C  R  I  T  I  Q  U  E  S

les concerts de Forum Opera


Opéra du Rhin, Strasbourg

Turandot
(Giacomo Puccini)

(21/10/01)

Mise en scène - Renate ACKERMANN
Décors - Heinz BALTHES
Costumes - Manuel VELAZQUEZ

Orchestre Philarmonique de Strasbourg
Jan LATHAM-KOENIG

Turandot - Janice BAIRD
Calaf - Janos BANDI
Liù - Michelle CANNICCIONI
Timur - Carlo CIGNI
Ping - Kyo WON HAN
Pang - Georges GAUTIER
Pong - Léonard PEZZINO
Altoum - Rodolphe BRIAND
Un mandarin - Jean-Philippe EMPTAZ

Choeurs de l'Opéra du Rhin - Choeurs Orpheus de Sofia
Les Petits Chanteurs de Strasbourg

Turandot, soeur de Salomé






Jamais le parallèle entre ces deux personnages níaura été plus flagrant que dans la mise en scène de Renate Ackermann pour cette nouvelle production du dernier ouvrage de Puccini.

Cela est dû díune part (et pas la moindre) au physique de la chanteuse qui incarne Turandot, la très remarquable Janice Baird: enfin une Turandot FINE, BELLE, FEMININE, JEUNE (ça nous change des cantatrices bien en chair que líon trouve le plus souvent dans ce genre de rôles...) et díautre part à une conception du personnage que jíai trouvée très intéressante. Par exemple, líapparition de Turandot au 1° acte níest pas du tout solennelle comme on a líhabitude de la voir (et comme la musique y invite un peu díailleurs), non, au contraire, Turandot arrive en courant, accompagnée de ses suivantes, telle une véritable gamine qui en fait voir à son vieux père díEmpereur... et telle Salomé qui níen fait quíà sa tête.
Le personnage níest pas hiératique, ou du moins, quand il líest, on sentirait presque que cíest un jeu, une apparence que veut se donner la jeune fille: cette histoire de viol de son ancêtre, ne serait-ce pas quíun prétexte pour ìjouerî à la princesse sanguinaire et autoritaire ?? Ces énigmes ne seraient-elles pas un jeu, un passe-temps comme un autre...?
Turandot parait troublée quand elle voit Calaf, elle le repousse mais peut-être bien pour ne pas céder, et non pas par automatisme... Et quand Calaf réussit une à une les énigmes, ce níest peut-être pas tant líamour de Calaf quíelle craint, mais peut-être le vacillement de son autorité...

Aussi, sa métamorphose au III° acte ne sera que plus émouvante, et plus crédible... Jamais je níai pris autant de plaisir que dans ce final díAlfano, qui souvent est ennuyeux et ìartificielî. Rien de celà ici, beaucoup de vérité, díémotion: on croit à líamour de Turandot pour Calaf.

Toute la mise en scène se centre sur les personnages et non sur le decorum parfois envahissant dans cet ouvrage. Rien de celà ici. Pas díexotisme à outrance, mais un décor sobre, remarquablement éclairé, représentant une scène ronde entourée díune rampe ascendante en colimaçon, en forme de point díinterrogation et de lune, et aboutissant à un balcon (celà rappelle un peu le décor de la production de Salomé que Karajan dirigea à Salzbourg dans les années 70 avec Hildegard Behrens...!).
La couleur locale níapparaît que dans les costumes, et chez certains personnages (dont on se serait passé (le coupeur de têtes en judoka....bof !) ) et dans certaines trouvailles scéniques plus ou moins heureuses (Ping Pang Pong jouant au...ping pong au début du 2° acte....!).

Si le physique de Janice Baird tranche avec les Turandot que líon a líhabitude de voir, sa voix tranche aussi un peu avec ces mêmes Turandot inhumaines comme Birgit Nilsson. Sa voix est en effet claire, jeune, sans vibrato envahissant, et cadre extraordinairement avec la conception de la metteur en scène. Les aigus, terribles, sont superbes, même síils ne semblent pas aussi ìfacilesî que ceux de Nilsson, le medium níest pas en reste. Mais il est difficile de ne parler que de la voix de cette chanteuse tant cette voix semble faire corps avec le personnage...

La Calaf de Janos Bandi est un peu frustre, mais il assure ses aigus vaillamment. Le timbre est beau bien quíun peu nasal.
La Liù de Michelle Cannoccioni est absolument superbe, díune intense émotion, díune beauté de timbre et de ligne vraiment touchante. Sa mort fut superbe.
Le Timur de Carlo Rigni fut tout aussi remarquable.
Très beaux Ping Pang Pong de Kyo Won Han (remarquable), Georges Gautier et Léonard Pezzino.

Comme toujours à Strasbourg, les choeurs sont splendides. Le travail effectué durant 10 saisons par la jeune chef chinoise Ching-Lien Wu síentend: une homogénéité, une puissance et une grande beauté sont la marque de ce choeur remarquable. Espérons que Michel Capperon, qui nous vient díAvignon, saura entretenir ce niveau de qualité, et succéder dignement à Ching-Lien Wu, qui est dorénavant à líOpéra de Genève.

La direction de Jan Latham-Koenig est très analytique, presque ìobjectiveî, tout juste regrette-t-on quíil ne se ìlâcheî pas parfois, mais on ne peut lui reprocher líapproximation. Líorchestre, un peu vert le soir de la première, ne pourra que síaméliorer quand on sait son excellence.

Une ouverture en fanfare de la saison !
 

Pierre-Emmanuel Lephay

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