C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
Turlough O’CAROLAN (1670-1738)


CAROLAN’S DREAM

Traditionnels et compositions de O’Carolan

Garlic Bread
Le Concert de l’Hostel-Dieu

1 CD Calliope, CAL 9376



Rêves d’ailleurs


Franck-Emmanuel Comte est un garçon singulier. Un chef sincère ; qui fait des choix ; qui les assume. Mieux, qui les défend. Comte fouine dans les bibliothèques ; Comte joue Charpentier, Vivaldi, Mozart, Bach – dans le désordre et sans être exhaustif. Mais Comte dirige aussi Turlough O’Carolan ! C’est peu fréquent…

Dans l’interview qu’il avait donné dans ces colonnes, Franck-Emmanuel Comte avait abordé la question de ce projet « Carolan ». Lui qui prône la couleur, la liberté, l’esprit plutôt que la lettre, le partage – surtout – nous avait expliqué, alors, que son rêve était qu’en sortant du concert qui a préparé cet album, le public ait envie de danser.

Il est vrai qu’il nous emmène vers des rivages auxquels nous avons peu l’habitude d’aborder. Des rivages nimbés de ces brumes du Nord qui favorisent si bien et le rêve et la nostalgie – les deux étant toujours, plus ou moins discrètement, présents ici, comme un moteur vaguement neurasthénique où la danse, justement, n’est jamais complètement innocente.

Mais qui est Turlough O’Carolan ? Un autre Ossian – mais, lui a existé avec certitude. Un barde en somme, aveugle – ça ne s’invente pas – harpiste, qui arpenta l’Irlande et laissa derrière lui un corpus oral qui fut vite retranscrit par son fils et ses amis. Il en résulte 220 chansons dont la première édition parut en 1748.

O’Carolan, aussi, était apparemment un drôle de garçon. Caractère bien trempé et humour délicatement noir – pour mémoire, son Lament for Charles MacCabe est le résultat d’un canular d’un goût douteux autour de la mort d’un camarade ! Anti-Français aussi – il en faut bien, et l’époque n’en manquait pas ! – comme en témoigne son Miss Mac Dermott. Furieux admirateur de la musique de Vivaldi ; et de celle de Corelli, aussi, dont la Folia est ici citée comme un clin-d’œil à plusieurs sens.

Comte – car il faut bien y revenir – réussit, avec tous ces ingrédients et dans cette conversation avec O’Carolan un modèle de cross-over, à la croisée de la musique gaélique et du baroque ; des rires et des larmes ; de la danse et de la mort. Cela en renouvelant nos habitudes d’écoute, en nous exposant à des sons, à des harmoniques surprenantes ; nous obligeant par-là même à tendre l’oreille. Avec toujours la qualité introspective, réfléchie, qui s’attache à sa baguette – quelle Fairy Queen ; avec le soin, aussi, apporté aux arrangements de la tarentelle de la plage 2 ; avec la saveur du Mary O’Neill initial, ses rythmes ardents, ses percussions festives, ses flûtes dans lesquelles passent tant de mirages, ses cordes rugueuses – et la plage 4, n’en parlons pas ! Bref, si l’on en doutait encore, il est possible de faire populaire sans faire vulgaire – ce qu’il est toujours bon de rappeler !

Il y a, dans ce disque qui est une découverte continue, roborative, de quoi faire de nous autant de « voyageurs immobiles »… pour reprendre une expression qui n’est pas de moi !


Benoît BERGER




Commander ce CD sur Amazon.fr
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]