C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
MONACO
21/11/05

Inva Mula
Gioacchini ROSSINI

IL VIAGGIO A REIMS
Ossia l'albergo del Giglio d'oro

Dramma Giocoso en un acte
Composé pour le courronnement de S.M. Charles X, roi de France
Livret de Luigi Ballochi
Crée au Théâtre Italien de Paris, le 19 juin 1825
Première à Monte Carlo - Dans le cadre de la Fête Nationale
Nouvelle Production

Corinna : Inva Mula
Marquise Melibea : Sara Mingardo
Comtesse de Folleville : Patrizia Ciofi
Madame Cortese : June Anderson
Comte de Libenskorf : Rockwell Blake
Lord Sydney : Marco Vinco
Don Profondo : Ruggiero Raimondi
Baron de Trombonok : Filippe Morace
Don Alvaro : Manuel Lanza
Don Prudenzio : Balint Szabo
Don Luigino : Martial Delafontaine
Della : Delphine Gillot
Maddalena : Oana Andra
Modestina : Cornelià Oncioiu
Zefrino : David Alegret
Antonio : Enrico Marabelli

Direction Musicale : Maurizio Benini
Chef des Choeurs :Christian Missirkov
Mise en scène, décors et costumes : Pier Luigi Pizzi
Eclairages : Sergio Rossi

Choeur de l'Opéra de Monte-Carlo
Orchestre Philarmonique de Monte-Carlo

Le 21 Novembre 2005

Un Viaggio réussi !
 

Depuis sa résurrection en 1984 au Festival de Pesaro, Il Viaggio a Reims est désormais entré définitivement au répertoire de toute Maison d'opéra qui se respecte.

Il est vrai que le style propre de l'ouvrage reste à définir : mi-opéra, mi-cantate composée à la mesure vocale du gotha lyrique de l'époque, le livret insipide (insignifiant ?) distribue dix sept rôles solistes dans grosso modo dix sept morceaux de bravoure plombés de cette virtuosité dont le compositeur avait le secret.

L'anecdote, d'enregistrements audios en captations vidéos planétaires est connue : une poignée d'aristocrates venus des quatre coins du continent veulent assister à un couronnement royal qui finalement n'aura pas lieu.
Suite à une panne de diligence, tout ce beau linge se retrouve dans un établissement thermal (auberge espagnole avant la lettre ?) et là, sur des thèmes empruntés au Barbier de Séville, réchauffés ensuite pour Le Comte Ory, secrets d'alcôves, intrigues et flirts de passage vont faire révéler à chacun le secret de ses origines, entre hommage obligé aux diverses nations comme un appel à la future Europe...

Sur un ton goguenard, malicieux, plein de clins d'oeil, l'équipe entière décide alors de fêter le couronnement à sa manière, selon les coutumes de son propre pays.

Une anthologie donc dans le goût de l'époque, avec glorification obligée de la France (ou adieu à l'Italie ?), le pompon du kitsch étant enlevé par une certaine "improvisatrice" Corinne, tout droit sortie de la plume de l'ultra Madame de Staël...

Au final, un feu d'artifices sur un morceau à quatorze voix faisant festoyer malgré eux les curistes à la santé du nouveau Prince monégasque ! Joli hommage.

Avec ce chic qui n'appartient qu'à lui Pier-Luigi Pizzi nous convie a une fête de tous les instants. Son décor et ses chatoyants costumes sont un régal pour les yeux et sa mise en scène, sans un temps mort, fourmille d'idées (les baignoires à roulettes d'où émerge un Adonis nu comme un vert - gratuit certes mais désopilant ! -) et de malices réglées... Il y a du Feydeau et du Labiche avant l'heure dans ce chassé-croisé de personnages-archétypes !

C'est léger, charmant, spirituel, luxueux, poétique même. L'opéra tel qu'il devrait toujours être, sans transposition, sans gadgets. Dans le pur respect de la partition et du compositeur. Un bonheur constant que Pizzi arrive à transmettre à ses chanteurs, qui, véritables bêtes de scène, sortant de leur gong, entraînent orchestre et public dans un vivifiant tourbillon de chant, musique et théâtre ! 

Dans cette oeuvre qui finalement tient du défi et où chacun vient pousser sa vocalise (un peu comme dans la Fledermaus) il faut une distribution de Primo Cartello. 
A Monte-Carlo elle tient ses promesses. Les stars du bel canto rossinien sont toujours au sommet.

Une fois dit que Ruggero Raimondi dans un rôle rabâché racle les fonds de tiroir avec une intelligence diabolique (son air du catalogue reste volubile à souhait mais trop feutré) nous nous inclinerons devant les prestations des vétérans Anderson (à l'aigu percutant et fier), Blake et Gimenez (électrisants à leur manière).

Chapeau bas également, respect, devant tant d'élégance, de science même si le matériau vocal accuse ça et là des ans l'irréparable outrage. La vieille garde tient bon, mais la relève est là de toute façon.

Inva Mula dessine une Corinne de rêve, de classe, raffinée à l'extrême avec son legato extasié dans ses airs à la ligne toute bellinienne.

Patrizia Ciofi réveille en Comtesse de Folleville la mozartienne racée que nous connaissons bien. Sara Mingardo enfin campe une Marquise aux graves aisées et à la vocalisation parfaite.

Les deux dernières basses bouffe ne deméritent pas. On retrouve dans le Lord Sydney de Marco Vinco (plus british que nature) le luxe vocal du plus connu titulaire du rôle.

En Baron de Trombonok plein d'aplomb et de superbe ridicule, Filippo Morace achève de nous séduire. Très bien placés aussi les autoritaires Don Alvaro et Prudenzio (Manuel Lanza et Balint Szabo) à la vis comica irrésistible.

Pour que la sauce prenne, que l'action conserve sa primauté, il faut dans la fosse un vrai panache. Maurizio Benini donne avec brio des couleurs , des sonorités, des rythmes différents (on passe de Bellini à Mozart avec éclat et finesse) à chacune des situations d'une partition complexe qui ressemble surtout à un Quiz musical ou un Puzzle qui trouvait dans l'écrin lumineux d'une Salle Garnier rénovée, brillant de ses mille feux, sa place exacte.
 
 

Christian COLOMBEAU
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]