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PESARO
Palafestival
17/08/03
 

Darina Takova (Semiramide) 
(© photo : Amati Bacciardi)


ldar Abdrazakov (Assur), Gregory Kunde (Idreno)
Darina Takova (Semiramide)
Daniela Barcellona (Arsace), Marco Spotti (Oroe) 
(© photo : Amati Bacciardi)

SEMIRAMIDE

Opéra de ROSSINI

Darina Takova : Semiramide
Daniela Barcellona : Arsace
Ildar Abdrazakov : Assur
Gregory Kunde : Idreno
Marco Spotti : Oroe

Carlo Rizzi : direction musicale
Dieter Kaegi : mise en scène

Pesaro, 17 Août 2003



Cette année, le choix du grand spectacle donné dans l'ancien Palazetto dello Sport, reconverti en lieu de festival estival, s'est porté sur Semiramide. Cet opera seria, qui est loin d'être le plus mauvais de la production rossinienne, n'atteint cependant pas à l'extrême rareté et a déjà été représenté lors de deux éditions antérieure du Rossini Opera Festival (ROF) : en 1992 (Iano Tamar, Gloria Scalchi, Michele Pertusi, Gregory Kunde, direction Alberto Zedda, une belle production signée par Hugo De Ana et reprise en 1994 (Cecilia Gasdia, Martine Dupuy, Michele Pertusi, Rockwell Blake, direction Roger Norrington). Les fidèles et plutôt exigeants spectateurs du ROF attendaient donc un certain niveau d'excellence, qui, globalement, ne fut pas au rendez-vous.

La responsabilité en revient d'abord au chef, Carlo Rizzi, qui est y pourtant un spécialiste du répertoire rossinien. Il a d'ailleurs assuré avec brio la direction de plusieurs spectacles donnés à Pesaro ces dernières années, comme La Cenerentola ou La Donna del Lago. Dans Semiramide, sans être catastrophique, sa direction manque de mordant et de dynamisme, avec des tempi très lents par moments, puis des accélérations un peu brutales... On a connu le maestro en meilleure forme ! 

Darina Takova, qui, paraît-il, est une familière du rôle (dixit le programme), manque singulièrement d'agilité. Néanmoins, elle possède toutes les notes du rôle et l'épaisseur de sa voix, celle d'un soprano dramatique (mais non "d'agilita"), compense son peu d'aisance dans la vocalisation. 
Sa plastique avantageuse et sa fière allure sur scène aident également à faire passer la pilule, mais elle reste très loin vocalement des Anderson, Sutherland, Gasdia, ou Caballé de la grande époque.

La mezzo Daniela Barcellona, découverte au ROF il y a quelques années, alors qu'elle était encore inscrite en cours de perfectionnement à l'Accademia Rossiniana, a recueilli un succès mérité, même si les applaudissements étaient peut-être un peu moins nourris que lors de ses apparitions en 2001 dans La Donna del Lago (Calbo) ou en 1999 dans Tancredi. En raison de sa grande taille, elle est parfaitement crédible dans les rôles travestis et la voix se révèle souple, puissante et de 

L'excitation du public lors de ses débuts semble un peu retombée ; sa voix manque sans doute encore de variété dans la couleur et ses interprétations ne sont pas assez intériorisées. Entendons-nous : Daniela Barcellona demeure ce qui se fait de mieux actuellement dans le Rossini serio, mais quand on a Marilyn Horne dans l'oreille...

La basse Ildar Abdrazakov s'en tire honorablement, avec de vrais graves audibles et bien timbrés (ce qui manquait par moments à Michele Pertusi), mais la voix doit encore gagner en souplesse et en agilité. Le point faible de la distribution, c'est Gregory Kunde : sa voix, qui n'était déjà pas très charnue en 1992, a encore perdu en volume, ses aigus (largement sollicités dans ses deux airs) sont une véritable souffrance, pour lui comme pour le public, on applaudirait presque de soulagement à la fin de sa prestation, tant on est content qu'il n'ait pas eu d'accident ! Les graves sont présents, mais le changement de registre vers l'aigu est très désagréable, avec une gorge qui semble se resserrer pour émettre un filet de voix. 

Mention très bien en revanche à Marco Spotti, qui possède une magnifique voix de baryton-basse, sonore et bien placée, et pourrait être promis à une belle carrière ; un chanteur à suivre...

La mise en scène a suscité beaucoup de commentaires parmi les spectateurs, certains trouvant là matière à scandale et d'autres, au contraire, une distraction plutôt plaisante. N'étant pas forcément un défenseur acharné des productions historiques, je me range plutôt dans la seconde catégorie 
On est donc très loin de l'antique Babylone, dans une sorte de centre de contrôle ou salle de conférences de l'ONU un peu kitsch, dont l'esthétique est à mi-chemin entre le Cap Canaveral des années 60 (avec un soupçon de Cosmos 1999) et Rencontres du troisième type (Spielberg), et que se situe dans un bunker en béton, avec moniteurs, lumières colorées et clignotantes, hologrammes (le fantôme de Nino)...

La garde rapprochée de Semiramide ("Bel raggio lusinghier") est une équipe d'escrimeuses en tenue complète ; pourquoi pas... Assur est un général en chef auquel, pendant sa scène de folie au quatrième acte, de gentilles assistantes affairées apportent précipitamment des dossiers (certainement brûlants) et montrent des écrans d'ordinateur (certainement alarmants), comme dans une situation de crise du style "attaque nucléaire" ou "11 septembre". Dans l'ensemble, cette transposition fonctionne relativement bien et divertit l'oeil par son côté spectaculaire, même si elle n'est intellectuellement très stimulante et par moments menace même de sombrer dans le nunuche.

Au regard de l'investissement dévolu à cette production, on peut penser qu'elle sera reprise au cours d'une prochaine édition, avec, espérons-le, un chef d'orchestre plus inspiré et digne de ce magnifique opéra.
 
 

Raoul Dugosier
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