C O N C E R T S 
 
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BRUXELLES
Théâtre de La Monnaie

13/12/2001

 
Rosenkavalier
Richard Strauss

Direction musicale: Antonio PappanoŻ
Choeur et orchestre du Théâtre royal de la Monnaie

Mise en scène: Christof Loy
Décors et costumes: Herbert Murauer
Eclairages: Hans-Joachim Haas
Chefs des choeurs: Renato Balsadonna

Die Feldmarschallin Fürstin Werdenberg: Felicity Lott
Der Baron Ochs auf Lerchenau: Günther von Kannen
Octavian: Kristine Jepson
Herr von Faninal: Juha Kotilainen
Sophie: Camilla Tilling
Jungfer Marianne Leitmetzerin: Ingrid Habermann
Valzacchi: Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Annina: Mette Ejsing
Ein Polizeikommissar: Chris De Moor
Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin: Giovanni Iovino
Der Haushofmeister bei Faninal: Marc Coulon
Ein Notar: Gerard Lavalle
Ein Wirt: Herwig Pecararo
Ein Sänger: Piotr Beczala

 

UN COLOSSE POUR NOEL

La Monnaie est une maison qui aime commenter les oeuvres qu'elle monte, qui aime aller au delà du message initial de l'ouvrage ; c'est un peu la continuation du travail de Gérard Mortier. En montant Rosenkavalier, elle se condamne à être le vecteur passif d'une oeuvre sans véritable message et sans autre dénonciation que celle de la grossièreté anecdotique d'un baron lubrique. Il y a bien sûr ce très beau commentaire sur le renoncement, mais est-il vraiment possible de le transcender, d'aller au-delà du texte ? De plus l'effectif orchestral requis pour monter ce Chevalier à la Rose est tout simplement hallucinant, 112 musiciens (dont 19 sur scène) répartis comme suit : 16 premiers et 16 seconds violons, 10 violoncelles, 8 contrebasses, 3 flûtes (n°3 piccolo), 3 hautbois (n°3 cor anglais), une clarinette basse (également cor de basset), 3 bassons (n°3 contre basson), 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tympanon, célesta, tuba, deux harpes, trois joueurs pour la grosse caisse, les cymbales, le triangle, le tambour de basque, le Glockenspiel (!), le tambour, le tambourin, les cloches et les castagnettes (!!) Ajoutons à cela quatre solistes de premier plan, un grand ténor lyrique, un solide baryton et 21 autres solistes. Il n'est (quasi) pas exagéré de dire qu'à la Monnaie, ce 13 décembre, il y avait autant de monde sur scène et dans la fosse que dans la salle. Plus sérieusement, on a l'étrange sentiment que cette oeuvre dépasse -non pas en moyens- les ambitions de la Monnaie, que nous sommes ici face à une série de représentations extraterrestres que les habitués du lieu examinent comme un objet étrange.

Maintenant, ce qui est certain, c'est que le spectacle est tout à fait honorable, voire enthousiasmant. Nos réserves mises à part, il faut souligner l'honorable travail de Christoph Loy qui une fois encore fait preuve d'une belle élégance dans sa conception dramatique. Mise en scène classique, décors et costumes d'époque, ce n'est pas tous les jours que la Monnaie offre ce luxe somme toute assez banal à son public. Là où Loy pèche, c'est en grossissant le trait : les décors rose bonbon, la neige tombant sur Vienne au baisser de rideau, Sophie habillée en Barbie ; tout cela est fort doux et caresse la rétine, mais on ne peut s'empêcher d'être un peu écoeuré par toute cette guimauve. Même si au fond, il est indéniable que Loy joue du second degré comme pour mieux croquer ses personnages, la sauce ne prend pas tout à fait. Restent donc les habituelles qualités des mises en scène de Christoph Loy : habileté dans les déplacements de masse, excellent travail de direction d'acteurs, caractérisation de chacun des personnages.

Quinze ans après avoir enfilé pour la première fois les robes à panier de la Maréchale dans ce même théâtre, Felicity Lott nous revient magnifique, toujours aussi élégante. La diction est exemplaire, c'est une sorte d'idéal de phrasé straussien et même si certaines notes aiguës sont abordées avec un peu d'appréhension, il n'est pas exagéré de dire que Felicity Lott est probablement une des Maréchales les plus bouleversantes du moment. Kristine Jepson est un magnifique mezzo dramatique, probablement l'Octavian idéal ; tout chez elle est finesse, beauté et intelligence ; la voix atteint une amplitude extraordinaire, sur toute la tessiture ; vraiment, une leçon de chant. Camilla Tilling, déjà divine en Susanna cet été à Aix-en-Provence avec Minkowski, est une Sophie de très haut niveau, les aigus meurtriers du second acte sont parfois un peu fins mais gardent la beauté fruitée du médium et du haut médium. Trio d'actrices magnifiques, des physiques idéaux, très féminins (le problème de Jepson).

Côté messieurs, il est impossible de ne pas trouver la prestation de Gunter von Kannen admirable. Même si ce vieux routier du chant d'outre-Rhin nous a gratifié de prestations catastrophiques (Mustafa de L'italienne à Alger), il est ici prodigieux de vaillance. Ce rôle lui va comme un gant, et il est évident que sa voix usée et légèrement détimbrée le sert plus qu'autre chose. Juha Kotilainen, qui avait été un excellent Leontes dans Le Conte d'Hiver de Boesmans à Lyon, fait ici un Faninal de grand luxe, le haut de la tessiture est parfaitement assumé, une chance vu les prouesses demandées au chanteur dès ses premières répliques.

Très bons seconds couteaux : Piotr Beczala est un ténor extrêmement vaillant (c'est d'ailleurs ce qui lui est demandé) qui manque juste un peu de puissance, Ingrid Haberman une duègne enjouée et vocalement idéale, Valzacchi et Annina idéaux de drôlerie et d'effets vocaux ; tout juste s'indignera-t-on d'un Chris de Moor (Polizeikommissar) à la voix défaite.

Joli divertissement pour les fêtes, donc.

Hélène Mante
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