C O N C E R T S
 
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NICE
28/11/2004

Sandrine Piau
© Opéra de Nice
LES AVENTURES DU ROI PAUSOLE

Opérette en 3 actes de Arthur Honegger

Créée le 12 décembre 1930 à Paris aux Bouffes-Parisiens
Livret d'Albert Willemetz
d'après le roman de Pierre Louÿs

Nouvelle production en coproduction avec la Péniche Opéra
l'Opéra-Comique et l'Opéra de Toulon

Le roi Pausole : Marc Barrard
Taxis : Thomas Morris
La blanche Aline : Gisèle Blanchard
Giglio : Leonardo de Lisi
Mirabelle : Elodie Méchain
Diane à la houppe : Annie Vavrille
Dame Perchuque : Adrienne Mille

Direction musicale : Attilio Tomasello

Mise en scène : Mireille Laroche
Décors et scénographie : Daniel Buren
Costumes : Jean-Pierre Capeyron
Chorégraphie : Francesca Bonato
Orchestre Philharmonique de Nice
Choeur et Ballet de l'Opéra de Nice
 

Spectacle du dimanche 28 novembre 2004


Dans les années trente, Albert Willemetz et Arthur Honegger s'associent pour un ouvrage irrévérencieux : Les Aventures du Roi Pausole. A la création, la pièce a tenu l'affiche pendant deux saisons consécutives. Un triomphe donc, puis un long oubli jusqu'à ce que Renée Auphan la remonte à Lausanne en 1989 et lui donne ainsi une nouvelle carrière.

En fait, Pausole est le type même des oeuvres montées dans l'univers lyrique de l'entre-deux guerres : le lyrique léger. Solution hybride car pour les amateurs de théâtre il y a trop de musique et pour les amateurs de chant trop de texte parlé. Mais, ce qui est original dans cette pièce, c'est le côté revue cochonne des années trente avec en contrepoint une composition très sérieuse d'Honegger avec ses clins d'oeil à l'opéra français, ses rythmes jazzés et même beuglants. Un tout composite et étrangement... coquin, car dans Pausole il n'est question que de fesses et de bagatelle du début à la fin ! On y trouve pêle-mêle : un roi ubuesque et son harem de 365 femmes (l'amour est la valeur essentielle dans ce royaume de pacotille !), un éloge du travesti et de l'homosexualité des deux bords, un eunuque sorti tout droit de la Cité Interdite, une course poursuite surréaliste, et, clé de voûte du spectacle, une ballerine lesbienne qui va essayer de se taper... une princesse nunuche. Ouf !!!

Dans ce crossover salace, que les moralistes de la Ville se rassurent. Après moult poursuites et quiproquos à la chaîne, la morale restera sauve à la fin du spectacle pour le plus grand bonheur de tous ! A commencer par celui du spectateur, grâce d'abord à la mise en scène de Mireille Laroche, bourrée d'anachronismes qui dans les fonctionnels décors de Buren ne tombent jamais dans la vulgarité ni la trivialité. 
Le piège était pourtant facile. Et si Mireille Laroche venait d'inventer la fesse érudite ? Qu'il nous soit permis de poser la question. 

A Nice, le rôle-titre a été confié à Marc Barrard. Cet excellent baryton nîmois chante on ne peut mieux Pausole, un tantinet grippé, de sa voix de bronze. Inénarrable quand il danse, ce diable d'homme sympathique, habitué, lui aussi, à l'opérette, vient de faire une prise de rôle réussie.

Bonnes réparties pleines de malices chez Thomas Morris (Taxis) et de chant italien chez Leonardo de Lisi (Giglio véritable obsédé sexuel).

A leurs côtés, une équipe féminine jeune à l'enthousiasme réjouissant, à la crédibilité scénique indéniable. Gisèle Blanchard en véritable fausse oie blanche qui finalement roulera son monde dans la farine chante une pétulante Princesse Aline qui succombe facilement aux avances d'Elodie Méchain, Mirabelle travestie plus vraie que nature.
Nous avons gardé la meilleure pour la fin : Annie Vavrille. D'un érotisme torride, habituée à Carmen, Dalila, Judith et autres mezzos d'envergure, elle se fourvoie avec euphorie et un aplomb vocal réjouissant dans le musical et fait fondre le public avec un languissant "si vous saviez combien c'est long d'attendre" tout de sensualité retenue. On ne manquera sous aucun prétexte sa Grande Duchesse de Gerolstein au printemps prochain sur la même scène !

Impossible de citer ici tous les interprètes, qui s'en donnent à coeur joie dans le sous-entendu et la gauloiserie. Il serait injuste de ne pas associer au triomphe mérité des mimes, danseurs, chanteurs et acrobates, la direction d'une franche vitalité d'Attilio Tomasello. Point d'emphase inutile, discret et efficace lorsqu'il le faut, le chef arrive à nous faire croire que nous sommes dans un beuglant et non dans un théâtre où se joue le grand répertoire. Montmartre sur la Prom en quelque sorte... Quand la fesse va, tout va ! Fallait y penser.
 
 

Christian COLOMBEAU
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