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MONTPELLIER
21/07/04

© Marc Ginot
Salomé

Antoine Mariotte (1875-1944)

Tragédie lyrique en 1 acte
Livret d'Oscar Wilde
Créée le 30 octobre 1908 à Lyon

Nora Gubisch : Salomé
Vincent Le Texier : Iokanaan
Julia Juon : Hérodias
Markus Hollop : Hérode
Delphine Galou : Le page d'Hérodias
Marcel Reijans : Le jeune syrien
Scott Wilde : Premier soldat
Fabrice Mantegna : Deuxième soldat

Orchestre National de Montpellier
Choeurs de la Radio Lettone
Direction : Friedemann Layer

Concert donné le mercredi 21 juillet 2004
Opéra Berlioz-le Corum
Festival de Radio France et Montpellier



L'oeuvre d'Antoine Mariotte n'aura pas laissé un souvenir impérissable et c'est à peine si son nom est cité dans les manuels d'histoire de la musique. On saura donc gré à René Koering de nous proposer son premier opéra dont la création fit couler beaucoup d'encre au début du siècle dernier. Né en Avignon en 1875, Mariotte s'inscrit à l'Ecole navale à l'âge de 16 ans. Mais sa véritable vocation est la musique, c'est pourquoi il démissionne de la Marine en 1897. Il entre à la Schola Cantorum où il reçoit l'enseignement de Vincent d'Indy. En 1902, il est nommé professeur au conservatoire de Lyon. C'est là qu'il décide de mettre en musique la Salomé* d'Oscar Wilde. Il s'adresse donc aux ayants droit du dramaturge anglais, obtient leur accord, et se met au travail. A la même époque Richard Strauss découvre à son tour la pièce et demande à Fürstner, son éditeur, d'en acquérir les droits. Seulement voilà, la succession de Wilde, fort complexe, donne lieu à un procès gagné par les ayants droit contactés par Fürstner. Aussitôt, celui-ci fait interdire toute représentation de la partition de Mariotte tandis que celle de Strauss est créée en 1905. Une querelle oppose alors les deux compositeurs, la presse s'en mêle et monte l'affaire en épingle. Finalement, c'est en partie grâce à l'intervention diplomatique de Romain Rolland que Mariotte obtient l'autorisation de faire jouer son opéra. La première a lieu à Lyon en octobre 1908 et connaît un accueil favorable. L'oeuvre est ensuite donnée à Paris en 1910, au Théâtre de la Gaîté Lyrique, avant de tomber dans l'oubli. Par la suite Mariotte composera une demi-douzaine d'opéras parmi lesquels Le Vieux roi (1913) et Gargantua (1935). Parallèlement, il dirigera le conservatoire d'Orléans puis l'Opéra-Comique jusqu'à la Seconde guerre mondiale. 

La partition de cette Salomé s'appuie sur le texte original d'Oscar Wilde en français, d'où ont été évacuées certaines scènes, notamment la querelle entre les Juifs et les interventions de Nazaréens et des Cappadociens. Ainsi l'action se concentre davantage sur les quatre personnages principaux mais n'échappe pas toujours à une certaine monotonie. La musique est marquée par les influences conjuguées de Debussy (et ce, dès le prélude en mode mineur) et Chausson. Moins contrastée que celle de Richard Strauss, elle est exempte de tout orientalisme, y compris dans la danse des sept voiles, plus concise et ponctuée par des interventions de Iokanaan. Confié à une voix de mezzo-soprano, Salomé est ici davantage une séductrice qu'une ingénue perverse. Sa partie culmine dans la scène finale où elle déclame son monologue accompagnée par un choeur à bouche fermée dont l'effet est saisissant.

L'interprétation voit le triomphe des femmes, Nora Gubisch en tête, qui campe une Salomé fière et sauvage à la sensualité exacerbée. Face à elle, l'Hérodias de Julia Juon est en tout point convaincante. Côté masculin, on reste un peu sur sa faim. Vincent Le Texier déçoit en Iokanaan, qu'il chante avec une voix engorgée et bien fatiguée, entachée dans ses premières interventions par un vibrato envahissant. Fatigue passagère ? On l'espère pour ce baryton dont les débuts on été prometteurs. On pardonnera le français quelque peu exotique de Markus Hollop qui, remplaçant Jaco Huijpen souffrant, a dû apprendre le rôle d'Hérode en très peu de temps et s'en tire, malgré tout, avec les honneurs. Delphine Galou et Marcel Reijans ne déméritent pas dans leurs interventions épisodiques.

Friedemann Layer, enfin, dirige avec conviction et un sens aigu du théâtre cette partition qui méritait d'être redécouverte.

Signalons pour conclure que l'Opéra de Montpellier proposera au cours de sa prochaine saison une version scénique de cette Salomé qui sera donnée en alternance avec celle de Strauss, fin novembre 2004. Une confrontation qui ne manquera pas d'être passionnante.
 
 

Christian Peter
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* Pour plus de détails sur cette oeuvre et sur le mythe de Salomé dans l'opéra, voir le dossier proposé par Vincent Deloge.

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