OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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BRUXELLES
09/03/2008


 © Maarten Vanden Abeele
Alban BERG (1885-1935)

WOZZECK


Opéra en 3 actes (15 scènes)
Livret d’Alban Berg d’après Georg Büchner crée le 14 décembre 1925

Mise en scène : David Freeman
Scénographie et éclairages :Michael Simon
Costumes : Anna Eiermann

Wozzeck : Dietrich Henschel
Marie : Solveig Kringelborn
Le Tambour Major : Tom Randle
Andres : Marcel Reijans
Le Capitaine : Douglas Nasrawi
Le Docteur : Jan-Hendrik Rootering
Le Fils de Marie : Matthis Perreaux
Margret : Sara Fulgoni
Le premier artisan : Kurt Gysen
Le second artisan : Paul McNamara
Le Fou : Joshua Ellicott
 
Orchestre symphonique
chœur d’hommes et chœur d’enfants de la Monnaie
Mark Wigglesworth (direction)

Bruxelles, Théâtre Royal de la Monnaie, le 9 mars 2008

Wozzeck de luxe à la Monnaie


« Le metteur en scène David Freeman, qui est australien de naissance mais vit à Londres depuis près de trois décennies, est l’un des grands novateurs de la scène théâtrale internationale. Sa vision  audacieuse galvanise ses interprètes comme si elle provoquait une décharge d’adrénaline. Ceux qui, avec sa mise en scène de Wozzeck d’Alban Berg à la Monnaie, croisent son œuvre pour la première fois, découvriront cette fascinante énergie brute qui captive et déroute tout un chacun ». Ces mots, tirés du programme de cette nouvelle production bruxelloise, résument idéalement la mise en scène de Freeman, qui nous plonge dès les premières mesures au cœur du drame.

En guise de décor, une scène recouverte de terre. Rien d’autre. Rien d’autre, si ce n’est la lumière, qui suffit à elle seule à évoquer les différentes atmosphères de l’œuvre, à structurer l’espace et à révéler les sentiments et les émotions des protagonistes. La direction d’acteurs va quant à elle directement à l’essentiel, montrant toute la brutalité, bestiale ou érotique, jalouse ou schizophrénique, des personnages.

Mais cette mise en scène ne serait rien si les chanteurs ne parvenaient à la jouer à la perfection. Car le véritable point fort de cette production est son excellente distribution. Wozzeck est chanté (et joué) par Dietrich Henschel, hallucinant de présence scénique et vocale. S’il peine parfois dans les notes les plus graves du registre du rôle, son timbre, sa maestria et son jeu d’acteurs impressionnent tout au long de la représentation. Son charisme impérial n’écrase pas ses partenaires mais les met toujours en valeur. C’est là toute l’intelligence et l’humilité d’un des plus grands chanteurs de notre temps. Il est un Wozzeck inquiétant, jusque dans ses silences. Un seul de ses regards suffit à comprendre la détresse dans laquelle se trouve son personnage. Magistral.



Magistrale également, Solveig Kringelborn incarne une Marie à la fierté et à la vulgarité savamment dosées. Douglas Nasrawi est un Capitaine digne de tous les superlatifs (quels aigus !), tandis que Tom Randle campe un Tambour-Major idéalement conquérant. L’imposant Jan-Hendrik Rootering est un excellent Docteur, même si le grave de sa tessiture est parfois couvert par l’orchestre.

Dans la fosse, Mark Wigglesworth rassure. Le futur directeur musical de l’opéra bruxellois avait unanimement déçu la critique dans un Mitridate de Mozart donné en ces lieux il y a quelques mois de cela. On pouvait donc craindre le pire pour ce Wozzeck que l’on aurait aimé voir confié à Kazushi Ono, grand spécialiste de ce genre de musique tendue à l’extrême. Mais Wigglesworth parvient à gérer le flux orchestral de l’œuvre avec intelligence. Il dirige un Orchestre Symphonique de la Monnaie, rompu à ce genre de répertoire, avec une intelligence dramatique certaine. Il arrive à doser les déferlantes sonores, ne laissant véritablement exploser le tout que dans la scène 4 de l’acte 3, autrement dit la noyade de Wozzeck. Pour le reste, il fait en sorte que les paroles soient parfaitement intelligibles. Pari réussi puisqu’il est  presque possible de suivre l’entièreté du spectacle sans recourir au sur-titrage. Une grande réussite théâtrale et musicale qui s’intéresse à la substance de cet opéra, laissant toute forme de fioriture au placard. Que demander de plus ?


Nicolas DERNY

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