C O N C E R T S
 
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MARSEILLE
29/12/2006
 
Rigoletto (Carlos Almaguer), Gilda (Sylvia Hwang)
© Opéra de Marseille

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

RIGOLETTO
 
Opéra en trois actes
Livret de Francesco Maria Piave
D’après Le Roi s’amuse de Victor Hugo

Nouvelle production
Coproduction avec les opéras de Lausanne,
Anger-Nantes, Avignon

Mise en scène, Arnaud Bernard
Assistant, Stefano Trespidi
Décors, Alessandro Camera
Costumes, Katia Duflot
Lumières, Patrick Méeüs

Gilda, Sylvia Hwang
Maddalena, Nona Javakhidze
Giovanna, Aline Martin
Le Page, Maud Ryaux
La comtesse Ceprano, Laurence Stevaux
Rigoletto, Carlos Almaguer
Le duc de Mantoue, Giuseppe Gipali
Sparafucile, Vladimir Matorin
Monterone, Cyril Rovery
Marullo, André Heyboer
Borsa, Eric Vivion
Ceprano, François Castel
L’officier, Gérard Grigori

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Chef du choeur, Pierre Iodice

Direction musicale, Paolo Arrivabeni

Marseille, 29 Décembre 2006

Depuis son arrivée à Marseille, Renée Auphan a décidé, faute de pouvoir les monter avec le luxe nécessaire, de renoncer aux opérettes de fin d’année. Si cette politique en a mécontenté certains, ils n’étaient pas hier soir à l’opéra de Marseille, où un Rigoletto de haute volée a déchaîné l’enthousiasme des spectateurs.

Dès l’ouverture, alors que le rideau se lève sur un espace divisé en deux parties, le projet du metteur en scène, du décorateur et de la costumière impose sa cohérence et sa pertinence. L’histoire est censée se dérouler à Mantoue à la Renaissance. Le dôme qui se perd dans les cintres abrite une immense bibliothèque en dessous de laquelle une salle d’anatomie – peut-être de dissection- donne au duc l’occasion de se livrer à des recherches anatomiques sur la personne d’un bossu. Loin de l’aristocrate élégant parfois représenté, le duc d’Arnaud Bernard et de Katia Duflot est encore un condottiere expéditif sans autre règle que son bon plaisir. L’architecture de la maison de Rigoletto, dérisoire forteresse qui dissimule son simili donjon sous les pilastres et les arcs neo-classiques, les maquettes de palazzi que collectionne le duc, la barque qui abrite la bauge de Sparafucile sur le Mincio et les brumes fréquentes dans la zone du Pô, tout un contexte culturel est mis à contribution avec bonheur pour nourrir les situations et les personnages. Joli tour de force que cette vision d’un « classicisme » de bon aloi qui réussit à revivifier la tradition.

A l’ouverture, justement, Paolo Arrivabeni semblait mesurer ses tempi avec retenue ; cependant sur la durée et en particulier au second acte il donnait à la musique les accents fougueux espérés dans les scènes paroxystiques tout en obtenant, mieux qu’au premier acte, un juste équilibre entre fosse et plateau. Le courant semble du reste être passé entre ce chef et les redoutables instrumentistes marseillais car ils l’ont accueilli par des marques de satisfaction aux entractes et beaucoup étaient encore présents lorsqu’il vint saluer. Très attentif aux chanteurs, sa lecture précise et fine rend justice à tous les accents de la partition.


Gilda, Le Duc de Mantoue, Giovanna (Aline Martin)
© Opéra de Marseille

Une grande partie du public a fait un triomphe à Sylvia Hwang. Totalement mérité ? L’exécution des passages de virtuosité est très appliquée et la partie supérieure du registre aigu perd assez souvent toute rondeur. Certes la cantatrice est jolie, mais sa désinvolture scénique laisse à désirer. Bref, si elle vient à bout des difficultés du rôle, elle n’est pas pour nous la Gilda exceptionnelle que certains acclamaient.

En revanche, Giuseppe Gipali, moins ovationné que sa partenaire, a pourtant été digne de tous les éloges : vaillant, nuancé, l’émission franche, convaincu et convaincant, il a été ce jouisseur à la hussarde dont les sentiments durent autant que le désir. Pourquoi a-t-il eu moins de succès ? Mystère !

A priori, le nom de Carlos Almaguer évoquait un Scarpia de triste mémoire, chanté sans la moindre nuance. C’est donc avec d’autant plus de plaisir que nous avons découvert un Rigoletto de très haut niveau, aussi bien vocalement que scéniquement. Servant toutes les facettes du personnages avec une voix homogène et solide, il a obtenu un triomphe mérité, en particulier au final du second acte – Si, vendetta, tremenda vendetta- qu’il a dû bisser avec sa partenaire. Pour l’anecdote, le chef d’orchestre avait déjà quitté la fosse, mais les « bisseurs » ne se lassant pas il fallut aller le chercher dans sa loge !

Bon niveau des autres interprètes, Nona Javakhidze, Cyril Rovery, André Heyboer, avec un bémol pour Vladimir Matorin, plus Raspoutine que jamais et dont l’italien fleure beaucoup trop le russe.

Bonnes aussi les interventions du chœur, qui pourtant n’est pas venu saluer. Il semble que ses relations actuelles avec la direction laissent à désirer ; ceci explique-t-il cela ? Ce n’est de toute façon pas une chose nouvelle, et d’autres que Renée Auphan s’y sont déjà frottés.

Dommage que cette absence ait terni la fête, car, au terme d’une telle représentation, c’est bien de cela qu’il s’agit !



Maurice SALLES


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