OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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ORANGE
31/07/2007
 
 © DR


Giuseppe VERDI (1813-1901)

IL TROVATORE

Leonora, Susan Neves
Azucena, Mzia Nioradze
Inès, Marie-Paule Dotti
Manrico, Roberto Alagna
Il Conte di Luna, Seng-Hyoun Ko
Ferrando, Arutjun Kotchinian
Ruiz, Sébastien Guèze
Un vecchio Zingaro, David Bizic
Un Messagero, Jean-François Borras

Orchestre National de France
Chœur des Opéras de Région
Gianandrea Noseda

Mise en scène, Charles Roubaud
Costumes, Katia Duflot
Eclairages, Vladimir Lukasevitch
Vidéo, Gilles Papain

Orange, Théâtre antique le 31 juillet 2007

Trou – presque - noir


21 h 20 : début des applaudissements. Etrange, seul l'orchestre est en train de s'accorder. Renseignement pris et le regard jeté par-dessus la foule qui vient de se lever, ces applaudissements vont à Nicolas Sarkozy qui vient de pénétrer dans l'enceinte du Théâtre antique. Le Président ; sa famille ; ses satellites. Applaudissements, donc – et pas seulement, mais ça, la légende ne le dit pas – bain de foule. Le Président est placé quatre rangs derrière moi : ça doit être ça, l'ascenseur social. Bref, le spectacle commence dans les gradins !

Question : l'onction présidentielle est-elle une valeur ajoutée ? Guérit-elle les écrouelles vocales ? Réponse : non ! Non, très franchement. Et croyez que je regrette d'avoir à écrire ces mots. Car cela est-il bien digne d'Orange ? Da sa longue histoire et de son pedigree qui laisse rêveur.

A Orange on habille plus souvent le plateau qu'on ne met vraiment en scène. On gère les masses avant tout. Comme toujours c'est le chœur qui en bénéficie le mieux, marée humaine, vraie turba qui va si bien au lieu. C'est aussi le cas des projections inventives, qui – et c'est paradoxal – font oublier LE mur en y attirant le regard. Pour le reste… Je résume : main sur cœur ; bras grand ouverts ; entrée côté cour, sortie côté jardin. C'est crédible comme une captation de la RAI dans les années 50.

Du coup ça n'aide vraiment personne. Et quand on peut avoir un fâcheux penchant à se laisser aller sur cette pente – suivez mon regard… J'ai d'autres souvenirs autrement mémorables dans le lieu. Et comme j'ai eu l'oreille "pervertie" par Callas, Price, Kabaïvanska, Simionato… J'arrête la liste ; le jeu est trop cruel.

J'ai mal entendu Ferrando. Apparemment il n'a pas le trille de sa scène du I. Verdi ne l'aide pas, il faut le dire. Je n'ai même pas envie de qualifier le premier air de Leonora. Pas vraiment inqualifiable évidemment ; mais un peu fâché avec l'intonation, comme serré, peinant à s’épanouir. Le reste est à l'avenant. Ni franchement dramatique ; ni franchement lyrique ; ni franchement agile – la cabalette du I ou  Vivra ! Contende il giubilo. Et pourtant quelles poses dans l'aigu pour un vraiment beau D'amor sull'ali rosee posé sur le fil… Mais sur un fil de rasoir qui n'a jamais si bien montré que le sublime est proche du laborieux !

J'ai mal entendu aussi Azucena. J'ai deviné un tempérament furieux. Une de ces grandes Slaves décomplexées qui jouent leur rôle comme si c'était leur vie. Mais Stride la vampa impeccablement phrasé est aussi très moyennement narré – ce en quoi, d'ailleurs la chanteuse n'est que partiellement responsable, je vais y revenir.

J'ai parfaitement entendu le Conte di Luna -
Seng-Hyoun Ko - en revanche. Un Conte racé qui a du Warren et du Milnes dans la voix, ce qui est déjà une belle lettre de créance. Un Conte de haut vol qui lance un Balen de grande école, rougeoyant, ombré, nimbé…

Et notre Roberto (inter)national ? Je suis entré dans le théâtre en me disant que Manrico n'était sans doute pas son emploi le plus naturel. J'en suis sorti sans avoir changé d'avis. J'avais envie d'y croire. Comme quoi la foi est souvent déçue ! Forcément le lyrisme lui va comme un gant… mais comme un gant qui le gène quand même un peu aux entournures. Même Ah ! Si ben mio le voit un peu court – pas d'imagination, jamais, mais de timbre ! Pirra surexpose même tout ce que ce timbre royal ne peut pas – ou ne peut plus, ou n'a peut-être jamais pu ! L’aigu est devenu pénible pour ne pas dire faible. L’émission gène ; la démonstration permanente aussi ! A trop vouloir prouver…

Par ailleurs son Trouvère a des allures de bonimenteur de foire plus que de barde gourmé. Evidemment, la prestation est payante et le public – de toute façon acquis d'avance – ne ménage ni ses hurlements, ni ses applaudissements. Qui a gagné à l'applaudimètre, d'ailleurs ?

Peut-être Noseda qui a été gratifié de vibrants Brava ! Maestro. Sincèrement, là encore, je n'ai pas forcément bien compris pourquoi. Dieu sait pourtant que l'orchestre est beau, avec des soli fabuleux. Mais j'ai eu souvent l'impression que Noseda, sa main, sa baguette passaient à côté, d'une certaine manière, de la moelle de l'œuvre. Les grands récits –ceux de Ferrando et d'Azucena – sont impitoyablement lents, étales, sans rebond ni relance. Alors que souvent Noseda s'emballe, parfois de manière apparemment gratuite. Le live est parfois un exercice cruel !

Non ! Je n'ai pas été convaincu. Mais cela n'engage que moi. C'est un peu le jeu de la critique, non ?


Benoît BERGER
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