraternelles des chevaliers simplement humains.
Dormez tranquilles, les couleurs seront bien au rendez-vous pour un Enchantement du Vendredi-Saint de pacotille avec ces cubes translucides publicitaires dignes d'un catalogue de fleuriste de supermarché !! Vous l'avez compris, ici, la vérité est ailleurs...

Par bonheur, aux images revêches à la partition sublime et au texte subtil, le chant et la direction d'orchestre emportent l'adhésion la plus complète. Les parties orchestrales de la partition, on le sait, constituent le principal intérêt de Parsifal. On a rarement entendu un Wagner aussi plein de rutilances solistes, de sonorités impressionnistes. Sous la direction de Michail Jurowsky la représentation atteint une intense émotion dramatique à laquelle contribuent tant la perfection de l'orchestre que la qualité exceptionnelle des interprètes.

Faut-il s'extasier encore sur la splendeur vocale de Manfred Hemm ou louer son intelligence du texte, du geste, son sens des nuances ou la tragique noblesse de son Gurnemanz ?
Faut-il s'étonner de la lamentation lyrique et torrentielle d'Albert Dohmen ?
Josef Kapellmann se révèle un Klingsor parfait, cauteleux et retors à souhait. Dans le rôle titre Torsten Kerl est la jeunesse, le rayonnement, la pureté même. Sa voix est ronde, fraîche, claironnante, rayonnante, le timbre chaud barytonnant à souhait, l'aigu clair, facile. Un ténor à suivre.
Lioba Braun enfin trouve avec Kundry un rôle à la mesure de sa personnalité et de ses moyens de grand mezzo dramatique car possédant un registre grave exceptionnel. Tour à tour bête sauvage rampant sur le sol, esclave moralement enchaînée, mère pleine de douceur ruisselante du lait de tendresse humaine, femme féline, sensuelle qui prête aux longues phrases de la séduction une beauté rarissime. Elle charme, supplie, menace avec fureur, réussit à faire un personnage attachant. Le regard de Marie-Madeleine pour le Christ en Croix...
Un exploit finalement dans ce spectacle où une chatte ne retrouverait pas ses petits.
 
 
 

Christian COLOMBEAU
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