C O N C E R T S
 
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MARSEILLE
20/05/2007
 
Brünnhilde (Janice Baird) / Wotan (Albert Dohmen)
 © Christian Dresse

Richard WAGNER (1813-1883)


DIE WALKÜRE


Drame musical en trois actes
Texte et musique de Richard Wagner

Mise en scène, Charles Roubaud
Assistant, Jean-Christophe Mast
Dispositif scénique, Michel Hamon
Réalisation vidéo, Gilles Papain
Costumes, Katia Duflot
Lumières, Marc Delamézière

Brünnhilde, Janice Baird
Sieglinde, Gabriele Fontana
Fricka, Sally Burgess
Wotan, Albert Dohmen
Siegmund, Torsten Kerl
Hunding, Artur Korn
Gerhilde, Jialing-Marie Zhang
Helmvige, Mihaela Komocar
Ortlinde, Sandrine Eyglier
Waltraute, Anne Salvan
Rossweisse, Svetlana Lifar
Siegrune, Elena Gabouri
Grimgerde, Lucie Roche
Schwertleite, Valérie Marestin

Orchestre de l’Opéra de Marseille
Direction musicale, Friederich Pleyer

Marseille, 20 mai 2007

Ni dieu ni homme


Née des légendes germaniques et scandinaves, la tétralogie wagnérienne dérive tout autant du théâtre grec de l’antiquité. C’est particulièrement sensible dans La Walkyrie, où les actes passés de Wotan ont pour conséquences tragiques la mort de son fils et la déchéance de sa fille préférée. A cet égard, la production présentée à l’Opéra de Marseille en clôture de saison met le spectateur en prise directe avec le drame, qui n’est soumis à aucun mauvais traitement, et les thèmes du bonheur, de l’amour, de la responsabilité et de la liberté qui tissent les émotions des personnages nous sont accessibles dans une immédiateté bouleversante.

Ce résultat est atteint d’abord grâce à la réalisation scénique. Auteur d’une Walkyrie somptueuse et spectaculaire en 1996, Charles Roubaud allait-il se renouveler ? Faisant de nécessité vertu, avec un budget très inférieur, le metteur en scène marseillais réussit l’exploit non de faire aussi bien mais de faire mieux. Foin d’accessoires, d’épées, de lance, de chêne ou de chevaux. Venus des cintres ou des coulisses, des panneaux de tailles et de formes différentes composent la hutte de Hunding ou la plateforme où se réunissent les Walkyries. Ces éléments qu’un geste de Wotan suffit à modifier sont colorés et/ou animés par des projections vidéo qui révèlent la structure en coupe de l’arbre absent ou des coquillages fossiles évoquant les âges anciens, le monde souterrain, ou encore une paroi rocheuse aussi tourmentée que les personnages. Sur le plateau nu, à l’exception au troisième acte de l’estrade-tertre où Brünnhilde reposera, rien ne distrait des échanges et ainsi, paradoxalement, naît une impression d’intimité qui en exalte l’intensité.


Wotan (Albert Dohmen) / Brunnhilde (Janice Baird)
 © Christian Dresse

Evidemment la réussite tient aussi aux chanteurs, dont les qualités vocales vont de pair avec l’engagement dramatique. Ils font vivre les personnages en situation : émouvants jumeaux, jouets malgré eux par l’histoire et les trahisons de leur père ; Hundig entier ; Fricka rigide et amère ; Wotan contradictoire et sur la pente de la défaite ; Brünnhilde enthousiaste et désespérée. Première en scène, Gabriele Fontana est une Sieglinde touchante et juste ; hormis quelques tensions dans le duo du premier acte, la voix semble avoir retrouvé sa plénitude et la musicalité est toujours au rendez-vous. Qualité partagée avec le ténor Torsten Kerl, véritablement exemplaire de tenue, de vaillance (l’appel au Wälse) et d’élégance, un grand Siegmund. De même, excellente prestation d’Artur Korn, Hunding lui aussi musical et plein d’autorité, à la belle voix de basse chantante.

La Fricka de Sally Burgess est sanglée dans une robe de satin impeccablement coupée qui traduit déjà la rigidité de ses principes, mais dont les reflets expriment peut-être aussi la diaprure des sentiments à l’égard de Wotan. Son chant est net et clair, peut-être un peu trop, mais le personnage n’est pas la virago conventionnelle. Albert Dohmen maîtrise dans son interprétation toutes les facettes de ce dieu tellement humain ; il est ce héros tragique rejoint par son passé et perdant du coup la maîtrise de l’avenir. Vocalement sans la moindre faiblesse, son Wotan émeut et subjugue. Quant à sa fille préférée, l’entrée de Janice Baird nous fit trembler : où était la Walkyrie glorieuse entendue naguère dans Le Crépuscule des Dieux ? Après un temps d’échauffement, nous avons eu droit à un troisième acte splendide d’assurance et de maîtrise vocale. On sait en outre que la cantatrice est agréable à regarder et cela ne gâte rien. On peut cependant regretter le bustier et la coiffure, qui, plus encore que pour ses sœurs, la font ressembler à un clone de Kim Basinger.


Sieglinde (Gabriele Fontana / Siegmund (Torsten Kerl)
 © Christian Dresse

Et l’orchestre ? Chez Wagner, il n’est pas un simple accompagnateur mais un personnage essentiel, qui détermine tous les autres. Au lendemain de la première, les comptes rendus fustigeaient les musiciens de l’Opéra de Marseille. Cela les a-t-il stimulés ? En tout cas aucune des catastrophes annoncées ne s’est produite, et si parfois manquaient la vibration et les raffinements requis par l’écriture exigeante, la prestation de ce dimanche a semblé marquée par le désir de faire au mieux, tant pour les cordes que pour les vents. La direction experte de Friederich Pleyer a su en tout cas brider les volumes et jamais la fosse n’a mis en danger le plateau, ménagé jusqu’aux dernières mesures tandis que les flammes élevaient leur rempart autour de celle qui avait été la Walkyrie sous l’œil désolé de Wotan.
 
Le rideau tombé sur cette dernière image saisissante, d’interminables ovations et applaudissements scandés ont salué les interprètes, visiblement heureux, comme leur public.



Maurice Salles
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