C O N C E R T S
 
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PARIS
(Théâtre musical du Châtelet)

07/01/2002


Andreas Scholl & Anna Caterina Antonnaci
 
Rodelinda
(G-F. Haendel)

Opéra en trois actes
Livret d'Anotnio Salvi remanié par Nicolas Haym
D'après la tragédie de Pierre Corneille Phertharite, roi des Lombards

Rodelinda : Anna Caterina Antonnaci/Emma Bell
Bertarido : Andreas Scholl
Grimoaldo : Kurt Streit
Garibaldo : Umberto Chiummo
Eduige : Jean Rigby
Unolfo : Artur Stefanowicz

Orchestra of the Age of Enlightenment
Direction musicale : William Christie

Mise en scène Jean-Marie Villegier
Décors : Nicolas de Lajarte et Pascale Cazalès
Costumes : Patrice Cauchetier
Lumière Bruno Boyer


Les opéras de Haendel sont décidément un matériau idéal pour metteurs en scènes curieux et imaginatifs. Les livrets permettent des transpositions originales qui emportent très souvent l'adhésion publique et critique et la beauté des arias inspirent souvent des visions esthétiques très réussies. Par contre, un metteur en scène peu inspiré peut y sombrer corps et biens. Le désastre d'Ariodante à Garnier (rattrapé à peine par Minkowsi et von Otter) la saison dernière en est la preuve.

Par bonheur, la mise en scène de Jean Marie Villegier, réalisée pour le festival de Glyndebourne, nous comble d'une vision originale et prenante. Il profite d'un argument compliqué tiré d'un drame de Corneille, rempli de trahisons, d'intrigues et de coups de théâtre pour nous faire replonger dans un univers proche du cinéma muet, des films de von Stroheim ou W. Griffith. Il y réussit en apportant un style en baignant le plateau d'une lumière blafarde, au même titre que le maquillage des chanteurs. En ajoutant une gestuelle et une expressivité des visages exacerbées et le tour est joué. Et ça marche ! Les plus de trois heures de musique passent sans que l'on s'en aperçoive. Villegier se permet même quelques moments d'humour qui ne sont pas forcément évidents à trouver dans le livret. Par ces choix artistiques, le travail de Villegier se rapproche de celui de Mac Vicar dans Agrippina avec peut être un petit moins d'imagination et d'élégante irrévérence.

Les interprètes, pour la plupart ceux de la création de Glyndebourne, forme une équipe totalement acquise à la cause du metteur en scène et cela se voit sur le plateau. Côte musical, la distribution est dominée par Anna-Caterina Antonnaci, dont le beau timbre charnu s'accompagne d'une interprétation très " Gloria Swenson " et Andreas Scholl, à l'excellente projection et capable de nuances vous donnant le frisson. Notons également la très bonne musicalité de Kurt Streit. Les autres interprètes sont certainement moins remarquables musicalement mais leur engagement dramatique est total.

La direction de William Christie est claire nette et précise, sachant mettre en valeur la beauté du chant haendelien. On aurait peut être aimé ici et là un petit peu de relâchement ou de fantaisie comme ont déjà su le faire Minkowski ou Jacobs (dans Agripinna tout particulièrement). Mais le chef ne démérite pas, bien au contraire et tient une large part dans la réussite de ce travail d'équipe.

Avec la venue de Rodelinda et de Fidelio (un spectacle tout aussi intéressant mais ô combien différent), le festival de Glyndebourne a démontré son goût de la diversité, de l'ouverture d'esprit et du travail d'équipe. Cela faisait vingt ans que Paris ne l'avait pas accueilli. Souhaitons de tout coeur qu'il ne faudra pas attendre de nouveau vingt ans pour assister à son retour.
 


Bertrand Bouffartigue

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