C O N C E R T S
 
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PARIS
27/02/2004

Oleg Caetani
© DR
L'Enfant et les Sortilèges

Fantaisie lyrique en deux parties (1925)
Musique de Maurice RAVEL (1875-1937)
livret de Colette

version de concert 

Direction musicale : Oleg Caetani
Orchestre National de France
Choeur de Radio France - Maîtrise de Radio France

Hélène Hébrard: L'Enfant
Michel Sénéchal : La Théière, l'Arithmétique,
la Rainette, le Petit vieillard
Désirée Rancatore : Le Feu, la Princesse, le Rossignol
Stéphane Degout : L'Horloge, le Chat
Sara Mingardo : La Maman,
la Tasse chinoise, la Libellule
Isabelle Cals : La Bergère, la Chatte,
l'Écureuil, le Pâtre
Laurent Naouri : Le Fauteuil, l'Arbre
Sophie Marin-Degor : La Chauve-souris,
la Chouette, la Pastourelle

En ouverture de programme :
Mozart
Symphonie en majeur n° 35 K. 385 Haffner

Théâtre des Champs-Élysées
Vendredi 27 février 2004, 19h30



Mais à quoi pensent les organisateurs de concerts ? Proposer une symphonie de Mozart en première partie de L'enfant et les sortilèges, c'est un peu comme servir une crème fouettée avec un boeuf bourguignon. Le gourmet se révolterait, le mélomane n'en fait pas moins. Sans compter qu'avec le changement de chef d'orchestre, Bernard Haitink contre Oleg Caetani, la soirée vire au jeu du loto. La 41 initialement prévue, est remplacée par la 35. Et la super cagnotte, qui l'empoche ? Pas le public assurément. On enseigne aujourd'hui le respect à l'école, ne faudrait-il pas aussi le rappeler aux directeurs de théâtre ?

Dans ces conditions, l'esprit n'est pas à la fantaisie, fût-elle lyrique. On manifeste sa grogne en boycottant l'Haffner et on se faufile à sa place après l'entracte. Là, on vérifie dans le programme qu'il n'y a pas de nouvelle défection et on se pourléche les babines en relisant la distribution. Il faut dire que trois générations des meilleurs chanteurs ont été réunies pour interpréter une des oeuvres les plus délicieuses du répertoire français. Sa courte durée (45 minutes environ) n'est pas en rapport avec le nombre de musiciens qu'elle requiert : 31 rôles répartis entre un choeur mixte, un choeur d'enfants et 8 solistes auxquels s'ajoutent l'orchestre au grand complet et une dizaine d'instruments à percussion (crécelle, wood-block, eoliphone, crotales...). La vaste scène du Théâtre des Champs-Élysées y suffit à peine. La règle de la version de concert est connue, l'absence de mise en scène se doit d'être compensée par une exécution musicale irréprochable.

Et dès le début, on est loin du compte. Ravel l'a pourtant écrit : "c'est le chant qui domine ici, l'orchestre reste au second plan". Oleg Caetani ne l'entend pas de cette oreille et s'applique constamment à dresser un mur de sons qu'aucun des solistes ne parviendra à franchir. Qui sont-ils ? Que disent-ils ? Je défie celui qui ne connaît pas sa Colette sur le bout des doigts de le deviner.

Dans ces conditions, il est difficile de porter un jugement sur les chanteurs. Même Papy Sénéchal ne parvient pas à faire de la résistance. Il nous l'a prouvé par le passé, son arithmétique claironne, sa théière balance crânement, sa rainette est soeur de son excellente Platée. Ici, Ils paraissent bien discrets. Comment Sara Mingardo pourrait-elle se démarquer, elle dont la voix se distingue plus par le timbre que par l'éclat ? Sa tasse chinoise et son écureuil passent inaperçus. De l'enfant d'Hélène Hébrard n'émerge que le joli minois. Stéphane Degout semble aussi mal à l'aise en horloge comtoise qu'en chat énamouré. Laurent Naouri, droit comme l'arbre qu'il interprète, clame sa douleur. On le comprend, mais au sens figuré seulement. Sophie Marin-Degor et Isabelle Cals sont logées à même enseigne. Désirée Rancatore est sauvée par les coloratures que lui réserve la partition. Son feu n'enflamme pas la salle, mais durant quelques mesures, son rossignol fait décoller la soirée.

Le choeur et la maîtrise de Radio France sont loin, loin au fond de la scène et leurs interventions sont brèves. Reste alors l'orchestre. Parlons en puisqu'on n'entend que lui. Dès les premières notes, les hautbois donnent le ton et la couleur : acide et vert. Oleg Caetani a beau avoir le geste large et élégant, il ne parvient pas à unifier la pâte orchestrale. Les instruments ne fusionnent pas. La mélodie étouffe et meurt sans avoir pu se déployer. Tel est le prix, sans doute, du changement inopiné de directeur musical, de son manque de familiarité avec un orchestre et un répertoire, d'un nombre insuffisant de répétitions...

Au final, le public applaudit mollement. Pas plus de deux rappels. L'oeuvre est merveilleuse pourtant, mais la magie n'opère pas. Malgré Ravel l'enchanteur. Malgré la fée Colette...
 
 
 

Christophe RIZOUD

Pour en savoir plus sur l'oeuvre lyrique de Ravel, lire notre dossier consacré Ravel http://www.forumopera.com/dossiers/ravel-sommaire.htm
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