C O N C E R T S 
 
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PARIS
21/04/07

© DR
SERGUEI PROKOFIEV (1891 – 1953)
Symphonie Classique en ré majeur, opus 25
Allegro
Larghetto
Gavotta Non troppo allegro
Finale Molto vivace

RICHARD STRAUSS (1864 – 1949)
Vier letze Lieder
Frühling
September
Beim Schlafengehen
Im Abendrot

JOHANNES BRAHMS (1833 – 1897)
Symphonie n°2 en ré majeur op. 73
Allegro non troppo
Adagio non troppo
Allegretto graziozo, quasi andantino
Allegro con spirito

Orchestre de l’Opéra National de Paris
Christoph von Dohnanyi, direction
Soile Isokoski, soprano

Opéra Bastille, samedi 21 avril 2007


RADIEUSE SOILE, INCANDESCENTE SOIRÉE…


Donné dans le cadre de la saison de concerts symphoniques programmée cette année à l’Opéra Bastille, ce superbe concert était l’occasion de retrouver pour notre plus grand bonheur et dans un programme varié et passionnant un Christoph von Dohnanyi touché par la grâce, avec un orchestre de l’Opéra de Paris très en forme et une Soile Isokoski radieuse.

« Mon idée était d’écrire une symphonie dans le style de Haydn… Je pensais que si le compositeur avait encore vécu, il aurait certainement agrémenté sa musique d’ éléments nouveaux, tout en conservant sa façon de composer. C’est une symphonie fidèle à ce principe que je voulais. Je l’appelai « Symphonie Classique », d’abord pour la simplicité du titre, et aussi pour provoquer les philistins, avec l’espoir de vraiment gagner si cette symphonie devait se révéler réellement « classique » (Prokofiev, Autobiographie). Il l’écrivit pendant des vacances à la campagne et, achevée le 10 septembre 1917, elle fut créée le 21 avril 1918 à Petrograd sous la direction du compositeur avec un très grand succès. Concise (une quinzaine de minutes), ayant conservé l’effectif instrumental du XVIIIe siècle, cette œuvre deviendra une des plus populaires de Prokofiev, très représentative de l’esprit néo-classique.

Les  Quatre derniers Lieder , composés entre mai et septembre 1948, ultime chef-d’œuvre du compositeur, constituent, en quelque sorte, son « testament musical ». Il s’agit probablement d’une des plus belles partitions destinée au soprano et à laquelle les plus grandes cantatrices se sont confrontées, et ce, avec les plus grands chefs. Richard Strauss, décédé en 1949, n’en verra pas la création, qui aura lieu à Londres le 22 mai 1950 avec Kirsten Flagstad et avec Wilhelm Fürtwangler au pupitre.
 
La symphonie n°2 de Brahms, composée pendant l’été 1877, lors d’un séjour dans les Alpes autrichiennes, sera surnommée « Pastorale » par Hans Richter, qui la dirigea lors de sa création, le 30 décembre de la même année à Vienne. Cette référence directe à la sixième de Beethoven vient du fait que, conçue dans un cadre champêtre, cette pièce se révèle d’un ton plus léger que sa Première Symphonie, infiniment plus sombre. Pourtant, cette nouvelle « Pastorale » recevra un accueil mitigé de la part de musiciens comme Liszt et Wagner, qui reprocheront à Brahms son classicisme, voire son conservatisme…Il n’empêche qu’il s’agit d’une page très novatrice dans sa forme, puisant ses sources à la fois dans le romantisme allemand et les influences nordiques. Il est d’ailleurs amusant de noter que le « classicisme » qui sera reproché à l’un - Brahms - fera, quarante ans plus tard, le succès de l’autre - Prokofiev. Quant à Strauss, inspiré à la fois par la modernité et le romantisme, il trouve tout naturellement sa place dans le jeu de miroirs qui traverse cet intelligent programme.

Rarement, on aura entendu l’orchestre de l’Opéra à un tel niveau, rarement on aura vu et entendu un chef autant applaudi par tout l’orchestre, ce dernier refusant de se lever afin qu’il reçoive seul l’ovation du public….

C’est que Christoph von Dohnanyi est un chef d’exception, qui sait aussi bien mettre en valeur, par sa direction précise et ciselée, le caractère «  baroque » chez Prokofiev que le romantisme exacerbé de Brahms.

Quant à Soile Isokoski, c’était un vrai plaisir de retrouver cette magnifique chanteuse, si simple, réservée, presque humble, tant elle met sa voix lumineuse au service exclusif des œuvres quelle interprète. On ne sait ce que l’on doit admirer : le legato, le souffle au kilomètre, les aigus déployés comme un arc-en -ciel… Celle qui fut au Théâtre du Châtelet une magnifique Daphné, connaît son Strauss sur le bout des doigts et en particulier, ces quatre merveilles écrites par le Maître à la fin de sa vie, qu’elle avait déjà interprétées il y a quelques années au Théâtre des Champs Elysées..

Certes, Isokoski n’a pas la voix aussi ample que Flagstad, mais elle possède ce timbre argenté qui n’est pas sans rappeler, quelque part, celui de Gundula Janowitz et cette précision sobre, cette musicalité absolue qui font les grandes.

Il est sûr que la salle de la Bastille est un peu vaste, surtout avec un tel orchestre sur scène… Mais modeste, comme toujours, elle accepte de s’immerger dans le flot orchestral et de ne redevenir qu’un instrument parmi d’autres, ce qui change de certaines interprétations par des voix plus corsées, mais souvent trop en avant. L’orchestre scintille de tous ses feux et sa voix, baignant dans ce chatoiement, est un véritable enchantement.

Formidable soirée de vraie musique, qui démontre une fois de plus que, lorsqu’il est face à un chef de cette envergure et à une chanteuse d’un tel niveau, l’orchestre de l’Opéra de Paris peut se montrer à son zénith.

L’accueil du public fut, on s’en doute, très enthousiaste, et l’inévitable « Monsieur Armand », fidèle au rendez-vous, ne manqua pas d’offrir à la soprano finlandaise un de ces amusants cadeaux dont il a le secret…
 

Juliette BUCH
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