C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
MADRID
4 & 5/10/03
 

Annalisa Raspagliosi
LA TRAVIATA

Opéra de Giuseppe VERDI

Violetta : Annalisa Raspagliosi / Norah Amsellem (5/10) 
Alfredo : Giuseppe Filianoti / José Bros (5/10)
Giorgio Germont : Vittorio Vitelli / Renato Bruson (5/10)
Flora Bervoix : Itxaro Mentxaka
Annina : María Espada
Gastone : Ángel Rodríguez
Douphol : Juan Tomás Martínez
D'Obigny : Marco Moncloa
 
Mise en scène, décors et costumes : Pier Luigi Pizzi 
Lumières : Sergio Rossi
Nouvelle production

Choeur et orchestre du Teatro Real
Direction : Jesús López Cobos

Madrid, les 4 et 5 octobre 2003



L'ouverture de la saison madrilène a fait couler beaucoup d'encre. Le Teatro Real affichait complet pour les douze représentations prévues. L'épisode Gheorghiu a tout d'abord fait la une des pages culturelles des quotidiens espagnols. La diva n'a fait qu'une apparition dans la capitale pour renoncer à cette production qu'elle jugeait contraire à sa conception de l'oeuvre. Ensuite, un préavis de grève a été déposé pour les trois premières représentations par le personnel technique et administratif. La première a donc été donnée en version de concert. Le préavis levé, la deuxième a pu se dérouler normalement. Enfin, le Real a offert aux madrilènes qui n'avaient pu obtenir de places une retransmission de la troisième sur écran géant devant l'opéra ; la foule s'est pressée nombreuse le 4 octobre.
 
En découvrant la scénographie de Pier Luigi Pizzi, on se demande vraiment ce qui a pu choquer la diva roumaine, surtout quand on la confronte à certaines mises en scène récentes.
L'action est transposée sous l'Occupation puisque quelques nazis - discrets - se mêlent aux invités du premier acte. Le décor du premier acte partage la scène en deux : le salon et la chambre de Violetta dont le vent agite un peu les voilages. Au début du deuxième acte, le tableau est plus discutable. En fait de maison de campagne, la résidence de l'héroïne ressemble plutôt à un loft froid aux tons blanc et bleu. La deuxième scène chez Flora suit davantage le livret : il s'agit bien d'un intérieur "richement décoré", ici dans un style extrême- oriental. Le dernier acte est plus dépouillé, la misère ayant frappé. Pendant le prélude du troisième acte, seule la salle de bain est éclairée alors que la scène est plongée dans le noir, puis Violetta se traîne vers son lit. C'est à ce moment qu'un vieux monsieur assis devant moi demande ingénument à sa voisine: "¿Va a morir, no?". Si la production ne situe pas l'action au XIXe siècle, mais elle reste d'une facture très classique, sans rien d'iconoclaste ou de scandaleux. Le désistement d'Angela Gheorghiu reste donc une énigme...
 
La direction de Jesús López Cobos est toujours élégante, pareillement attentive aux deux distributions. La partition est donnée avec les reprises de "Ah! fors'è lui" et de "Addio del passato" et sans coupure dans l'air du baryton "No, non udrai rimproveri". Choeur, orchestre et comprimarii s'en tirent tous honorablement.

En bonne élève de Kabaivanska, Annalisa Raspagliosi campe une Violetta très convaincante. Vocalement, le "Sempre libera" ne démérite pas, mais les aigus sont un peu rêches et elle évite, avec raison, le mi bémol. Elle délivre en revanche un "Addio del passato" d'une très grande tenue, conclu par un magnifique la final flottant et piano. Le lendemain, Norah Amsellem renouvelle l'exploit de sa consoeur dans les piani et la musicalité. Cependant le timbre n'est pas intrinsèquement beau, il perd un peu en projection dans l'extrême aigu et se trouve affligé d'un vibrato qui peut gêner. Plus téméraire, elle tente - et réussit - le contre-mi bémol à l'acte I. Ces deux artistes seront toutes deux acclamées au rideau final.


Nora Amsellem

Giuseppe Filianoti est crédible en jeune amant (Alfredo), sa voix agréable, mais il semble se fatiguer à chanter une strophe du "O mio rimorso". José Bros aura toujours ses détracteurs : le timbre est nasal et l'acteur quelque peu emprunté. Ceci dit, la ligne de chant est soignée, comme d'habitude, et le ténor émet le contre-ut au deuxième acte, quoique sans grand effet sur le public. Vittorio Vitelli fait partie de ces jeunes chanteurs obligés de "jouer les vieux" puisque son timbre de baryton l'y contraint. La projection est plus que suffisante, mais son chant manque de legato et des nuances nécessaires pour dégrossir un matériau intéressant, mais encore assez brut. Devant un artiste à la fin d'une carrière prestigieuse, on ne sait s'il faut considérer le verre à moitié plein ou à moitié vide. Le timbre a perdu de son émail, le souffle s'est raccourci. C'est peut-être aussi en raison de cette fragilité vocale que le Germont composé par Renato Bruson touche le public, qui l'applaudit longuement... C'est donc avec cette Traviata singulièrement malmenée avant d'arriver à bon port, que Jesus López cobos prenait officiellement la charge de directeur musical du Teatro Real.
 
 
 

Valery Fleurquin
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]