C O N C E R T S
 
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GENEVE
02/04/2004

© DR
Récital Anne-Sofie von Otter
 

Anne-Sofie von Otter, mezzo-soprano
Bengt Forsberg, piano

Grand Théâtre de Genève
2 Avril 2004



Première de classe

Pour le public de Genève, un récital d'Anne-Sofie von Otter reste un événement. Il lui offre la fidélité que la mezzo-soprano suédoise lui retourne depuis bientôt vingt ans. En effet, c'est en mai 1985 qu'elle fit ses premiers pas sur la scène genevoise. Elle était la Dorabella d'un très beau Così fan Tutte avant d'incarner un magnifique Tancredi en 1989 aux côtés de Katia Ricciarelli, puis de prendre le rôle-titre d'Orphée et Eurydice de Gluck en 1994.

Pour ce quatrième récital (les précédents datant de 1988, 1992 et 1995), le public était accouru nombreux pour applaudir la cantatrice accompagnée par Bengt Forsberg, son pianiste fétiche, artisan de presque tous ses récitals et accompagnateur de la plupart de ses enregistrements. Tout s'annonçait sous les meilleurs auspices, même si le programme choisi laissait une place majeure à des compositeurs suédois ou anglo-saxons pratiquement inconnus.

Dès les premières mesures, un étrange malaise s'installe. Certes, ça chantonne bien, ça pianote correctement, mais la monotonie semble prendre rapidement le pas sur l'intérêt. Comme si la langue suédoise chantée renfermait un effet lénifiant. Un chant monocorde aux contours vocaux peu définis donne la désagréable impression d'entendre des sons sans qu'ils soient en relation avec les mots. Pourtant, Anne-Sofie von Otter ne ménage pas ses effets théâtraux pour donner sens aux poèmes qu'elle interprète. Mais si elle chante les mélodies de Wilhelm Stenhammar (1871-1927) aux fins de "chauffer" sa voix, ce ne sont pas celles de Lars-Erik Larsson (1908-1986) ou de Tor Aulin (1866-1914) qui transformeront cette uniformité musicale en un feu d'artifice. Tout est plat, les airs se suivent sans qu'ils prennent les couleurs qu'on attend d'une interprète comme Anne-Sofie von Otter. On applaudit l'icône, mais on reste sur sa faim. Ce ne seront pas les explications de texte ou la biographie des compositeurs brossées par les deux interprètes (destinées aux oreilles anglophones des seuls spectateurs du parterre, ceux des galeries n'entendant rien du discours marmonné !) qui donneront vie à cette morne première partie. Qui voulait assister à un récital de chant et on eut droit à un cours magistral d'histoire de la musique suédoise (et anglo-saxonne) aux XIXe et XXe siècles. La seconde partie, essentiellement réservée à des compositeurs anglais (tous aussi obscurs que leurs collègues suédois) allait s'avérer pareillement ennuyeuse.

Et la voix ? Indéniablement, au fil des années, Anne-Sofie von Otter conserve toujours un instrument de très belle qualité. Rien ne semble forcé. Si le registre grave semble avoir un peu perdu de son ampleur, le médium reste toujours bien en place et les aigus ne sont jamais criés. Le contrôle de l'émission est parfait. Tout serait pour le mieux dans le meilleur des registres de mezzo-soprano si cette maîtrise totale de la voix n'était synonyme d'ennui. Elle connaît ses leçons sur le bout de la voix. La diction est lisse. La vocalité propre. La respiration contenue. Tout est parfaitement assimilé. Mais, comme sa robe bien coupée d'un vert pomme à la mode, la chanteuse se présente comme une première de classe. Bien coiffée, agréablement souriante, polie et courtoise, elle est irréprochable. Mais comme on aimerait qu'elle se mette en colère, qu'elle sorte de ses gonds, qu'elle soit une artiste enfin !
 
 
 

Jacques SCHMITT
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