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PARIS
04/10/05

Anne Sofie von Otter
© Dan Hansson
Anne Sofie von Otter

Orchestra of the age of enlightenment
Direstion: Marc Minkowski

Gabriel Fauré
Pelléas et Mélisande
Suite opus 80
Mélisande's song

Hector Berlioz
Les Nuits d'été

Ludwig van Beethoven
Symphonie n°4 opus 60

Les Grandes Voix

Théâtre des Champs-Elysées
Mardi 4 octobre 2005

C'est une complicité musicale de longue date qui unit Anne Sofie von Otter et Marc Minkowski. On se souvient de ce soir de janvier 1997 au Théâtre de Poissy où les deux artistes offraient un Ariodante de Haendel anthologique préservé par un enregistrement qui fit date (DGG). Trois ans plus tard, ils se retrouveront sur la même scène pour un nouvel ouvrage de Haendel (Hercules), avant d'explorer d'autres univers musicaux : Monteverdi (L'incoronazione di Poppea à Aix en 2000), et même Offenbach pour un concert déjanté au Châtelet en 2001, spectacles que le DVD a judicieusement préservés (1).

Les voici de retour sur une scène parisienne avec un programme consacré à Fauré et Berlioz, deux musiciens que la mezzo-soprano suédoise a déjà beaucoup fréquentés : du premier elle a gravé notamment La bonne chanson (un CD DGG) et du second, outre Les Nuits d'été, elle a interprété à plusieurs reprises le rôle de Marguerite dans La Damnation de Faust qu'elle a enregistré par deux fois (2).

En revanche, ces compositeurs n'appartiennent pas au répertoire d'élection de Marc Minkowski et cela s'entend dès la suite pour orchestre opus 80 de Fauré qui sonne curieusement sur instruments anciens, d'autant que L'Orchestra of the age of enlightenment a paru en bien petite forme : cordes grinçantes et vents en désaccord avec la justesse. Seule l'intervention extatique de von Otter pour Mélisande song apporte un moment de grâce dans la grisaille ambiante.


Marc Minkowski © DR

Tout s'arrange avec Les Nuits d'été dans lesquelles le chef français déroule un tapis orchestral d'un raffinement inouï pour la voix de sa partenaire, soulignant avec précision chaque détail, adoptant des tempi globalement retenus et trouvant pour chaque mélodie le climat adéquat (ah, ces effets de balancement des flots dans "L'île inconnue"). Une conception tout à fait en symbiose avec celle de von Otter que nous connaissons déjà grâce à l'enregistrement réalisé sous la baguette de James Levine en 1990 (DGG). Certes, avec les ans le timbre a perdu un peu de ses couleurs mordorées et l'aigu n'a plus sa rondeur d'autrefois tandis que le grave se dérobe, notamment dans la phrase "tout me paraît en deuil" ("Sur les lagunes") où la cantatrice n'est pas aidée par le diapason d'époque. Pourtant, son interprétation a gagné en profondeur et en intensité. On ne sait qu'admirer le plus : l'incommensurable talent de la diseuse, sa parfaite compréhension du texte, sa diction impeccable ou l'ineffable élégance de sa ligne de chant qui en font la digne héritière des plus grandes interprètes de ce cycle. Qui pourrait donner, aujourd'hui, une lecture aussi aboutie et passionnante de ces mélodies dont le sommet est "Le spectre de la rose" chanté dans un silence recueilli ?

L'enthousiasme retombe après l'entracte avec une quatrième de Beethoven bien prosaïque. Seul face à l'orchestre, Marc Minkowski se livre à une exécution, dans tous les sens du terme, bruyante et peu nuancée, de cette symphonie. Si sa battue est d'une grande précision, elle manque singulièrement de contrastes. Ainsi dans le premier mouvement, le chef confond fougue et brutalité, la rythmique en devient mécanique au lieu d'être jubilatoire. L'adagio, sec, carré est privé de tendresse et de poésie. Le troisième mouvement est joué fortissimo de bout en bout. A aucun moment le chef ne parvient à animer le discours en profondeur. Seul l'allegro final semble traversé par quelques fulgurances beethoveniennes mais c'est déjà trop tard. On a entendu Marc Minkowski bien plus inspiré ailleurs. A oublier très vite. Une soirée en demi-teintes d'où seules émergent Les Nuits d'été transcendées par Anne Sofie von Otter.
 

Christian PETER

Notes

(1) L'incoronazione di Poppea Aix 2000, un DVD Bel Air.
A Concert music by Offenbach un DVD TDK.
(2) Sous la direction de John Eliot Gardiner chez Philips et de Myung-Whun Chung chez DGG.

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