C O N C E R T S
 
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NICE
19/01/2006
 
Rolando VILLAZON - Marie-Ange TODOROVITCH
© Ville de Nice

Jules MASSENET (1842-1912)

WERTHER

Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux
Livret d’Edouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann

Mise en scène, Paul-Emile Fourny
Décors, Charlie Mangel
Costumes, Véronique Bellone
Eclairages, Patrick Méeüs

Werther, Rolando Villazon
Charlotte, Marie-Ange Todorovitch
Albert, André Cognet
Le Bailli, Michel Trempont
Sophie, Valérie Condolucci
Schmidt, Jairo Nunez Diaz
Johann, Jean-Luc Ballestra

Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice
Chef du chœur Philippe Négrel

Orchestre Philarmonique de Nice
Direction musicale, Patrick Fournillier

Nice le 19 janvier

Pas de quoi se tirer une balle

Plus une place de libre pour la dernière des quatre représentations données à l’Opéra de Nice du Werther de Massenet. La présence à l’affiche du ténor mexicain Rolando Villazon y était sûrement pour beaucoup, mais le spectacle avait d’autres atouts, à commencer par le chef d’orchestre, Patrick Fournillier.

On sait que depuis des années il participe à l’entreprise de redécouverte et de réhabilitation de l’œuvre de Massenet, dont il est devenu un des meilleurs spécialistes. C’est dire que sa présence permettait d’attendre une exécution où cette musique, parfois taxée de facilité ou de mièvrerie, serait servie avec le soin, le respect, la ferveur nécessaires pour en exalter l’impact sans la rendre sirupeuse ou indigeste. L’espoir n’a pas été déçu ; cette grande soirée pour l’orchestre rejoint dans notre mémoire le merveilleux Thaïs – musicalement parlant- qu’y dirigea Yves Abel voici une dizaine d’années,où la qualité des pupitres unie à leur cohésion déploie limpidité et lyrisme dans un parcours sans à-coup.

Le versant théâtral, lui, a été moins heureux. Sans doute une honnête illustration nous semble préférable à une transposition extravagante, mais le décor du premier tableau, avec ces frondaisons grises qui contaminaient l’éclairage et privaient l’espace de la lumière d’été qui participe à l’exaltation de Werther ne créait pas d’emblée le climat favorable. Le choix de l’époque romantique, 1830-1840, permet de jolies toilettes pour les femmes, mais pourquoi avoir affublé Charlotte de cette perruque rousse si peu en accord avec le teint mat de l’interprète ? Au troisième acte, ce n’est pas Albert qui envoie à Werther les pistolets, celui-ci s’en est saisi à l’insu de Charlotte. Or les didascalies, si on les respecte, suggèrent que la jalousie donne à Albert un rôle actif dans l’événement à venir et créent une atmosphère d’angoisse lorsque Charlotte s’élance à la poursuite du domestique chargé de remettre les armes à Werther. La solution choisie tend à affaiblir la scène.

Rolando VILLAZON - Marie-Ange TODOROVITCH
© Ville de Nice


Heureusement les chanteurs ont suppléé ces faiblesses et su, qui plus qui moins, communiquer l’émotion qui se dégage des personnages et des circonstances. Dans les rôles de Schmidt et Johann, Jairo Nunez Diaz et Jean-Luc Ballestra ont été efficaces, avec pour le second l’avantage d’une diction impeccable Valérie Condolucci est une Sophie gracieuse mais sans grand éclat. Michel Trempont, en Bailli savoureux, défie les années. L’Albert d’André Cognet manque de souplesse; était-il fatigué ?

C’était le cas pour Marie-Ange Todorovitch, qui n’assura la représentation qu’au prix de l’intervention d’un médecin en fin d’après-midi. Victime depuis plusieurs semaines d’une affection récidivante, elle ne pouvait donner à sa voix les couleurs que l’on connaît, et çà et là quelques tenues ont été abrégées. Mais grâce à sa technique et à son intelligence elle parvenait à donner de Charlotte une version mieux qu’honorable, et sa sensibilité faisait le reste, en particulier dans les deux derniers actes. Sans oublier qu’elle rendait perceptible toutes les nuances du personnage, grâce à son élocution sans défaut.

A propos d’élocution, justement, celle de Rolando Villazon n’était pas parfaite Pourtant ce n’est pas ce qui nous a le plus gêné, mais les passages où la voix est utilisée en force, avec un résultat peu convaincant. Certes, l’exaltation du personnage est là, qui explique ces montées en puissance, ces déchaînements vocaux qui correspondent à l’intensité croissante des sentiments, et de ce point de vue la composition, cohérente et crédible, emporte la conviction et force l’admiration . Mais ce sont les passages d’effusion pure qui font le prix de ce Werther, au charme duquel on ne peut alors résister.

Le public, du reste, n’en avait pas l’intention, et du début à la fin de la représentation le ténor recueillit bravos et acclamations, avec évidemment un déchaînement au rideau final où ses partenaires recueillirent leur part de la jubilation inépuisable de spectateurs heureux.



Maurice Salles
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