C O N C E R T S
 
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PARIS
07/04/2007
 
Roberta Invernizzi
© DR
Alessandro Scarlatti

La Santissima Annunziata


Roberta Invernizzi soprano (Marie)
Emanuela Galli soprano(L’Ange)
Marta Almajano soprano (La Virginité)
Marina De Liso mezzo-soprano (L’Humilité)
Magnus Staveland ténor (Le Soupçon)

Europa Galante
Fabio Biondi direction, violon

Samedi 7 avril 2007, Cité de la Musique, Paris


1/2 
Absolutely Fab’


La Sainte Annonciation fut représentée une première fois à Rome en 1700, puis reprise en 1708. L’œuvre est très sobre dans son instrumentation, concentrée autour des cordes, avec quelques airs à violoncelle obligé que Scarlatti affectionnait particulièrement, et que l’on retrouve souvent dans ses autres oratorios et cantates. L’oratorio alterne courts airs et récitatifs, brassant une matière très dense qui dure pourtant à peine plus d’une heure. Point ici de mélodies carrées et aisées à retenir alla Haendel, d’airs luxuriants comme dans le Sedecia : la Sainte Annonciation est une œuvre ciselée, économe dans ses effets, exigeante pour les interprètes comme pour l’auditeur en raison de sa théâtralité limitée.

Côté interprétation, cette soirée a pris l’allure d’un second tour d’élection présidentielle. Deux candidats s’élevèrent au-dessus des autres, reléguant ces derniers - malgré leurs mérites - dans les abîmes de l’ordinarité. Ces deux étoiles ont pour nom Fabio Biondi et Roberta Invernizzi.

Dans une salle à l’acoustique trop généreuse et où notre poignée de baroqueux faisait office de Spartiates aux Thermopyles, la brune soprano a ébloui par la clarté de ses aigus, la maîtrise de son émission, la grâce de ses phrasés, le naturel de ses récitatifs (au contenu pourtant indigeste). Incarnant une vierge Marie innocente et emplie de doute, Roberta Invernizzi a plongé le public de ravissement en ravissement. On distinguera en particulier ses deux airs finaux, un génial « Stesa à pie del Tronco » désespéré avec les cordes en sourdines et une basse continue qui se tait subitement (le spectateur qui a laissé tombé un gobelet en plastique pendant ce moment intemporel est condamné à la crucifixion, sans recours possible devant le Gouverneur de Syrie) ; et un « Nella patria de contenti » virtuose et sans ostentation.

Le reste des solistes est d’un bon niveau, mais peine à rivaliser avec une telle chanteuse : Emanuela Galli s’est plus faite remarquer pour sa scintillante robe que pour la sensibilité de son chant. Dotée d’un timbre corsé et d’une solide technique, la soprano jette ses notes avec une brusquerie nonchalante et projette son chant avec agressivité, sans que cela empêche son premier « Virginella fortunata » d’être recouvert par un orchestre pourtant réduit. Marta Almajano possède un timbre diaphane et pur, sans épaisseur aucune, qui convient particulièrement bien à son rôle mais ne lui permet pas de véritablement s’affirmer ; sa consœur Marina De Liso déçoit par des graves indigents. Enfin, le Soupçon de Magnus Staveland est soupçonné de début de rhinopharyngite, ce qui expliquerait une émission engorgée et brouillonne, bien qu’engagée.

La direction de Fabio Biondi sculpte amoureusement chaque détail, laisse s’égrener les notes de théorbe, allie l’agilité du violoncelle à la nostalgie de la viole de gambe. Le chef dirige debout depuis son violon (ou plus précisément ses violons, puisqu’il a  régulièrement changé d’instrument pendant la soirée) avec vivacité et bon goût. Point d’excès vivaldiens bondissants ici, mais des parties violinistiques parfois ornées, déroulées avec raffinement.

Hélas, si chaque air est superbement rendu, l’œuvre entière s’avère assez statique, souffrant de tempi peu contrastés, d’un manque de spontanéité, d’un enchaînement récitatifs-airs digne du regretté Concorde supersonique. A peine a-t-on le temps de commencer un air qu’un troisième se finit, avec un récitatif pris en étau quelque part dans cette histoire tracée en pointillés. Enfin, le contrepoint subtil du duo et du trio de la première partie a été rendu illisible par l’acoustique ample et résonnante de la salle, qui ne pouvait que difficilement convenir à une œuvre aussi intimiste. Une soirée en demi-teinte donc, avec des moments magnifiques que l’on doit à la présidente élue par acclamation : Roberta Invernizzi.




Viet-Linh NGUYEN
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