C O N C E R T S 
 
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STRASBOURG
19/10/03

(Acte I, © Alain Kaiser)
Richard WAGNER

Parsifal

Drame sacré en 3 actes

Direction musicale - Günter Neuhold
Mise en scène - Klaus Michael Grüber
Collaboration à la mise en scène - Ellen Hammer
Scénographie - Gilles Aillaud
Costumes - Moidele Bickel
Eclairages - Konrad Lindenberg

Amfortas - Claudio Otelli
Titurel - Günther Groissböck
Gurnemanz - Friedemann Röhlig
Parsifal - Frank Van Aken
Klingsor - Tomas Möwes
Kundry - Jeanne-Michèle Charbonnet

Jeunes Voix du Rhin,
Choeurs de l'Opéra national du Rhin
Choeurs auxiliaires
Direction des choeurs - Michel Capperon
Choeurs d'enfants du Conservatoire national de région de Strasbourg
Direction - Catherine Bolzinger
Orchestre Philharmonique de Strasbourg

Coproduction du Royal Opera House, Covent Garden
et de la Fundacion del Teatro Lirico-Madrid
d'après la production originale du Nederlandse Opera

Strasbourg, Opéra, 19 octobre 2003



Cette production de Klaus Michael Grüber du dernier ouvrage wagnérien est célèbre. Créée en 1989 à Amsterdam, elle a tourné ensuite en Europe (Londres, Madrid, Florence Amsterdam et Paris) et nous arrive aujourd'hui à Strasbourg par la volonté du nouveau directeur de l'Opéra National du Rhin, Nicholas Snowman qui, comme certains, considère grandement cette mise en scène, allant même jusqu'à dire que rien de mieux n'a été fait depuis Wieland Wagner.

Je ne partage pas l'enthousiasme des uns et des autres face à ce travail qui m'a laissé, pour le moins, mitigé.

Le parti pris est d'un grand statisme. Ce n'est guère gênant pour les actes I et III, mais cela le devient un peu pour l'acte II où la scène de séduction voit Parsifal et Kundry debout du début à la fin de l'acte, ne se regardant pas, mais se rapprochant progressivement l'un de l'autre jusqu'au baiser fatal. Le statisme est compensé par de beaux jeux de lumière, modelant l'espace scénique, mais les "poursuites" systématiques sur chaque protagoniste finissent par lasser.

La direction d'acteurs est, elle aussi, sobre et précise. Les personnages sont bien caractérisés, mais on pourra trouver celui d'Amfortas un peu trop caricatural (un maquillage outré y participe largement), on a aussi du mal à vraiment comprendre la raison d'être de son immense prothèse du bras droit qui descend jusqu'au sol et se termine par une roue... Le personnage semble davantage abattu par la douleur que par la honte.

Les costumes jouent aussi la carte du dépouillement, surtout en ce qui concerne Parsifal, affublé d'une tenue verte des plus curieuses et guère seyante (le noir du dernier acte sera plus convaincant). On trouvera davantage de fantaisie et de variété dans les décors : des fûts (entre troncs d'arbre et structure métallique), laissant place à une longue table qui traverse tout le plateau (rappelant telle Cène d'un tableau de la Renaissance) au premier acte, et des taches de couleur lumineuses, à la Miró, au deuxième. En revanche, on écarquille les yeux à la découverte du cabinet de Klingsor, avec son immense requin suspendu au plafond, à la vue du massif rocheux du deuxième acte avec ses grandes feuilles vert pomme et ses cactus (on est en plein kitsch), et, surtout, du tipi à moitié recouvert de peaux de moutons (pardon, de neige) qui représente l'antre de Gurnemanz au troisième acte, avec son petit banc en rondins de bois... Grotesque. Il est tout de même navrant de ne pouvoir s'empêcher de pouffer de rire sur une musique aussi sublime (prélude de l'acte III !...). Il en va également ainsi de l'effondrement du royaume de Klingsor, où le massif rocheux s'ouvre en deux et dont les "statues" qui l'ornent se plient de même... Là-encore, on frôle le ridicule.

Quelques réussites au milieu de cette indigence, comme une très belle scène des filles fleurs (particulièrement bien choisies d'ailleurs, tant vocalement que physiquement), toutes au sol, qui se relèvent doucement et balancent sensuellement leur bras tels les pétales de fleurs carnivores ; l'entrée des chevaliers à l'acte III, cachés derrière des armures et qui s'avancent lentement vers le devant de la scène ou encore l'image finale d'un Parsifal "illuminé" tournant son regard vers les hauteurs.

(Filles Fleurs, © Alain Kaiser)

Devant une mise en scène où le dénuement le dispute au statisme, un poids énorme repose sur les épaules des chanteurs. L'équipe réunie convainc pleinement, sans doute grâce à la présence de Klaus Michael Grüber à Strasbourg pour les répétitions. Le fait est assez rare pour être signalé.

Ce sont d'emblée les noms de Friedemann Röhlig et de Jeanne-Michèle Charbonnet qui viennent à l'esprit. Le premier campe un Gurnemanz tout à fait exceptionnel. La beauté et la puissance de l'organe, l'endurance et la finesse du chanteur (tout juste remarque-t-on quelques faux-départs dus vraisemblablement au trac), la sobriété du jeu, d'où se dégage une grande bonté, offrent des moments absolumentmémorables. Jamais les longs monologues de Gurnemanz n'auront paru si vivants et radieux. Quant à Jeanne-Michèle Charbonnet, elle affiche une superbe voix de mezzo, son chant intense et son investissement dramatique en font une Kundry remarquable, mais aussi très touchante dans les actes I et III. Le Parsifal de Frank Van Allen met un peu de temps à s'imposer : son physique, son costume et son entrée précipitée au premier acte ne l'aident pas beaucoup, mais il se montre véritablement émouvant au deuxième acte et sa beauté illumine le final. Il possède une solide voix d'heldentenor et le rôle ne lui pose pas de problème.

Est-ce dû, là encore, à la mise en scène ? Je n'ai guère été sensible à l'Amfortas de Claudio Otelli. Rien de désagréable, rien d'enthousiasmant non plus. L'excellence de Gurnemanz le dessert dans sa première apparition, mais seul, surtout au troisième acte, il convainc davantage, même s'il a tendance à en faire un peu trop.
La voix de Tomas Möwes (Klingsor) montre des signes de fatigue (large et désagréable vibrato), accentués par un chant qui semble engorgé. Certes, avec les mêmes caractéristiques, un chanteur comme Franz Mazura marquait dans le même rôle ; Tomas Möwes, lui, a du mal à se hisser au même niveau.

Les filles fleurs, nous l'avons dit, sont parfaitement distribuées, tout comme certains seconds rôles : on distinguera notamment l'écuyer de Fausto Reinhart et Hye-Youn Lee, à la fois en écuyer et en fille-fleur, tous deux excellents. Les choeurs ne déméritent pas, surtout au troisième acte, même si on aurait souhaité qu'ils soient plus fournis. Mention spéciale au choeur féminin à l'acte II.

(Final, © Alain Kaiser)

Le chef d'orchestre Günther Neuhold a choisi de nous offrir un Parsifal enlevé, ce qui pourra déplaire aux tenants (j'en suis) de la solennité à la Knappertsbusch ou à la Levine. N'empêche, le travail qu'il a effectué avec un Philharmonique de Strasbourg en grande forme, est tout à fait remarquable de précision et de propreté.
 
 
 

Pierre-Emmanuel Lephay


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Prochaines représentations :

à Strasbourg, Opéra : les 25, 28, 30 octobre à 18 h., 2 novembre à 15h., 4 et 8 novembre à 18h.
Renseignements et réservations : 03 88 75 48 23

à Mulhouse, La Filature :14 novembre à 18 h. et 16 novembre à 15 h.
Renseignements et réservations : 03 89 36 28 28

www.opera-national-du-rhin.com
 

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