C O N C E R T S 
 
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ROME
29/11/05
Vincenzo BELLINI

La Sonnambula

Mélodrame en deux actes et quatre tableaux
Livret de Felice Romani

Direction musicale - Bruno CAMPANELLA
Mise en scène - Pier Francesco MAESTRINI
Décors et costumes - Alfredo TROISI
Lumières - Patrizio MAGGI
Chorégraphie - Guido PISTONI

Amina - Olga MAKARINA
Elvino - Dmitry KORCHAK
Rodolfo - Vincenzo CAPUANO
Lisa - Daniela SCHILLACI
Teresa - Alessandra CANETTIERI
Alessio - Stefano MEO
Le notaire - Oleg NEKHAEV

Orchestre et Choeurs du Théatre de l'opéra

29 novembre 2005 - Théâtre Costanzi, Rome

Bruno Campanella, "Le" Somnambule
 

Gianandrea Gavazzeni avait prévenu : "Tout chef d'orchestre sait que La somnambule est un des opéras les plus difficiles et les plus dangereux pour les chefs, car c'est d'une telle légèreté. Déjà, avec le duo du premier acte "Son geloso...", cela suffirait à le démontrer : Bellini n'a certes pas cherché à aider les chanteurs, parce qu'il y a un arrière-plan orchestral d'une telle minceur que le pauvre malheureux peu à l'aise avec les dangers de l'intonation de ces phrases n'aura aucun appui dans l'orchestre " . Le théâtre de l'opéra de Rome avait peut-être ces écrits en tête en demandant à l'expérimenté Bruno Campanella, vieux routier du belcanto, de diriger cette série de représentations en conclusion de la saison 2005. Hélas... Le maestro - dormait-il ? - a choisi des tempi qui sont apparus exagérément lents. En étirant à l'excès la phrase bellinienne, il a même réussi le tour de force de faire pointer l'ennui ici ou là, portant une lourde responsabilité dans le sentiment mitigé que laisse la soirée.

La production, qui n'est pas jeune, n'est, il faut le dire, pas complètement hors de cause non plus. Rien ne manque, dans cette Suisse bien helvétique, bien éloignée décidément, avec chalets, ruisseaux alpestres, et moulin qui tourne pendant les trois-quarts du spectacle, de la Provence prévue à l'origine dans la pièce de Scribe. Elvino et Amina pourront même, une fois le cauchemar dissipé, grimper dans un petit coche tiré par un cheval... rendu un peu nerveux ce soir là par l'orage ! Quant à la brève chorégraphie qui anime les paysans et leurs compagnes, elle est aussi grotesque que d'habitude à Rome : le pas de danse fait sourire ("bras-dessus-dessous, une fois à droite, une fois à gauche" et les danseurs ne sont pas syncro...

Côté plateau, la cuvée 2005 avait fort à faire, leurs prédécesseurs sur la scène romaine ayant pour noms, entre autres, Alfredo Kraus, June Anderson, Renata Scotto, Ferruccio Tagliavini... sans remonter à Toti dal Monte et Tito Schipa, héros de la reprise de mars 1928.

Amina, dans la deuxième distribution , alternant avec Cinzia Forte, était Olga Makarina, jeune soprano russe élève de Renata Scotto. Sa blondeur et son physique à la Inva Mula conviennent parfaitement à la jeune orpheline qu'elle incarne parfaitement. Dès son air d'entrée ("Come per me sereno..."), la beauté de son timbre, qui n'est pas sans rappeler celui d'une Beverly Sills, saisit immédiatement. Dans les passages dramatiques, sa voix, qui n'est pas grosse, est plus en difficulté et l'orchestre n'a pas de mal à la couvrir ou à la pousser à forcer, notamment dans les aigus. Et les passages d'agilité me direz-vous ? La dernière scène de l'oeuvre a laissé une impression contrastée : après un "ah non credea mirarti" magnifique, et pris très lentement, on l'aura compris, son "ah non giunge uman pensiero" m'a laissé sur ma faim. Tout y est, certes, y compris les variations - sans innovation particulière - de la reprise. Mais les vocalises sont parfois "savonnées" et l'aigu final malheureusement forcé. En définitive, Melle Makarina est une belle Amina, rôle qui, comme Micaella ou Imogène, lui va bien. Mais lorsqu'on lit qu'elle se frotte à Desdémone, à Norma ou à Violetta, on craint un peu la suite...

Son Elvino était le jeune - 26 ans ! - Dmitry Korchak. Ensemble, ils forment un couple crédible et attachant. Précédé d'une réputation flatteuse justifiée par des débuts de carrière prometteurs, marqués notamment par un prix (catégorie Zarzuela) au concours Operalia cher à Placido Domingo en 2004, Korchak déçoit. D'abord par sa voix, au timbre assez ingrat et inégale selon les registres. Ensuite par ses propres choix. Il use et abuse, au premier acte, de la voix de tête pure, pour obtenir les piani écrits par Bellini. Plus préoccupant, de sérieux problèmes de justesse apparaissent dans les duos, Korchak chantant souvent trop bas. Gavazzeni visionnaire... Le ténor est plus à son aise dans les moments de grâce ("Tutto è sciolto") et fait aussi entendre sa voix de poitrine, et abondamment, au deuxième acte, dans la rude quatrième scène ("Ah, perchè non posso odiarti"), avec des aigus avantageux quoique souvent un peu forcés. Mais un conseil : évitez à tout prix, avant d'entendre l'Elvino de Korchak, d'écouter en boucle Alfredo Kraus ou Juan Diego Florez... je m'en suis voulu toute la soirée.

Le noble Rodolfo était, pour toute la série, Vincenzo Capuano, dont... je ne sais rien. Aucune information dans le programme de l'Opéra - comme d'habitude -, pas grand chose ailleurs. Sa prestation, chaleureusement applaudie, est des plus honorables : la présence scénique est bonne et la voix, qui a parfois du mal à passer l'orchestre, est belle. La méchante Lisa était Daniela Schillaci. Si Lisa peut-être un tremplin pour les sopranos qui, quelques années plus tard prennent le rôle titre (Cinzia Forte était Lisa à la Scala en janvier 2001 face à Florez et Dessay), on peut parier qu'il n'en ira pas de même de la Schillaci. Le timbre est acide, avec des accents vulgaires plutôt désagréables, et si elle est à l'aise sur scène, l'incarnation de la tôlière aguicheuse et jalouse est caricaturale. La distribution est complétée par la jeune Teresa d'Alessandra Canettieri, honorable malgré une grosse fatigue en fin de spectacle, l'Alessio de Stefano Meo et le notaire d'Oleg Nekhaev.

Au total, cette fin de saison est à l'image de l'ensemble des productions de l'année : médiocre, au vrai sens du terme : qui est entre le "grand et le petit, entre le bon et le mauvais" (Littré). Rien n'est jamais scandaleux (sauf dans la saison estivale à Caracalla) rien n'est jamais exceptionnel... A suivre, dans un peu plus d'un mois pour l'ouverture de la saison 2006, avec un Don Giovanni prometteur (pour la première distribution : Marco Vinco, Mariella Devia, Raul Gimenez, Darina Takova, Alessandro Corbelli).
 
 

Jean-Philippe THIELLAY
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