C O N C E R T S
 
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TORONTO
15/05/2007
 
© Michael COOPER

Giuseppe VERDI (1813-1901)

LA TRAVIATA


Opéra en trois actes
Livret de Francesco Maria Piave
D’après La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils
Création, Venise, La Fenice 1853

Mise en scène, Dmitri Bertman
Décors, Igor Nezhny
Costumes, Tatiana Tulubieva
Éclairages, Bonnie Beecher

Violetta Valéry, Nicoleta Ardelean
Alfredo Germont, Daniil Shtoda
Giorgio Germont, Alexander Marco-Buhrmester
Flora, Buffy Baggott
Annina, Betty Allison
Baron Douphol, Daniel Sutin
Docteur Grenvil, Alain Coulombe

Canadian Opera Company Orchestra
Daniele Callegari

Toronto, le 15 mai 2007

Folles partouses et amour fou


Frappante, sans aucun doute, cette production de Toronto — une reprise de 1999, remontée en Nouvelle-Zélande en 2005 —, est pour le moins contestable.

Foin de La Dame aux camélias de Dumas fils ! Partant de l’idée que le public du 21e siècle serait incapable de saisir la psychologie d’une courtisane atteinte de tuberculose, le metteur en scène russe Dmitri Bertman a décidé de faire de l’héroïne de Verdi une malade mentale. Et au lieu de fréquenter les joyeux fêtards de l’époque de sa création, sa Violetta évolue dans le monde interlope de partouses sado-masochistes placées sous l’influence de la drogue. Pour évoquer ensuite le fol amour romantique qui surprend, comme le veut le livret, notre « dévoyée », subitement touchée au cœur par un jeune homme un peu niais mais sincère, le metteur en scène retourne temporairement à l’univers des crinolines, des hauts-de-forme gris perle et des décors en stuc…

Mais, au troisième acte, c’est sur un sinistre lit d’hôpital que cette Violetta, en proie à son délire schizophrénique, dit son « Addio del passato » en s’écriant « Parigi, o cara» et se meurt désespérée «Ah gran Dio ! Morir si giovine » dans les bras d’un Alfredo aussi impuissant à la guérir par l’amour que les médecins par la psychiatrie.

Fort heureusement, aucune frustration auditive. Dans sa nouvelle salle intime, chaleureuse, à l’excellente acoustique, l’orchestre canadien sonne avec clarté, justesse et précision sous la conduite d’un chef italien qui a la partition de Verdi dans le sang. En dehors des deux grandes scènes avec chœur et danseurs, on entend, le reste du temps, un magistral opéra de chambre dont on peut goûter toutes les nuances.

Sans être mémorable, la Violetta de Nicoleta Ardelean est attachante et bien chantante. Si dans le premier acte, la soprano roumaine demeure un peu froide et pas assez aguichante, elle sait nous émouvoir avec délicatesse par la suite. La voix est bien projetée, le timbre tout à fait agréable, la comédienne sensible.

Le ténor russe Daniil Shtoda, entendu notamment au Festival d’Aix dans Lensky d’Eugene Oneguin en 2002, est un Alfredo un peu bourru. Le timbre est quelque peu acide, il manque de couleurs et la voix manque parfois de stabilité, mais il réussit de belles notes tenues.

Giorgio Germont est incarné avec classe par l’excellent baryton suisse Alexander Marco-Buhrmester qui sait d’une bien jolie manière alléger sa voix aux moments opportuns. Sa longue scène avec Violetta rend particulièrement justice aux qualités d’écriture que Verdi y déploie. Le public ne s’y trompe pas. Au rideau final, Marco-Buhrmester fera à l’applaudimètre jeu égal avec Ardelean dans le rôle-titre.

Arrivés sous la pluie, les spectateurs du Four Season Centre de Toronto — après avoir toussé et même éternué tant et plus pendant cette représentation — semblent finalement recevoir cette vision fourvoyée de La Traviata avec une certaine placidité approbative. Déconcertant.
 

                                                Brigitte CORMIER
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