C O N C E R T S 
 
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MONTE CARLO
27/03/05
Carol Vaness
© DR
WERTHER

Jules MASSENET

Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux d´après Goethe
Poème de Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann
Créé le 16 février 1892 à l´Opéra impérial de Vienne

Werther : Ramon Vargas
Charlotte : Carol Vaness
Albert : Marc Barrard
Sophie : Cinzia Forte
Le Bailli Michel Trempont
Johann : Jean-Luc Ballestra
Schmidt : Laurent Chauvineau
Käthchen : Gabriele Neugebauer
Bruhlmann : Thomas Dear
Direction musicale : Emmanuel Villaume
Chef de choeur : Pierre Debat

Les Petits Chanteurs de Monaco
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Version de concert 

dimanche 27 mars 2005

Werther en version de concert ? Et pourquoi pas ? Les visions de Weitzlar en carton-pâte sont tellement courantes - et souvent grotesques - qu'un peu d'épure pour cette partition ne pouvait nuire à personne. 

On peut facilement imaginer qu'en ce dimanche pascal, une tension singulière flottait dans l'immense Auditiorium Rainier III. Toutes les pensées allaient bien sûr au chef d'Etat monégasque. Au gré de l'oeuvre, des prénoms comme Charlotte, Albert, l'appel du Poète au Père prenaient soudain une dimension, un relief particulier.

Avouons-le bien bas toutefois, Werther n'est pas l'immense chef-d'oeuvre qu'on voudrait bien nous faire croire. On a souvent prétendu que Massenet avait "réduit le monde de Goethe à un service de thé en porcelaine"... En fait, ici, tout ce qui concerne le rôle-titre ou son amoureuse est parfait. C'est plutôt le contour qui est faible : le mari trop effacé, le Bailli sans envergure, la pétulante Sophie irritent... Et pourtant... Malgré toutes les réserves, les critiques, on adhère chaque fois, tels des masochistes, à cette musique morbide, à ce paroxysme des passions amoureuses. Même sans vie théâtrale, les personnages restent toujours comme étouffés, broyés par les carcans de la morale, la famille et la société. La mort apparaît soudain comme la seule délivrance.

Et si Massenet avait tout simplement voulu écrire son Tristan ? Tout comme Tristan, son héros meurt d'une blessure cachée ! Qu'il nous soit permis de poser la question.

Une fois soulignée l'excellence des seconds rôles (Michel Trempont en Bailli, Jean-Luc Ballestra et Laurent Chauvineau inénarrables en compères portés sur la Dive Bouteille) on s'arrêtera sur la délicate et pudique Sophie de Cinzia Forte, enfin rendue à son identité d'adolescente et non plus soubrette sur le retour.

Plaisir aussi de retrouver le sympathique Marc Barrard, Albert tout de noblesse et d'élégance, donnant à son personnage pourtant très convenu une force nouvelle, un impact vocal et dramatique réjouissants. Tour de force de cet artiste : rompre avec l'image habituelle du bourgeois obtus et rancunier pour y révéler, finalement, une figure essentielle du drame dans ses brèves interventions. 

Impossible d'adresser un reproche sérieux aux deux protagonistes. Hautement racée, cornélienne, sorte de Madame Bovary soumise et résignée, avec ce je ne sais quoi de rêveur et d'insatisfait, un sens aigu du pathos, la soprano américaine Caroll Vaness rend à Charlotte sa vraie dimension vocale dans un français et une diction simplement exemplaires. Une superbe prise de rôle.

Ramon Vargas, généreux et solaire, délivre de bout en bout un chant d'amour et de mort à la fois nostalgique et victorieux, séducteur et chaleureux. Même privé de vie scénique, Werther est là, avec, dès son entrée en scène, le goût de l'échec, cette complaisance dans la douleur, cette attirance suicidaire dans un sommet émotif insoupçonné.

Nous nous arrêterons un peu plus longuement sur la direction d'Emmanuel Vuillaume. A la tête de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, le Strasbourgeois décape totalement la partition et fait de Werther - oeuvre sirupeuse à souhait - un grand poème romantique aux teintes fortes, aux tensions dramatiques intenses. Un élan qui fait chaud au coeur et régénère la musique de Massenet qui retrouve ainsi la violence mais aussi la sensibilité, le charme et la spontanéité dont elle ne devrait jamais se départir.

Au risque de heurter les amateurs d'un style plus "opéra-comique". C'est ignorer que l'ouvrage possède la dimension et l'emphase du grand opéra.
 
 

Christian COLOMBEAU
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