C O N C E R T S 
 
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LAUSANNE
28/09/05
© Opéra de Lausanne
Giuseppe Verdi (1820-1901)

RIGOLETTO

Opéra en 3 actes.
Livret de Francesco Maria Piave
d'après "Le roi s'amuse" de Victor Hugo

Nouvelle production 
en coproduction avec l'Opéra de Marseille, l'Opéra-Théâtre d'Avignon, Angers-Nantes Opéra, et en collaboration avec l'Opéra de Vichy.

Paolo Arrivabeni, direction musicale
 
Arnaud Bernard, mise en scène
Alessandro Camera, décors
Katia Duflot, costumes
Patrick Méeüs, lumières

Giuseppe Filianoti (Il duca di Mantova),
Carlos Almaguer (Rigoletto),
Nicoleta Ardelean (Gilda),
Jean Teitgen (Sparafucile),
Isabelle Henriquez (Giovanna/Maddalena),
Ruben Amoretti (Il conte di Monterone),
Vincent Deliau (Marullo),
Jose Luis Sola (Matteo Borsa),
Francesco Biamonte (Il conte di Ceprano),
Pauline Sabatier (La contessa), 
Nathalie Constantin (Il paggio),
Juan Etchepareborda (L'huissier).
 
Orchestre de Chambre de Lausanne

Choeur de l'Opéra de Lausanne 
Direction Véronique Carrot

Opéra de Lausanne
Mercredi 28 septembre 2005

Un acte pour Arturo Toscanini.

De tout "Rigoletto", Arturo Toscanini préférait le troisième acte. Comme il avait raison ! Et la production lausannoise en fait la brillante démonstration. Non pas que les deux premiers actes soient musicalement faibles ou quelconques mais c'est dans ce dernier acte que le drame atteint l'apogée de l'émotion.

A Lausanne tout semble avoir été construit pour que ce dernier acte advienne comme une apothéose. Pourtant, le décor (Alessandro Camera) d'un grand salon-bibliothèque flanqué de cinq porches où se noue l'action des deux premiers actes, frôle l'invraisemblance quand, au dernier acte, ces porches laissent passer une barque trop large pour eux. Il faut toute l'astuce des lumières (Patrick Méeüs) pour que les murs de la bibliothèque et ses innombrables volumes s'effacent dans l'ombre d'une nuit sans lune. Les brumes courent au-dessous d'un ponton jeté à la hâte alors que le fond de scène joue le rôle d'un plan d'eau. Magistrale invention scénique sur une scène rendue exiguë par l'imposant décor. Arnaud Bernard, restant fidèle à une représentation traditionnelle de l'oeuvre, réussit néanmoins à créer un climat terrifiant en parfaite adéquation avec le texte musical et théâtral.


© Opéra de Lausanne

Dans cette atmosphère dramatique du dernier acte, happés par l'ambiance, les solistes se surpassent et s'investissent dans leurs rôles mieux qu'ils ne l'avaient fait dans les deux premiers actes. La soprano roumaine Nicoleta Ardelean (Gilda) offre une voix plus douce, plus retenue. Dotée d'un magnifique instrument aux couleurs mordorées, d'un phrasé idéal, d'une technique parfaite, elle joue ici les mots du livret. Alors qu'elle n'était qu'une soprano de qualité, elle devient une véritable interprète, pensant le théâtre avant même la musique. Elle n'en est que plus touchante, plus vraie, plus artiste. Carlos Almaguer (Rigoletto) maîtrise parfaitement son rôle. Merci à la puissance de sa voix, son bouffon est plus coléreux qu'amuseur mais, combien plus vrai, plus homme quand, sous l'emprise de la noirceur environnante du dernier acte, il livre un Rigoletto-père luttant avec désespoir pour conserver sa fille. 


© Opéra de Lausanne

Quant à lui, le ténor Giuseppe Filianoti (Il duca di Mantova) est un Duc d'une rare beauté. Jouant de son physique, le ténor italien transpire la noblesse nonchalante, l'aisance provocante et l'arrogance de son rang. Dominant le plateau d'un instrument vocal qui n'est pas sans rappeler ceux de Luis Lima ou de Neil Shicoff, Giuseppe Filianoti chante ses romances avec une facilité déconcertante. Pourtant, quand au dernier acte, il abandonne sa suprématie vocale pour se laisser envahir par l'intrigue verdienne, son talent grandit encore. On lui pardonnera donc que ses "angeli" soient des "angioli". On pardonnait plus encore à Franco Corelli !

Dans les rôles secondaires, si la mezzo Isabelle Henriquez (Giovanna/Maddalena) est particulièrement convaincante dans son rôle de la soeur d'un Jean Teitgen (Sparafucile) bien en place, Ruben Amoretti (Il conte di Monterone) donne un relief ignoré son personnage. D'une voix rageuse mais admirablement bien conduite, il offre un éclairage nouveau et intéressant à un rôle souvent effacé parce que distribué à des chanteurs en fin de carrière.

Dirigeant l'Orchestre de Chambre de Lausanne, le chef italien Paolo Arrivabeni semble s'en tenir à la stricte observance de la partition verdienne. On aurait aimé qu'il assouplisse sa musique pour que mieux s'expriment la sentimentalité, les débordements de l'expression belcantiste. Les fréquentes oeillades des chanteurs en direction de la fosse d'orchestre dues à la crainte de n'être pas dans le temps exact désiré par le chef ont souvent pour effet de casser l'expression théâtrale. La qualité des chanteurs réunis sur la scène lausannoise ne requérait certainement pas cette rigueur. A noter encore l'excellente prestation du Choeur de l'Opéra de Lausanne comme un cadeau fait au retour bienvenu de sa chef Véronique Carrot.
 
 

Jacques SCHMITT
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