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LES LILAS
24/03/06
Jordi Savall et Montserrat Figueras

« Du temps et de l'instant »

Cantiga de Amigo V « Quantas sabedes amare », Martin Codaex (ca.1230)
Nastaran (Nagma inst.), anonyme (Afghanistan)
« Noumi, noumi yaldatii », berceuse hébraïque (Israël)

« O sonjal », traditionnel breton (instr.) Variations J. Savall
« La canço del lladre », chant traditionnel catalan / Ferran Savall
Recercada VII & II (instr.) Diego Ortiz
« La Salve » Arianna Savall

« Paxarico tu te llamas » (instr.), sépharade  (Sarajevo)
« Apoxeno neros », chant traditionnel (Grèce)
Ghazali tal jàhri (instr.), (Maroc)
« Duerme, duerme hermosa donzella », berceuse sépharade (Rhodes)
« La dama y el pastor », romance sépharade (Turquie)

Tarentela (harpe et percussion) d'après Lucas de Ribayaz
« Jaroslaw » de Ferran Savall
« Musical Humours » (viole de gambe) de Thomas Hume
« Fantasiant » (improvisation) d’Arianna & Ferran Savall

Musettes I - II (IV.28 .29), Marin Marais
La Mare de Deu, traditionnel catalan / Jordi Savall
Canarios (improv. instr.), Jordi Savall
« Sentirete una canzonetta », Tarquinio Merula

Monserrat Figueras, chant
Arianna Savall, chant, harpe gothique et harpe double
Ferran Savall, chant et théorbe
Jordi Savall, viole de gambe
Pedro Estevan, percussion

Théâtre du Garde-Chasse - Les Lilas (93)
24 mars 2006

UNE HISTOIRE DE FAMILLE


Situé à l'écart des parcours musicaux obligés de la capitale, le Théâtre du Garde-Chasse est pourtant un lieu bien séduisant, à la fois convivial et insolite.

Conçu par l'architecte Léopold Bévière, construit entre 1903 et 1907, il servit tout d'abord de Salle des Fêtes à la ville des Lilas. La noble façade en pierre de taille, le superbe escalier et les cinq grandes fenêtres ornant ce vaste édifice, constituent un témoignage typique du style de la IIIème République, largement inspiré du XVIIème siècle et surtout, du Trianon. C'est Jean Tardieu, Prix de Rome, qui décorera le plafond en 1908, l'agrémentant de scènes d'opérettes célèbres, à la manière de l'époque baroque et de Tiepolo. Stucs et cariatides compléteront le tableau. En 1994, la nouvelle salle (modulable et  d'une capacité de 350 places) est inaugurée sous l'appellation « Théâtre du Garde-Chasse » (tiré du nom d'une rue avoisinante). La programmation en est très variée, du Quatuor Ysaïe à Maurane, en passant par le théâtre, le cinéma et les musiques du monde. 

Cette salle étonnante était d'ailleurs comble, ce soir-là, pour accueillir Jordi Savall, Montserrat Figueras et leurs enfants, Arianna et Ferran Savall.

On ne présente plus ces deux artistes, sans lesquels la musique espagnole du Siècle d'Or et aussi un nombre non négligeable de répertoires anciens issus du bassin méditerranéen n'auraient pas acquis leurs lettres de noblesse.

Inlassablement, depuis plus de trente ans, ils poursuivent leur exploration de cet inépuisable fond musical et en révèlent toutes les beautés. Savall est un immense musicien, curieux, profond et philosophe, certainement une des personnalités musicales les plus polyvalentes de sa génération. Le programme « Du temps et de l'instant » présente, comme il le dit lui-même, « un choix très personnel de musiques qui nous touchent par leur tendresse et leur beauté et aussi leur capacité de dialogue et d'harmonie ». Il précise également qu'il est « conçu en tant que dialogue interculturel, qui cherche à montrer et à établir des ponts véritables entre les musiques d'Orient et d'Occident, les oeuvres savantes et les oeuvres populaires, issues des traditions orales, entre les musiques anciennes et actuelles, entre les différentes générations d’interprètes, et aussi entre les interprètes et le public. » D'ailleurs, pendant le concert, il prendra la parole pour dire que toutes ces pièces de pays de la Méditerranée sont tellement proches qu'on ne comprend pas pourquoi leurs peuples se déchirent alors qu'au contraire, la musique devrait les rapprocher et leur apprendre à vivre ensemble.

Et il est bien vrai que le programme en question recèle moult trésors, que Montserrat Figueras est toujours aussi  fascinante, par son étrange beauté, tout droit sortie d'un tableau du Greco et par sa voix aux intonations si particulières.

La nouveauté résidait dans le fait d’entendre ce couple attachant avec leurs enfants, et c'est là que le bât blesse quelque peu. Arianna Savall est une formidable harpiste. Cependant, sans toutefois démériter, sa prestation vocale est loin d'égaler celle de son illustre mère, et sa personnalité n’est guère aussi intéressante. Même remarque pour Ferran Savall, meilleur instrumentiste que chanteur, finalement plus « branché » sur des rythmes assez actuels et des musiques « jazzy » et qui, il faut bien l'avouer, s’avère nettement moins charismatique que son père. On peut également regretter qu'à force de vouloir démontrer à tout prix à quel point ces musiques se ressemblent, ce programme finisse par engendrer une certaine monochromie, devenant parfois carrément monotone.

Fort heureusement, il y eut aussi des grands moments, comme les chants séfarades de Montserrat (Numi, numi, Duerme hermosa) et la magnifique viole de gambe de Jordi, avec une mention spéciale pour le formidable percussionniste, Pedro Estevan.

Le concert s’est terminé, après plusieurs bis, par une berceuse, car « il est temps d'aller dormir », dira Jordi Savall.

Ce qui conclut de manière très consensuelle cette histoire de famille.


Juliette Buch
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