C O N C E R T S 
 
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ROME
20/10/05
Katja Lytting
© DR
 Richard WAGNER

Das Rheingold

Direction musicale - Will HUMBURG
Mise en scène, décors, costume et lumières - Pier'ALLI

Direction musicale - Will HUMBURG
Mise en scène, décors, costume et lumières - Pier'ALLI

Nouvelle production

Wotan - Ralf LUKAS
Alberich - Hartmut WELKER
Loge - Christian FRANZ
Fricka - Katia LYTTING
Freia - Ellisabete MATOS
Fasolt - Johann TILLI
Fafner - Philip KANG
Froh - Cesare RUTA
Donner - Filippo BETTOSCHI
Mime - Peter KELLER
Erda - Hanna SCHWARZ
Woglinde - Rosa RICCIOTTI
Wellgunde - Sonia ZARAMELLA
Flosshilde - Antonella TREVISAN

Orchestre du Théatre de l'opéra

20 octobre 2005- Théâtre Costanzi, Rome


 
Si l'on excepte une exécution concertante en 1999, sous la direction de Giuseppe Sinopoli, il aura fallu attendre quarante quatre ans pour que L'Or du Rhin fasse son retour dans la capitale romaine : la dernière production sur la scène du Théatre Costanzi datait en effet de février 1961, avec Lovro von Matacic à la baguette. Après la création le 3 avril 1906, les reprises avaient pourtant été très régulières puisqu'on en compte pas moins de 5 entre 1938 et 1961, celles de 1938, 1939 et 1943 ayant bénéficié de la présence de Tullio Serafin.

Pour cette nouvelle production, l'opéra de Rome a fait appel au metteur en scène florentin Pier'Alli qui propose une vision très cinématographique de l'oeuvre. La longue ouverture est accompagnée d'images de synthèse représentant une sorte de rouleau marin dans lequel le public est aspiré ; le vol de l'or à la fin du premier tableau donne lieu à des jeux réussis sur les couleurs et les formes. Au total, l'ensemble est proprement haletant et très didactique. Les allusions aux productions de science fiction des dernières décennies sont transparentes : les costumes (Fricka porte notamment deux espèces de dessous-de-plat sur les oreilles tout droit récupérés de la Princesse Leia) et certains éléments du décor (le Walhalla de la scène 2 est une tour futuriste) rappellent ceux de la Guerre des Etoiles ou du Seigneur des Anneaux (Froh ressemble comme deux gouttes d'eau au Legolas d'Orlando Bloom). La mise en espace est efficace, notamment grâce à un mélange étonnant d'images réalisées sur ordinateur et d'éléments de décors concrets. L'impression d'ensemble est saisissante, par exemple lorsqu'Alberich joue avec le casque, jeu matérialisé sur la scène par l'appartition d'un masque façon Dark Vador.

Le rythme est d'autant plus soutenu que le choix a été fait de proposer les quatre scènes dans leur continuité, sans entracte, le chef Will Humburg, qui avait remplacé Sinopoli, en 2000, à Rome pour Siegfried et Götterdämnerung, souhaitant mettre en valeur "ce grand récitatif, cette grande conversation en musique. Le test est probant : les 2h45 de musique passent sans aucun moment d'ennui.

Dans la fosse, l'orchestre de l'opéra a été légèrement renforcé pour atteindre 85 musiciens mais la composition souhaitée par Wagner a été aménagée, notamment pour des motifs de place : les 6 harpes ont été réduites à 2 et l'effectif des cordes a également été revu à la baisse. Au total, les cuivres ressortent bien, comme il se doit sans doute et le chef parvient à mettre en valeur les thèmes et leitmotivs qui constituent la trame musicale de L'Or du Rhin.

Côté voix, le plateau principalement composé de spécialistes, est dominé par le trio formé de Wotan, d'Alberich et de Loge, tous trois assurés par des artistes allemands. Le chef des Dieux est campé par le baryton allemand Ralf Lukas, originaire de Bayreuth, ce qui donne quelques dispositions pour le rôle (!). S'il manque quelque peu de projection au début de la scène 2, l'affrontement avec les géants lui permet de donner la pleine mesure de sa voix. Le rôle d'Alberich est lui-aussi tenu par un spécialiste allemand du rôle, qu'il a notamment chanté à Bayreuth : Hartmut Welker. Sa présence scénique et vocale fait merveille jusqu'à la fin sans marque de fatigue, notamment à la scène 3, face au Mime de Peter Keller ou, à la scène 4, pour la malédiction. La palme des applaudissements, à peu près chaleureux pour Rome, va au ténor bavarois Christian Franz. La voix n'est pas particulièrement belle mais le jeu, appuyé sur une riche palette de couleurs, est captivant. On pourra simplement regretter son accoutrement ridicule, avec un manteau rouge et une crinière du même goût le faisant ressembler à George Michael !

Les autres partenaires masculins sont de bon niveau, avec une mention particulière pour le Fasolt de Johan Tilli et le Donner de Filippo Bettoschi (si seulement, il arrêtait de battre la mesure avec son bras droitÖ).

Côté dames, la Fricka de la mezzo suédoise Katja Lytting est vocalement très séduisante, ce qui n'est pas le cas d'Elisabete Matos en Freia. Peut-être en méforme, la soprano est en difficulté dans tous les passages aigus de son court rôle. Quant à la grande Hanna Schwarz, ce n'est qu'en raison du souvenir des nombreuses belles soirées passées à l'opéra en sa compagnie, qu'on taira le triste sentiment laissé par son apparition à la quatrième scène... Un dernier mot pour les filles du Rhin dans le premier tableau. Leur ensemble est en place, mais toutes les invocations "Rheingold, Rheingold" étaient prises trop bas et les aigus hurlés.

Le spectacle est au total de bonne tenue. Dommage que les Romains qui avaient prévu d'y aller à la troisième représentation, le 21 octobre, en soient privés par un mouvement de grève destiné à protester contre les coupes massives dans le budget de la culture prévu par Berlusconi : il faut dire que le fonds public pour le spectacle devrait passer de 464 millions d'euros à 300...
 
 

Jean-Philippe THIELLAY
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