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BESANCON
24/02/05

© Opéra de Besançon
TOSCA

Giacomo PUCCINI (1858-1924)

Opéra en trois actes
Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica,
d'après la pièce de Victorien Sardou

Nouvelle production de l'Opéra Théâtre de Besançon

Marion Ammann (Floria Tosca),
Carlo Guido (Mario Cavaradossi),
Armand Arapian (Scarpia),
Vladimir Stojanovic (Cesare Angelotti),
Marc Mauillon (Spoletta),
Boris Grappe (Sciarrone, le sacristain, le geôlier).

Jean-Luc Tingaud, direction musicale
Didier Brunel, mise en scène et scénographie
Pierre Albert, costumes
Hervé Gary, lumières

Orchestre de Besançon Franche-Comté
Choeur de l'Opéra Théâtre de Besançon
Jeune ensemble vocal du CNR de Besançon
Alain Lyet, chef des choeurs

Le 24 février 2005.

La Tosca à Besançon

Monter Tosca, l'oeuvre puccinienne majeure, dans un théâtre aux moyens économiques certainement limités mérite l'admiration. La dimension de l'orchestre, des choeurs, la mise en scène, les décors, les solistes sont autant d'obstacles à surmonter. L'honnêteté de cette production (dont la mise en scène intelligente et inventive reste le point fort) est remarquable et les bisontins mériteraient d'en être plus fiers qu'ils l'ont démontré à l'issue (ou durant) ce spectacle.

Premier acte. Quelques marches. Sur fond de scène mauve, à droite un portrait de femme, à gauche une statue de la Madone, au centre un panneau de marbre vert. Deuxième acte, devant un fond noir, une grande table, noire elle aussi, occupe toute la largeur de la scène. D'un côté, un dîner attend devant un fauteuil. Troisième acte, sur un fond gris, descendant des cintres, des éclairages sur les marches découpent les barreaux d'une prison. C'est tout le décor de cette production de Tosca. Un environnement dénudé, dans lequel seule une direction d'acteurs sans faille donnera sens au drame de Sardou. C'est ce que réussit admirablement Didier Brunel.


© Opéra de Besançon

Soignant chaque geste, chaque attitude, chaque regard, il exacerbe le théâtre chez chacun. Ainsi, profitant de la relative petite taille d'Armand Arapian (Scarpia), il peint son Scarpia en un misérable petit chef d'évidence pistonné à ce poste, vicieux, gluant, coléreux à souhait. Par ailleurs très bon comédien, le baryton français pallie aux limites de sa voix pour ce rôle par un jeu théâtral irréprochable. Dans un remarquable second acte, alliant parfaitement sa théâtralité à ses limites vocales, il fera de Scarpia un personnage rongé de désir et douloureusement conscient de sa vilenie. Carlo Guido (Mario Cavaradossi) est théâtralement plus emprunté que son bourreau, mais son italianité et la générosité de sa voix voilent son embarras scénique. Avec la prodigalité de son instrument, le ténor franco-italien a les moyens d'exacerber l'émotion de son discours. Dommage que le chef d'orchestre ne lui ait pas offert la liberté de prolonger parfois une note au-delà de la "ronde pointée", comme le faisait Franco Corelli, son maître, qui multipliait les effets vocaux pour souligner un accent, une intention. L'opéra italien passe par ces démesures de l'âme. "The latin lover" c'est le trouble d'une phrase musicale, d'un mot, d'un regard. Avec les inévitables renvois aux grandes Tosca du passé, il faut un certain courage pour aborder ce rôle mythique. C'est celui qui anime la Suissesse Marion Ammann (Floria Tosca) même si sa prestation ne marquera pas l'histoire de l'héroïne de Puccini. Certes toutes les notes sont là, avec une émission parfois légèrement nasale ou engorgée, mais ces limitations vocales (Callas même ne jouissait pas de la plus belle voix puccinienne !) pourraient être acceptables si le personnage était habité de la jalousie de Tosca, de la diva qu'est Tosca. Mais chez la soprano helvétique on voit que le geste est appris du metteur en scène et appliqué avec soin. Mais aussi réglé est-il, il manque de vérité, d'esprit, d'authenticité, de spontanéité. Sans dramatisation, jamais elle n'est "LA Tosca", actrice. Empruntée, retenue, alors que menacée, elle sait pourtant s'abandonner comme dans le deuxième acte où, prisonnière de Scarpia, elle s'avère touchante. Son "Vissi d'arte, vissi d'amore" reste pourtant en deçà de ce qu'on peut attendre d'une musique aussi porteuse d'émotions que celle composée par Puccini. A la décharge de la soprano, à signaler que ses costumes la desservent. On est loin de l'image de la diva, de l'élégance, de l'extravagance attendue chez une artiste du gabarit de Tosca. Même le rouge de sa robe de scène est fade. Et pourquoi l'avoir coiffée de ce chignon sans grâce ? Dans les plus petits rôles, à noter la parfaite interprétation de Marc Mauillon (Spoletta) s'affirmant non seulement un excellent acteur mais aussi un chanteur en tous points admirable, particulièrement au niveau de sa prononciation.

Une potentialisation de la musique, du théâtre et de la mise en scène est indispensable à la réussite d'un spectacle d'opéra. Si les deux derniers éléments sont présents, la musique de l'Orchestre de Besançon Franche-Comté (dont les violoncelles auraient mérité d'être sensiblement mieux accordés !) sous la direction de Jean-Luc Tingaud a paru trop conventionnelle, voire brouillonne, pour que la musique de Puccini élève l'intrigue aux sommets.
 
 

Jacques SCHMITT
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