C O N C E R T S
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
Théâtre d'État, Prague

02/11/2001

 
Tosca

G. PUCCINI

Floria Tosca: Eva Depoltova
Mario Cavaradossi: Igor Jan
Scarpia: Jiri Sulzenko
Angelotti: Ladislav Mlejnek
Spoletta: Jiri Hruska
Le Sacristain: Tomas Bartunek
Sciarrone: Roman Vocel
Un pasteur: Sarka Knizetova
Le geolier: Ludek Koverdynsky

Orchestre et Choeurs du Stani Opery Praha
Direction: Bohumil Gregor

Scénographie originale de Josef Svoboda (1947)
Mise en scène: Martin Otava, d'après Karla Jerneka
Costumes: Adolf Wenig
Les "sbormistr" sont de Michael Keprt
(avec un peu de pot, il s'agit des décors ou alors des éclairages.)

 


ET LE CIEL LUISAIT D'ÉTOILES POUSSIÉREUSES
 

Construit en 1887, le "Neues Deutsches Teater" visait à réaffirmer la supériorité de l'Art allemand sur l'artisanat local pragois (les Tchèques avaient ouvert leur propre théâtre national, le Narodni Divadlo en 1883): il fut entre autres dirigé par Zemlinsky qui fit créer Erwartung. En 1945, il devint le Velka Opera et Josef Svoboda en fut le "premier décorateur" à partir de 1951. Cet assez joli théâtre de 1550, mal restauré sous le protectorat bienveillant des petits pères des peuples, est aujourd'hui la principale salle d'opéra de la ville (le magnifique Narodni Divaldlo est une salle plus étendue, avec un auditorium de même capacité, qui accueille ballets, pièces de théâtre et opéras... mais chantés en tchèque).

Josef Svoboda eut son heure de gloire hors des frontières tchécoslovaques à l'époque de l'intellectuel communisme triomphant (création d'Intolleranza de Nono à Venise) et même au delà (Vespri et Otello à Garnier sous Liebermann, le Ring à Orange).

La production de Tosca, qui date de 1947, constitue donc une pièce de musée, très défraîchie il faut bien le dire. À condition de dominer cette première impression poussiéreuse, les lyricomanes les plus endurcis apprécieront une scénographie originale qui utilise essentiellement des éléments de toiles peintes sépia inclinées, donnant un véritable sentiment d'écrasement et d'étouffement. On retrouve d'ailleurs une partie de ces éléments scénographiques dans des mises en scènes plus récentes (par exemple, la Tosca d'Auvray pour Garnier et celle de Bastille: après l'emprunt russe, l'emprunt tchèque ?).

Pour tout dire, ce genre de références historiques indiffèrera grandement le spectateur étranger de base, qui ne verra ici qu'un spectacle de routine à la limite de l'acceptable (ce qui n'est pas faux non plus!).

Quant au spectateur tchèque... j'ai du mal à imaginer qu'on puisse assister à la même production de Tosca, avec de multiples distributions annuelles, ET PENDANT 55 ANNEES CONSÉCUTIVES, sans sombrer dans l'alcoolisme le plus sordide !

Au point de vue vocal, la distribution est d'un niveau provincial: il faut dire que les bons chanteurs tchèques préfèrent des cachets de seconds rôles à l'Opéra de Vienne; il faut donc se contenter des moins bons.

Eva Depoltova est une Floria Tosca au physique avantageux, avec de réels moyens mais une technique imparfaite.

Igor Jan doit être le seul ténor russe a ne pas avoir trouvé d'emploi en Europe de l'Ouest: medium engorgé alla Galvez Vallejo mais dopé par de superbes aigus, ce chanteur a malheureusement chanté trop haut toute la soirée, à l'exception de 30 secondes de duo, chantées elles un demi-ton trop bas!

Le Scarpia de Jiri Sulzenko vaut surtout pour son interprétation: le chant est correct mais gâté par un timbre complètement "creux".

Les seconds rôles sont assez médiocres: inutile de s'attarder.

Bohumil Gregor a connu une petite carrière internationale en dirigeant un peu partout son répertoire national; à 75 ans passés, il devient directeur musical de l'opéra ce qui n'est pas une mince affaire avec de tels interprètes; tous ont les yeux rivés sur lui, et ce n'est pas pour son physique (il ferait pâlir Boris Karloff) et la quasi totalité des départs sont donnés. Il suffit qu'il oublie de lever le bras pour une phrase d'un dialogue (entre Scarpia et le sacristain par exemple), et c'est la catastrophe !

Dans ces conditions, Bohumil Gregor a bien du mérite à donner une vision artistique de la partition: il y arrive partiellement et cette performance est à saluer.
 
 

Placido Carrerotti
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]