C O N C E R T S
 
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BORDEAUX
04/06/2006
 
© Frédéric Desmesure
Jules Massenet (1842 - 1912)

WERTHER

Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux (1892)
Livret d’Edouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann
D’après le roman de Goethe

Mise en scène : Jean-Louis Pichon
Décors : Alexandre Heyraud
Costumes : Frédéric Pineau
Lumières : Michel Theuil

Werther : Gilles Ragon
Albert : David Grousset
Le Bailli : Christian Tréguier
Schmidt : Ivan Matiakh
Johann : Jean Ségani
Charlotte : Lola Casariego
Sophie : Henrike Jacob

Orchestre National de Bordeaux Aquitaine
Chœur d’enfants du conservatoire National
de Région Jacques-Thibaud

Direction musicale : Pascal Verrot

Bordeaux, Grand-Théâtre, le 4 juin 2006, 15h

Les souffrances du jeune critique


On a souvent accusé Massenet d’avoir, avec Werther, réduit le monde de Goethe à un service de thé en porcelaine. Le reproche est d’autant plus fondé qu’il souligne la fragilité de cette musique. Il faut pour l’interpréter une délicatesse basée sur l’art du chant, ses nuances, et sur la science des mots, essentielle d’une manière générale dans l’opéra français. En ce sens, la production de l’Opéra de Bordeaux ne satisfait pas totalement.

Car d’une part le texte est souvent inintelligible. La critique, si elle s’adresse à tous, concerne en premier lieu Lola Casariego, Charlotte compassée dont le langage tient du sabir. Les « r » engloutis, les syllabes avalées privent les répliques de sens et d’émotion. Un défaut de projection complique encore l’articulation pour finalement composer un portrait bien décevant. Seul l’aigu rayonne. 

D’autre part, l’orchestre, conduit à grand renfort de lyrisme par Pascal Verrot, pousse les chanteurs au-delà de leurs limites, dans un registre forcé où chaque note est lancée à pleine voix quand elle devrait être modulée. Gilles Ragon en supporte le premier les conséquences : son Werther manque indéniablement de demi-teintes ; malgré un engagement irrécusable, la fièvre qui l’habite ne se propage pas. Et si souffrance il y a, elle se trouve moins dans l’expression que dans la difficulté de rendre justice à un rôle entre tous exigeant.

La partition réserve une place réduite aux autres personnages. Les compères Johann et Schmidt, ici brossés à gros traits par Ivan Matiakh et Jean Ségani, présentent un intérêt plus que relatif. L’inquiétant bailli de Christian Tréguier, la Sophie un peu mûre de Henrike Jacob, le noble Albert de David Grousset ne font que passer.

Aussi, à partir du moment où les deux protagonistes ne remplissent pas les conditions attendues, il devient difficile de succomber aux charmes de l’œuvre, bouleversante pourtant au disque ou en d’autres lieux.
Et la meilleure des mises en scène n’y peut rien. Celle de Jean-Louis Pichon se contente d’obéir à la convention. Seuls les décors et les lumières - superbe dune de sable noir plantée de roseaux où gît le cadavre blanc de Werther - enchantent vraiment.

Au final pourtant, le public, clairsemé en cette matinée trop estivale pour s’enfermer dans une salle, applaudit avec enthousiasme. Preuve, si il en est besoin, que la critique est subjective et que le proverbe ne ment pas quand il affirme : autant d’hommes, autant d’avis.



Christophe RIZOUD


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