C O N C E R T S 
 
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MARSEILLE
09/04/05
© Opéra de Marseille
TOSCA

Giacomo Puccini

Opéra en trois actes - Livret de G. Giacosa et L. Illica
D'après la pièce de Victorien Sardou

Tosca : Catherine Naglestad
Cavaradossi : Giuseppe Gipali
Scarpia : Jean-Philippe Lafont
Angelotti : Fredéric Caton
Le Sacristain : Christophe Fel
Spoleta : Alain Gabriel
Sciarrone : François Castel

Direction musicale : Ivan Anguelov
Mise en scène : Uwe Eric Laufenberg
Réalisé par Sybille Wilson
Décors : Kaspar Glarner
Costumes : Madlaina Peer
Eclairages : Wolfgang Göbbel

Orchestre et Choeurs de l'Opéra de Marseille
Maîtrise des Bouches du Rhône

En coproduction avec le Grand Théâtre de Genève
& la Monnaie de Bruxelles

Samedi 9 Avril 2005

L'essentielle vertu d'une bonne production lyrique est peut-être de renouveler la vision d'une oeuvre, de lui rendre sa fraîcheur et de replacer ainsi l'auditeur face à la charge subversive d'une création.

Tosca, on le sait, est de tous les Puccini le plus expressionniste. Cette "tranche de vie saignante", pour reprendre une définition quelque peu désobligeante du vérisme, est aussi un grandiose morceau de bravoure dans la noirceur, un balancement périlleux entre sexe et cruauté, désir et masochisme, l'histoire d'une passion et la passion de l'histoire. Résumons : une scène de torture, un meurtre, une exécution capitale, un suicide. Ici, le malheur des uns fait le bonheur des autres. 

En noir et blanc pour Uwe Eric Laufenberg. Comme dans un film de Lang, Murnau ou Pabst. En transposant habilement l'action dans une Rome fasciste, oppressante, on peut deviner que les situations fortes ne manquent pas. Intemporalité donc de cette émotion tellurique que produit la conflagration des trois passions en lice : celles de l'amour, du pouvoir et de la liberté.

En nous faisant assister in loco au supplice de Cavaradossi, l'horreur est à son comble, tout comme son assassinat d'un simple coup de revolver dans la nuque...Le clin d'oeil au public, l'anecdote intelligente pointe souvent son nez : Scarpia se faisant dédicacer un article avec photo par la célèbre cantatrice au premier acte ou écoutant de la musique sur un tourne-disque d'époque, pour camper l'ambiance au deuxième acte...

Enfin également, un vrai plongeon dans le vide (nous étions tous venus pour cela, en bons sadiques que nous sommes) pour la diva romaine, se jetant du haut des ailes de l'Archange... Effet garanti. Triomphe assuré. Pour une mise en scène qui n'accuse en rien ses cinq ans de bonification. 


© Opéra de Marseille

A cette régie forte mais sans excès, efficace, d'un impact théâtral sidérant, d'un goût très sûr, Giuseppe Gipali (Mario) et Jean-Philippe Lafont (Scarpia) ont apporté tout l'impact de leur personnalité : retenue et juvénile pour le premier, puissante jusqu'à l'écrasement, telle une force maléfique et tranquille, une masse luciférienne en mouvement, pour le second. Les violences de ce mélange de Iago, Don Juan et Tartuffe savent laisser place à un travail tout en finesse sur la demi-teinte lorsque la partition le demande. 

A l'actif du ténor albanais, une présence indéniable, un aigu glorieux, deux airs joliment phrasés mais dans une attitude que nous ne voudrions plus revoir sur scène : jambes écartées, bras ouvert, poitrine en avant... comme au concert.

Spécialiste du rôle-titre, Catherine Naglestad, physique de star hollywoodienne, était attendue avec impatience. Là encore quelques gestes grandiloquents au Palais Farnèse n'échappent pas au "vérisme" outrancier, mais, jusqu'à la laideur calculée du cri, la voix éclate en mille facettes, oscillant entre une sorte de parlando très fluide et un large aigu. Le Vissi d'Arte passe, magique, avec naturel, évitant les pièges du grand air attendu, le si bémol du suicide est impérial.

Disons enfin l'excellente qualité de la direction musicale d'Ivan Anguelov à la tête de l'Orchestre et des Choeurs de la Cité Phocéenne. L'orchestration luxuriante et vénéneuse de Puccini se déploie avec une belle précision. Encore une fois, la courageuse et sympathique directrice Renée Auphan peut être fière de son travail.
 

Christian COLOMBEAU
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