C O N C E R T S 
 
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LONDRES
22/03/05

Lisa Gasteen - Bryn Terfel
DIE WALKÜRE

Richard Wagner
Première journée du Ring des Nibelungelen

Mise en scène : Keith Warner
Décors : Stefanos Lazaridis
Costumes : Marie-Jeanne Lecca
Lumières : Wolfgang Göbbel

Siegmund : Jorma Silvasti 
Sieglinde : Katarina Dalayman 
Hunding : Stephen Milling 
Wotan : Bryn Terfel 
Brünnhilde : Lisa Gasteen 
Fricka : Rosalind Plowright 
Gerhilde : Geraldine McGreevy 
Ortlinde : Elaine McKrill 
Waltraute : Claire Powell 
Schwertleite : Rebecca de Pont Davies 
Helmwige : Irène Theorin 
Siegrune : Sarah Castle 
Grimgerde : Clare Shearer 
Rossweisse : Elizabeth Sikora

Orchestre du Royal Opera 
Direction : Antonio Pappano

Londres, Royal Opera House, 22 mars 2005

A l'occasion de notre recension de L'Or du Rhin en décembre dernier, nous avions fait état de sérieuses réserves quant à la production de Keith Warner. Cette première journée n'est pas faite pour lever nos appréhensions : la scénographie reste toujours aussi compliquée, la direction théâtrale anecdotique et on ne sait toujours pas où le metteur en scène veut en venir.

Nous retrouvons au premier acte le décor du palais des dieux avant leur déménagement au Walhalla, agrémenté du spaghetti métallique sur lequel Alberich surfait vers les profondeurs dans Rheingold, complété d'une espèce de cabane cubique et rougeâtre légèrement au dessus du sol et au centre de la spirale d'acier.

Comme si la scène n'était pas assez encombrée, un ventilateur à pales brasse bruyamment l'air avant de disparaître dans les cintres ; depuis sa cabane, Sieglinde assiste à l'arrivée de Siegmund à grand renfort de mimiques exaltées.

La suite n'offre pas de scènes particulièrement marquantes : l'épée de papa est accrochée à la spirale métallique et Siegmund l'enlève sans plus de difficultés que l'invité d'un cocktail arracherait des dents une saucisse de sa pique ; clou du spectacle, la baraque s'envole vers les cintres, laissant place à un tas de vieux bouquins dont quelques feuilles volent sous l'effet d'une soufflerie.

Le deuxième acte est plus amusant. Brünnhilde descend des cintres par une échelle côté jardin (dispositif utilisé dans Rheingold). Ficelée par un câble, la pulpeuse Lisa Gasteen lève la jambe en hurlant joyeusement : on pense à une pom-pom girl géante égarée dans un concours de saut à l'élastique. Après s'être détachée, la walkyrie gambade sur scène, hilare, sautillant comme une starlette de Broadway, à la grande joie du public d'où fusent des rires bruyants.

Après "La Mélodie du Bonheur ", nous passons à "Scènes de ménage dans un supermarché" en retrouvant Wotan et Fricka toujours aussi prosaïques, dans un affrontement qui manque de force et même d'humour.

Le duo avec Brünnhilde lui succède ; on comprend que les vieux bouquins entrevus à l'acte précédent figurent les innombrables traités auquel le dieu est soumis.

La scène finale est un peu confuse dans la pénombre et se conclut par Wotan qui brise son épée en coupant la fameuse échelle.

Le dernier acte nous confronte au "Retour des Morts-Vivants" : tachées de sang, les traits torturés, les walkyries semblent de fait tout droit sorties d'un film d'horreur ; une idée assez juste puisqu'on les voit rassembler débris humains ou équins pour redonner naissance à de nouveaux héros (1). Pour tout décor, un gigantesque mur blanc pivotant autour duquel Wotan et Brünnhilde jouent à cache-cache. L'acte s'achève avec un effet particulièrement spectaculaire : une coulée de (vrai) feu descend progressivement le spaghetti métallique, embrasant progressivement la scène.

Vocalement, le bilan est assez mitigé.

Jorma Silvasti a le format d'un Siegmund au timbre clair, au volume vocal largement satisfaisant et c'est un bon acteur ; malheureusement, la voix a tendance à chevroter et à s'amenuiser dans le haut de la tessiture.

A condition de ne pas trop penser aux références de l'âge d'or du chant wagnérien, Katarina Dalayman est une Sieglinde particulièrement convaincante, engagée dramatiquement, à l'aise sur la tessiture même si l'on aimerait des aigus un peu plus sonores et un timbre plus riche.

Rosalind Plowright ne démérite pas non plus vocalement en Fricka, du moins dans la partie centrale de la tessiture ; son jeu dramatique est fin et étudié, mais sans doute un peu trop humain : on a du mal à voir en elle la gardienne des valeurs sacrées (mais la faute en incombe à la direction d'acteurs).

Le public parisien découvrira Lisa Gasteen en Isolde la saison prochaine. Malgré le ridicule de la mise en scène en ce qui la concerne, sa Brünnhilde est attachante, la voix est bien conduite, pas très puissante, le style un peu trop anglais, mais le timbre intéressant. Les aigus ne sont pas son fort et à cet égard, le début de l'acte II se révèle éprouvant pour l'oreille. Un mélange donc d'indéniables qualités et de quelques défauts qui pourront être corrigés avec le temps.

Après un deuxième acte plutôt laborieux, Bryn Terfel est annoncé souffrant au lever de rideau de l'acte III : impossible dans ces conditions de juger de son Wotan qu'il termine tantôt parlé, tantôt murmuré et toujours transposé (quand il ne se tait pas tout simplement) ; une expérience assez pénible pour le spectateur, surtout quand il songe au prix de son billet. Il y a quand même des moments où une doublure s'impose...

La direction d'Antonio Pappano est toujours aussi élégante, refusant clairement le spectaculaire, mais manque passablement de tension. Compte tenu des conditions d'exécution de la représentation, il ne semble pas raisonnable non plus d'émettre un jugement définitif sur ce travail.

A charge de revanche.
 
 

Placido CARREROTTI
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Notes

1. Sous forme de projection vidéo, un beau guerrier blond monte vers les cintres une fois reconstitué par les guerrières ; on retrouvait une idée similaire dans la production précédente : les divers bras, jambes, torses étaient jetés dans un fourneau ; celui-ci explosait en laissant apparaître un solide gaillard !

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