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AVIGNON
05/12/04
Janice Baird
© www.janicebaird.com
TURANDOT

Drame lyrique en trois actes et cinq tableaux
Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni
Musique de Giacomo PUCCINI

Turandot : Janice Baird
Liu : Rié Hamada
Calaf : Jean-Pierre Furlan
Timur : Wojtek Smilek
Ping : Jean-Sébastien Bou
Pang : Florian Laconi
Pong : Martial Defontaine
Imperatore Altoum : Jean Delescluse
Un Mandarino : Jean-Louis Serre
Il Principe di Persia : Eric Salha

Direction musicale : Alain Guingal
Orchestre Lyrique de Région Avignon-Provence
Choeurs de l'Opéra de Toulon
Choeurs et Maîtrise de l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse
Mise en scène, décors, costumes et éclairages : Antoine Selva

Opéra d'Avignon
Représentation du dimanche 5 décembre 2004



Succès pour cette Turandot avignonnaise avec pas moins de huit prises de rôle pour la totalité du cast masculin dont le ténor Jean-Pierre Furlan en Calaf. Nous étions venus pour lui. Nous ne fûmes pas déçus. Mais procédons par ordre. 

Antoine Selva, en véritable homme à tout faire, déroule pour nous un beau livre d'images qui se feuillette sans déplaisir. Dans un décor impressionnant, oppressant, lugubre avec la présence obsédante du bourreau et son cimeterre grand comme un jour sans pain, quelques idées sont originales (les ministres au bain), d'autres plus saugrenues (Calaf et Turandot recevant cadeaux et bibelots d'une improbable liste de mariage en vue d'un voyage de noce obligé ?).

Les costumes sont chatoyants, les figurants musculeux à souhait et les éclairages sculptent la scène en de jolis effets poétiques. 

Coiffée comme Mireille Mathieu, telle une Nounou d'enfer entourée de bambins rigolards, de cinquante choristes pas toujours au diapason et souvent en décalage - il en fallait au moins le double ! -, Turandot fait une entrée sans mystère, sans magie, sans aura ; l'ensemble ressemble plus à la garden-party d'une princesse capricieuse d'un domaine d'opérette qui s'adonne à son jeu favori : Questions pour un Champion
Bien peu de tension dramatique, hélas, dans la scène des énigmes où chacun se rabat sur la seule puissance de son chant. Envahissant aussi, ce ballet au lever du rideau du troisième acte. Plus réussis seront la mort de Liu ou ce saisissant choeur final du 3, gorgé de lumière. Mais le savoir faire de Puccini/Alfano y est certainement pour quelque chose...

Habituée des grands rôles wagnériens et straussiens, mais empêtrée dans un italien cosmopolite fort drôle, la très belle et sculpturale Janice Baird a le physique, ainsi que la voix du rôle et tient à le faire savoir. La soprano américaine décroche sans peine la flopée de si et ut qui truffent sa partition, noie, avec un bonheur partagé par tous, ses partenaires dans les ensembles, arrive même à émouvoir dans les scènes finales.

Tout comme Jean-Pierre Furlan, qui n'arrête pas de nous étonner au fil des saisons. Voilà un Calaf au chant glorieux, digne des Chauvet et autres Py... car toujours au plus près du texte musical et de ses nuances. La voix a gagné en puissance, l'acteur est sympathique. Toutefois, une projection plus large, moins "pointue" mériterait d'être mise au point par cet éminent musicien. Il y gagnerait confort et aisance... Fort bien placés, fort bien phrasés, ses deux airs dont le très attendu "Nessun Dorma" ont fait chavirer la salle.

Si le rôle de Liù n'a plus aucun secret pour Rié Hamada, dans ses courtes mais décisives interventions, Wojtek Smilek campe un fort sonore Timur. Satisfecit global pour les trois ministres, sérieux comme des papes, bien en situation, loin de l'imagerie commedia dell' arte habituelle.

On l'a dit, la cinquantaine de choristes a fait tant bien que mal son travail. Par contre, Alain Guingal ose un Puccini aux dimensions d'une cérémonie tragique et met au mieux en valeur la richesse orchestrale de l'oeuvre. Sa direction très passionnée fait ressortir fort adroitement les subtilités polytonales et polyrythmiques d'une composition qu'il faut bien considérer comme unique en son genre. Une lecture spectaculaire de Turandot, mais toujours respectueuse des nuances diaphanes d'une partition - le sait-on ? - contemporaine du Wozzek d'Alban Berg.
 
 

Christian COLOMBEAU
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