OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
26/09/2007
 
Karina Gauvin
© DR


CONCERT


Karina GAUVIN, soprano
Daniela BARCELLONA, mezzo-soprano

ACCADEMIA BIZANTINA
OTTAVIO DANTONE Clavecin & Direction

Dans le cadre de la série « Les Grandes Voix »


Alessandro SCARLATTI (1660 – 1725)
Il Trionfo della Vergine assunta in Cielo
Oratorio en deux parties sur un livret de Pietro Ottoboni

- Sinfonia (ouverture instrumentale)

Giovanni Battista PERGOLESI (1710 – 1736)
Salve Regina pour soprano en do mineur
Texte : antienne à la Sainte Vierge chantée le dimanche à complies
Naples 1736

Nicolo PORPORA (1686 – 1768)
Salve Regina pour alto
Texte : antienne à la Sainte Vierge chantée le dimanche à complies
Venise 1726-33

Giovanni Battista PERGOLESI (1710 – 1736)
Stabat Mater pour soprano et alto
Séquence pour la Fête des Sept Douleurs de la Vierge Marie
Monastère de Pozzoli, Naples 1736

Théâtre des Champs Elysées, Paris
26 Septembre 2007


OMBRE ET LUMIÈRE SUR LA BAIE DE NAPLES


Lors de l’édition du programme officiel du TCE pour la saison 2007-2008, c’était Marie-Nicole Lemieux qui devait, aux côtés de Karina Gauvin, assurer la partie alto de cet alléchant concert, et on ne pouvait que rêver de l’appariement, quasiment idéal, de ces deux très belles voix – peut-être parmi les plus belles de leur génération - et compatriotes de surcroît…

Mais finalement, loin de démériter, Daniela Barcellona releva le défi avec un certain panache, et une sobriété à laquelle elle ne nous avait pas toujours habitués.

Un des autres atouts de cette soirée était son séduisant programme, inspiré d’une part par la ville de Naples - dont les compositeurs sont originaires - et qui, on le sait, joua un rôle majeur dans la vie musicale des XVIIème et XVIIIème siècles ; et d’autre part, par la figure bienfaisante de la Vierge Marie, mère miséricordieuse des pécheurs et des affligés, flambeau de la foi.

D’emblée, Ottavio Dantone et sa superbe Accademia Bizantina donnent le ton : loin des maniérismes baroquisants, des sons étiques et un tantinet brutaux de certains ensembles, tout n’est que suavité, rondeur des timbres et plénitude des sonorités pour cette courte mais belle ouverture de Scarlatti réorchestrée par le chef lui-même Ces qualités se confirment pour les autres œuvres de la première partie, l’intense Salve Regina de Pergolese et celui du maestro Porpora qui, dans ses compositions (opéras, œuvres religieuses ou profanes) a toujours privilégié la voix. Pédagogue de haute renommée, il forma les castrats les plus célèbres comme Farinelli, Caffarelli, Senesino et Uberti, dit Il Porporino. La direction d’Ottavio Dantone, précise sans être sèche, déborde d’une douceur et d’une chaleur toutes italiennes, auxquelles viendra répondre la richesse fruitée des voix.
 
Cependant, malgré la haute tenue de ce qui avait précédé, il est clair que ce « Stabat Mater » écrit par Pergolese à l’âge de vingt-six ans, peu de temps avant d’être emporté par la phtisie, allait constituer le sommet de la soirée.

Chez Karina Gauvin, on retrouve les qualités qui sont sa marque de fabrique : timbre chatoyant, projection précise, variété des couleurs, clarté de la dicton, maîtrise de la prosodie. A ce titre, le dernier mouvement du « Stabat », qui sera redonné en bis, est exemplaire : chaque « Amen » est chanté de manière différente avec un art consommé de la nuance et du phrasé.

Dotée d’un timbre plus corsé, Daniela Barcellona, tout en surprenant agréablement, comme nous le disions plus haut, par une rigueur et une noblesse dont elle n’a pas toujours été coutumière, fait preuve cependant de moins de variété dans la coloration, et même parfois d’une certaine monochromie d’interprétation. Sa voix puissante et solide évoque le bronze, alors que celle de Gauvin, ductile, flexible, rappelle le vif-argent.

Au demeurant, ces deux artistes se complètent plutôt bien dans leurs différences, le soprano incandescent de Gauvin semblant planer au-dessus du sombre mezzo de Barcellona, ombre et lumière mêlées…

Cette lecture, grâce aux interprètes, s’avère captivante, vivante, à la fois déchirante et apaisante, enveloppante comme la douceur maternelle et paradoxalement, ce « Stabat » n’est ni triste, ni exangue, il a de la chair, voire même de la sensualité, jusque dans l’affliction.

Tant et si bien qu’à l’issue de ce concert finalement un peu court, on aurait bien volontiers repris encore un peu de ce nectar napolitain, à consommer sans aucune modération.

Juliette BUCH

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