C O N C E R T S 
 
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VIENNE
23/09/06
 © DR
Giuseppe VERDI

I VESPRI SICILIANI

Opéra en 5 actes
Livret de Eugène Scribe et Charles Duveyrier
Version italienne de Eugenio Caimi

Guido di Monforte : Leo Nucci
Sire di Béthune : Dan Paul Dumitrescu
Conte Vaudemont : Clemens Unterreiner
Arrigo : Francisco Casanova
Giovanni da Procida : Roberto Scandiuzzi
Comtesse Elena : Sondra Radvanovsky
Ninetta : Daniela Denschlag
Danieli : Marian Talaba
Tebaldo : Peter Jelosits
Roberto : Eijiro Kai

Mise en scène, décors, costumes et éclairages : Herbert Wernicke
Chef de choeur: Ernst Dunshirn
Chœur et orchestre du Staatsoper de Vienne
Direction : Fabio Luisi
29e représentation de cette production

Vienne, le 23 septembre 2006

Quarté gagnant

La saison a officiellement commencé le 5 septembre avec une Bohème un peu décevante (Marcelo Alvarez un peu tendu transposant son « Che gelida manina », Tamar Iveri moins émouvante qu’il y a deux ans). Quelques Barbiere, Lohengrin, Osud-Le Villi et Roberto Devereux plus loin, nous voici rendus à la première d’une série de reprises des Vêpres siciliennes en italien.

Cette production date de 1998 et doit tout à Herbert Wernicke pour le versant scénique. Un immense escalier gris est le seul élément de décor du début à la fin. Les costumes situent l’action au milieu du XXe siècle et sont tous noirs ou gris pour les Palermitains et bleus pour les troupes françaises, excepté la robe de mariée d’Elena au dernier acte. Quelques éclairages essaient de combattre l’aspect terne de l’ensemble. Seules les deux dernières minutes – le massacre des Français - impressionnent fortement.

Saluons la prestation des chœurs, nombreux, et la cohésion de l’orchestre. Fabio Luisi ne nous a pas toujours habitué à ce niveau. Sa direction ici d’une récente Favorite nous avait laissé la pénible impression d’assister à la répétition. Sous sa baguette, la tension dramatique du drame verdien baisse rarement, ce qui n’est pas évident pour un Grand Opéra forcément long. Au crédit du chef également, une direction attentive aux chanteurs et des coupures limitées ; inutile de préciser que le ballet est lui coupé, comme toujours.

Cependant I Vespri siciliani est une oeuvre qui demande un quatuor vocal de première division. Les quatre rôles principaux sont d’une exigence rare et particulièrement exposés. La distribution réunie à Vienne était alléchante et ne nous a pas déçus.

Commençons par le vétéran Monforte de Leo Nucci, spécialiste du rôle. La voix a sans doute perdu des harmoniques, mais quel métier ! L’attention portée aux mots, à la ligne de chant, aux sentiments force le respect. Si tous les barytons pouvaient faire ce genre de fin de carrière… Toujours côté clef de fa, Roberto Scandiuzzi est un Procida impliqué, à la voix riche, du grave à l’aigu. Son « O tu Palermo » remporte un franc succès.

Francisco Casanova est un cas à part : un excellent chanteur et le degré zéro de l’acteur. Son embonpoint semble le gêner dans ses déplacements. Par ailleurs la gaucherie de son jeu est gênante. De temps à autre il lève le bras droit pour menacer, c’est tout. Le public ne lui en tient pas rigueur, car le chant est d’une belle tenue : phrasé, volume suffisant, timbre solaire. Nous ne sommes pas partisan des chanteurs qui en « font des tonnes » et s’agitent frénétiquement sur scène, mais l’inertie du ténor paralyse un peu ses partenaires. Ce ténor rejoint la cohorte des chanteurs à écouter… les yeux fermés.

Sondra Radvanovsky, spécialiste elle aussi du rôle redoutable d’Elena, n’a que deux petits défauts : certains aigus sont légèrement en dessous (de très peu, il est vrai) et les trilles du boléro passent aux oubliettes. Pour le reste, la soprano ne mérite que des éloges. Tout y est : une belle présence sur scène, une actrice émouvante (très beau finale) une voix puissante et, chose rare, égale sur toute la tessiture, des graves sonores, de l’audace . Dans sa cantilène « Arrigo ! Ah ! parli a un core », suivant les traces de Callas, elle descend jusqu’au fa dièse grave ; dans le boléro elle lance crânement le contre-mi. Ces deux petits exemples ne font qu’illustrer le potentiel impressionnant de cette voix. Des débuts fracassants au Staatsoper.

Aux réserves émises sur le ténor près, un quarté gagnant. Au rideau final, le public manifeste sa joie et acclame chœurs, orchestre, chanteurs et chef
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Valéry Fleurquin
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