C O N C E R T S
 
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BARCELONE
05/02/05

© DR
RÉCITAL
Ewa PODLES

Frédéric Chopin (1810 -1849)

Opus 74 

- Réjouissances
- Beau garçon
- L'anneau
- Chanson lituanienne
- Ma chérie

Gioachino Rossini (1792 -1868)
Giovanna d'Arco, cantate

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Sergei Rachmaninov (1873-1943)

Christ est ressuscité, op. 26 - 6
Que l'amour est loin, op. 14 -3
Dans le silence de la nuit, op. 4 -3
Tout passe, op. 26 -15
Belle comme le jour, op. 14 -9
Les eaux du printemps, op. 14 -11

Johannes Brahms (1833 -1897)

Opus 103 - 1 à 7 et 11 

Zigeunlieder

Ewa PODLES, contralto
Roman Markovicz, piano

Samedi 5 février 2005
Gran Teatre del Liceu - Barcelone



Entre Ewa Podles et le public du Liceu de Barcelone, le courant de sympathie semble d'emblée réciproque. Pourtant, c'est sans surtitres catalans que la cantatrice le convie à un voyage musical pour le moins dépaysant.

Cet instrument vocal à l'ambitus exceptionnel qui est le sien, Podles en joue et s'en amuse avec maestria. Selon le scénario de chaque pièce, elle se fait mutine, espiègle, tendre, mélancolique, conquérante en amour comme à la guerre... Sans jamais dévier de sa ligne de chant. L'interprétation est nuancée mais haute en couleurs. Disposant d'un contre-ut de soprano dramatique et d'un sol dièse de baryton, la voix chaude, souple et agile, sait lancer des éclairs, s'assombrir, s'imposer silence. De surcroît, avec un jeu tout en finesse, le pianiste Roman Markovicz se révèle l'accompagnateur sensible et complice qui saura dialoguer avec la chanteuse tout au long d'un programme éclectique.

Pour commencer, Ewa Podles a choisi 5 des19 mélodies de Chopin éditées à titre posthume en 1859. Simples et fraîches, inspirées de chants populaires, celles-ci nous content les élans du coeur, les joies et les tristesses de l'amour. Pionska Litewska (Chanson lituanienne) et Moja Pieszczotka (Ma chérie) sont particulièrement vivantes et touchantes de spontanéité. Il faut dire que ces couplets plutôt naïfs, peu porteurs de prouesses vocales, tiennent une place on ne peut plus modeste dans l'oeuvre du compositeur. Ils ont du moins le mérite de nous faire entendre les sonorités chuintantes, douces et rythmées de la langue polonaise, la plus musicale des langues slaves - n'en déplaise aux russophones (ils s'en consoleront aisément en songeant à la suprématie de leur répertoire lyrique).

Composée en 1832 en hommage à Olympe Pélissier qui deviendra sa seconde épouse, la cantate Giovanna d'Arco de Rossini est une sorte de longue scène d'opéra de plus de 15 minutes, faite de récitatifs et d'airs de bravoure. Elle ne fut créée qu'en 1859 par Marietta Alboni, celle que le compositeur désignait, par boutade, "l'ultimo dei castrati". Rossini se plaisait d'ailleurs, paraît-il, à la faire travailler lui-même aussi bien Cenerentola que Malcom ! Commençant par une introduction de piano très pathétique, cette oeuvre dramatique et condensée permet à Podles de servir magnifiquement une musique complexe et expressive. Après être allée chercher très loin son "È notte" exprimant la solitude et l'angoisse qui précèdent la bataille et un déchirant "O mia madre", elle nous éblouit par un torrent de furie guerrière et colorature ("Ah,la fiamma") pour nous mener à la victoire finale : "Corre la gioa"Ö

Après l'entracte, la cantatrice polonaise est acclamée par le public dès son entrée en scène. Il lui faut néanmoins instaurer le climat douloureux de Rachmaninov (1873-1943), l'un des compositeurs préférés des Russes pour son art de la mélodie et ses harmonies si représentatives de l'âme slave. Ici, durant près de vingt minutes de romances enchaînées, la voix et le piano se mêlent en un seul chant pour un parcours commun de plainte, de tendresse et de passion confondues. Sans doute le moment le plus émouvant de cette soirée.

Enfin, dans un univers de douceur et de séduction, avec une diction allemande nette et enjouée, Ewa Podles s'élance dans les Zigeunerlieder de Brahms, écrits en 1887 et 1888 sur les textes du poète hongrois Hugo Conrat. Il s'agit de mélodies inspirées de la musique tzigane, comprenant des rythmes irréguliers et syncopés, imitant les instruments typiquement gitans avec effets de violons et de cymbalum. Notons : "WiBt ihr, wann mein Kindchen" et "Kommt dir manchmal in den Sinn" particulièrement enjôleuses...

Après trois bis dont L'Italienne à Alger et la Canzonetta spagnola de Rossini, Ewa Podles parvient à quitter son public catalan, qui continue à l'ovationner, en lui faisant comprendre par un geste très explicite que sa voix aspire à un repos bien mérité...
 
 

Brigitte CORMIER
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