C O N C E R T S
 
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NEW-YORK
Metropolitan Opera
08/12/2001
 
La Traviata

Giusepe VERDI

Dirigé par : Maurizio Benini
Orchestre et choeur du Metropolitan opera

Violetta : June Anderson
Alfredo : Frank Lopardo
Germont : John Avey
Flora : Mary Ann McCormick
d'Obigny : Thomas Hammons
Douphol : Michael Devlin
Grenvil : LeRoy Lehr
Annina : Diane Elias
Giuseppe : Dennis Williams

 


VIOLETTE IMPÉRIALE
 

On pouvait craindre le pire de cette série de 13 "Traviata", alternant 2 Violetta, 3 Alfredo et autant de Germont dans de multiples combinaisons. Principal défaut inhérent à ce type de reprise, la version archi-traditionnelle retenue : pas de reprise de "A forsé lui" (classique !), pas de cabalette "Dei mei bollenti spiriti" (c'est pourtant revenu à la mode), pas de cabalette pour papa non plus (elle reste rare), pas de second couplet dans "Addio del passato", pas d'intervention du Docteur et de toute la smala à la mort de Violetta (personnellement ça ne me gêne pas trop).

Seule survivante : la petite reprise rapide à la suite du "Parigi o cara".

La "nouvelle" mise en scène de Dame Franco Zeffirelli est une reprise "améliorée" de la production précédente.

Le premier acte nous mène dans l'éclaté de l'appartement de Violetta (une grande boîte format cinémascope) : le salon, une pièce sombre, un vestibule avec un escalier; on distingue une autre pièce dans le fond où s'amusent les invités. Au niveau décoration, on se croirait chez un antiquaire. Côté costumes, c'est plutôt Zavatta : couleurs criardes (genre jupe orange avec de larges rayures marron !) et coupes à l'avenant.

Au second acte, nous sommes dans l'arrière-boutique de Laura Ashley pour la première scène. Pour la seconde (chez Flora), c'est l'apothéose : le rideau (jaune) se lève sur de gigantesques résilles en dentelles (roses, genre "Chez Michou"), qui s'écartent pour s'ouvrir sur une espèce de salon impérial auprès duquel le grand escalier du Palais Garnier fait "pingre" ! Nous avons droits aux inévitables danseurs espagnols (tapant fort du pied et de la castagnette), des figurants portant des masques de vaches (comme dans la mise en scène précédente). À la fin du ballet, confettis et cotillons tombent des cintres comme à l'Alcazar de Rodez : il ne manque plus que Zeffirelli "herself" sur un trapèze, habillé en Zizi Jeanmaire avec un pétard dans le cul : abominable !

Au dernier acte, on retrouve une configuration identique à celle du premier, le petit escalier débouchant sur le palier. C'est que nous sommes au second étage de l'appartement de Violetta ! Quand elle entend Alfredo, elle sort du lit, se précipite vers l'escalier qu'elle descend, cramponnée à la rampe et BINGO le décor monte de telle manière que Violetta se retrouve au premier étage de son appartement (l'effet cinématographique est ici écrasé par la prouesse technique de la machinerie du Met). Ce n'est plus "Traviata" mais une attraction chez Disney (ce serait drôle si l'ascenseur tombait en panne !).

La distribution est dominée par la Violetta de June Anderson. Certes, les années sont passées : la voix est moins lumineuse (mais plus homogène sur la tessiture), le souffle moins puissant (perceptible dans un "Amami Alfredo" sans relief), mais la technique bel cantiste reste à tout épreuve (un "Sempre libera" où ut et ré-bémol fusent littéralement). On regrette l'absence de mi-bémol conclusif (impression sur le coup : "LA SA-LO-PE !") quand on sait que cette note ne lui pose pas vraiment de problème (cf. ses récentes "Lucia"). Comme June Anderson ne fait rien qui ne soit réfléchi, on peut supposer qu'il s'agit pour elle d'atténuer le contraste entre l'acte I et les suivants (elle m'avait donné une explication similaire au sujet du "Bel raggio" de "Semiramide"). Effectivement, son interprétation de la suite de l'oeuvre évitera tout glissement vériste : le duo avec Germont fait ainsi irrésistiblement penser au duo Raimondo / Lucia. Cette "belcantisation" ne se fait pas au détriment de l'interprétation : la mort de Violetta est pleine d'émotion tout en restant extrêmement digne. Une Violetta atypique donc, d'autant plus digne d'intérêt qu'elle est probablement très proche des intentions initiales de Verdi.

Nous retombons hélas dans la médiocrité avec l'Alfredo de Franck Lopardo. Malgré sa voix engorgée et nasillarde, ce chanteur m'avait enthousiasmé par son style lors des récentes "Lucia" de Bastille : ici, nous avons à faire à un aboyeur hurlant son "Questa donna conoscete" comme Canio poignardant Nedda ! Le reste est à l'avenant, tempéré par quelques pianissimi en voix mixte (les toutes dernières notes d'un "Bollenti spiriti" hurlé les 3/4 du temps).

Germont est incarné par John Avey : retenez bien ce nom, vous n'en entendrez plus jamais parler. L'incarnation est noble et sans grand défaut (mais sans grande qualité non plus), et le timbre est ingrat : une bonne doublure.

Maurizio Benini dirige avec des tempi sans doute trop rapides et une battue très violente, mais le résultat ne manque pas d'efficacité : on attendrait quand même un peu plus de rubati au dernier acte.

Les choeurs sont une fois de plus exemplaires, l'orchestre bien meilleur que dans "Arabella" (il ne s'agit pourtant pas des mêmes instrumentistes que ceux qui venaient de jouer magnifiquement les "Maîtres" : c'est donc bien la preuve que le résultat final dépend du chef, Benini y réussissant mieux qu'Eschenbach !).

Comme toujours, la direction d'acteurs n'appelle que des éloges (cf. toutes mes critiques de ce week-end nord-américain !).
 
 
 
 

Placido Carrerotti
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