Luisa Mandelli : « J’ai chanté avec Maria Callas. »

   Propos recueillis par Maurice SALLES
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Dans la version de La Traviata enregistrée en 1955 sous la direction de Carlo Maria Giulini avec l’orchestre et les chœurs de la Scala, et mise en scène par Luchino Visconti, Maria Callas était Violetta. A ses côtés, Luisa Mandelli était Annina...

Aujourd’hui, Luisa Mandelli vit à Milan, où elle est pensionnaire de la Casa Verdi, cette fondation créée par le compositeur pour assurer un refuge tutélaire aux artistes qui, l’hiver de leur vie venu, se retrouvent fort dépourvus. Elle a conservé à près de 85 ans une candeur qui fait le charme de cette passionnée de belles voix. Elle semble avoir traversé un milieu souvent délétère sans y perdre rien d’une fraîcheur qui lui permet d’évoquer ses partenaires plus connus sans céder si peu que ce soit aux tentations des commérages. Alors qu’elle prépare pour le 16 septembre une messe à la mémoire de Maria Callas, elle a bien voulu nous adresser un court témoignage sur son illustre consoeur. Que les amateurs de venin ou de scandale passent leur chemin : aucune révélation, pas d’anecdote juteuse. Juste l’affirmation d’une affection profonde pour une personne qui en était digne.

« Je l’ai connue et je lui fus proche sur la scène. On en a tellement parlé, à propos et hors de propos, mais, faisant partie de ses amis et admirateurs de Milan, elle a été un être exceptionnel par tout ce qu’elle a su donner avec son chant.
Personnellement je trouve que si trente ans après sa disparition ses admirateurs du monde entier se souviennent d’elle avec la dévotion que j’ai constatée personnellement, cela veut vraiment dire qu’elle était réellement exceptionnelle.
Je crois qu’elle ne l’a pas été seulement par ce qu’elle a donné avec son chant, mais aussi par ce qu’elle a su vivre, démontrant que la grandeur de la vie existe aussi dans la souffrance et que c’est même justement à travers celle-ci que l’on parvient à donner à ceux que l’on aime, et ainsi à son public.
Un grand poète, écrivant sur Verdi, en vint à dire : « Il pleura et aima pour tous » ; aujourd’hui permettez-moi d’affirmer que Maria Callas chanta, aima, souffrit pour tous ceux qui croyaient dans son art et au pouvoir de la musique et du chant.
Par son chant elle révolutionna la vocalité féminine. Dans La Traviata de 1955 je lui étais particulièrement proche dans le rôle d’Annina, et elle, au dernier acte, priait pleine d’amour avec moi, disant l’Ave Maria (*). J’avais un petit rôle, mais j’aimais tous mes partenaires, et particulièrement Maria. En chantant je crois avoir réussi à exprimer la simplicité et la douceur que mon personnage demandait. Avec ce rôle et à ses côtés je suis donc entrée dans l’histoire du Théâtre.

Un après-midi en 1973, je la vis arriver en compagnie de Giuseppe di Stefano. Ils venaient acheter des partitions. Quand elle m’aperçut, elle me reconnut immédiatement et me dit « Tu te souviens de notre gloire ? ». Je lui répondis « La vôtre, madame, pas la mienne ». C’est à cette occasion qu’elle me dédicaça affectueusement la photo du dernier acte de La Traviata où nous sommes ensemble.

Maria était une femme simple, sans calcul, même si la presse la dépeignait comme une personne capricieuse et hautaine. J’ajouterai qu’elle était bonne, parce que qui aime l’art et le chant comme elle les a aimés est un démenti aux critiques malveillantes.
Dans ses interprétations elle a donné le meilleur d’elle-même, par la variété des couleurs et la puissance de pénétration. Franco Soprano, musicologue, le soir du 16 septembre 1977, annonçant au monde la nouvelle de la disparition de Maria, la définit ainsi : LA DERNIERE DEESSE. »

Propos recueillis par Maurice SALLES


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