C O N C E R T S 

 
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BRUXELLES
(Théâtre de la Monnaie)

08/03/2002

Tri Sestri
Peter Eötvös

Direction musicale: Peter Eötvös et Roland Boër 
Mise en scène, décors et costumes: Ushio Amagatsu 
Collaboration: Keiji Morita 
Éclairages: Ushio Amagatsu 
Collaboration: Genta Iwamura 

Orchestre du TRM

Irina: Oleg Ryabets 
Macha: Lawrence Zazzo 
Olga: Alain Aubin 
Natacha: Gary Boyce 
Touzenbakh: Gregor Dalal 
Verchinine: Wojciech Drabowicz 
Andréï: Albert Schagidulinn 
Koulyguine: Nikita Storojev 
Docteur: Peter Hall 
Soljony: Henry Waddington 
Anfisa: Jan Alofs 
Rodé: Alexei Grigorev 
Feodotik: Valerij Serkin 

En co-production avec Ars Musica


Photo - Johan Jacobs


La création belge des Trois Sœurs de Peter Eötvös à la Monnaie de Bruxelles a remporté un joli succès, même si on est loin de l’hystérie laudative qui avait ponctué l’Aïda très tendance de Bob Wilson, il y a à peu près un mois. Cette création est aussi l’occasion idéale de souligner à quel point la politique artistique de la Monnaie favorise la musique moderne et - même si ces Trois Sœurs sont les filles de l’opéra de Lyon - on garde en mémoire les fabuleux Wintermärchen (Boesmans - 1999), Luci Mie Traditrici (Sciarrino - 2000) et The woman who walked into the doors (Defoort - 2001), trois œuvres qui - j’en suis sûr - marqueront à leur manière l’histoire de la musique.

Décrire un tel spectacle - ou pis ! - le critiquer après une seule vision découlerait d'une nonchalence d'assez mauvais goût. Voilà cependant ce qu'il résulte d'une première audition de l'oeuvre: introduction minimaliste - et un peu glauque - où la présence de l'accordéon déliquescent renvoie indirectement à l'univers d'un Kurt Weill. S'en suit un trio halluciné de deux voix de contre-ténor et d'un sopraniste. Orchestration discrète, exposition successive de chacune des voix: la texture littéraire et musicale de la pièce est définie d'entrée de jeu.

Parenthèse: ce qui fait l'équilibre de ces Trois soeurs, c'est une alternance subtile de scènes intimistes et de scènes de cour. Ainsi, Peter Eötvös se fait une joie de peindre ses trois soeurs sous différentes ombres, toujours avec la même vérité. Les trois soeurs mondaines, les trois soeurs humaines sont également touchantes: dans leur nudité face à la société, dans leur abandon, dans leur résignation.

La première séquence s'intéresse à Irina, la plus jeune des soeurs, qui est courtisée par le baron Tuzenbach et par l'étrange Soljony. Le premier duo, qui la confronte à la proposition de mariage du baron est d'une beauté toute post-romantique, l'orchestration discrète et ponctuelle rappelle Mahler, l'emploi d'une grande voix de baryton lyrique ne fait qu'appuyer cette impression. Cet emballage musical connu, qui offre donc au mélomane traditionnel un solide point de repère, favorise très nettement l'émotion. Le duo qui suit, entre Irina et Soljony est plus martial, à l'image de la personnalité de l'homme: frustre et déterminée. Irina finit par accorder sa main au baron, sans grande conviction et malgré la menace de Soljoni qui jure de tuer celui à qui Irina accordera sa main. Évidemment la fatalité est un des thèmes majeurs de cette oeuvre et le baron est tué peu après avoir reçu la main d'Irina. La séquence se termine par le motif initial, à l'accordéon.

De la deuxième séquence je retiens avant tout le splendide monologue d'Andreï, le frère désabusé des Trois soeurs; de par la langue qu'utilise Eötvös et son librettiste, Claus H. Henneberg, on a quelque part l'impression de retrouver la tradition des grands monologues de l'opéra russe, avec un sens du pathétique qui frôle le sublime. La magnifique basse d'Albert Schagidullin contribue donc à faire de ce monologue un des moments de grande lisibilité de la partition. 

Enfin, la séquence de Macha, l'épouse adulterine est dramatiquement passionnante, les interprêtes qui l'habitent soulignent admirablement de leur talent l'intesité du drame qu'occupe Macha, mariée trop jeune et de Verchinine, officier lié à une épouse suicidaire. Lawrence Zazzo, déjà Créon dans Medea de Liebermann et l'Ospite dans Luci mie raditrici de Sciarrino est ici une Macha brillante, tant scéniquement que vocalement. Wojciech Drabowicz, qui aurait dû être Leontes dans Wintermärchen à Lyon est lui aussi totalement investi par son personnage.

Ces Trois soeurs offrent au public des sonorités familières, qui ne sont pas - à proprement parler - effrayantes. Eötvös joue admirablement avec les effets orchestraux; pas étonnant que cette partition ait déjà parcouru un tel chemin, entre Lyon, Amsterdam, Bruxelles et Paris. Une seule écoute qui ne m'aura pas permis de vous offrir une analyse intéressante, mais qui au moins aura scellé mon intérêt pour cette oeuvre passionnante.

Camille De Rijck 


Autour des Trois Soeurs

Lisez le dossier de Mathilde Bouhon consacré à l'opéra de Peter Eôtvös ainsi que la critique d'une des représentations parisiennes. (10/11/01)

Vous trouverez sur ce site deux autres volets de notre série "autour des Trois soeurs" dont voici les dates de publication:

20 mars: interview de Lawrence Zazzo qui chantait le rôle de Macha à la Monnaie.
22 mars: interview de Peter Eötvös, compositeur.

Ces articles seront publiés dans la rubrique Actualité(s).

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