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LA VOIX DU TEMPS


Comme il arrive à tant d’hommes, l’auteur de ces lignes vieillit.

La décadence du corps commence. Des craquelures se mettent au coin des yeux. Les nuits se doivent d’être assez longues. Les journées pas trop. Les repas, à horaires réguliers L’âge est là.

L’esprit, lui, connaît le bel épanouissement des trentaines mûres. Quelque sérénité s’ajoute aux préoccupations des mortels. Un regard plus altier se pose sur les menues affaires de l’existence. Nous avons durci notre cuir au soleil implacable des épreuves.

Il est des êtres constants sur lesquels l’âge n’a pas de prise. Leurs goûts demeurent. Leurs idées persistent. Leurs croyances s’accrochent. Il y a là quelque chose comme une marmoréenne permanence qu’il n’est pas interdit d’envier, du moins lorsqu’elle ne nourrit pas une sentencieuse supériorité de mollusque pétrifié.

L’âge vient, et la musique est toujours là. Parfois l’une, parfois l’autre. Qu’on m’entende : je ne parlerai pas des variations de goûts propres à tout individu un tant soi peu en vie. Qu’hier on ait aimé à la folie les dieux de Wagner et que l’on préfère aujourd’hui les petites femmes de Puccini, ou bien l’inverse, quoi de plus ordinaire ? L’un aura découvert Alban Berg après n’avoir jamais prêté attention qu’à Jacques Offenbach, l’autre se fera monteverdien après longtemps avoir été beethovénien. Tout cela n’a rien de surprenant ni d’inhabituel.

Mais l’âge vient, et au cœur de la musique, quelle qu’elle soit, c’est autre chose qui soudain nous parle. Une voix, une rumeur de fond, qui ne laissait guère jusqu’ici percevoir, et que soudain notre oreille – notre âme – capte mieux. L’âge fait ses réglages. Le temps fait taire les interférences.

Et qu’entendons-nous désormais au cœur de Monteverdi, de Schubert, de Mozart, de Brahms, de Scarlatti, de Ravel ? Quel est ce susurrement qui nous parvient auquel jamais nous n’avions pris garde ?

C’est, comment dire, le chuchotement d’une présence.

Quelqu’un est là qui n’est ni le personnage, ni l’interprète, ni même le compositeur compris dans son acte pur de création. C’est autre chose. C’est quelqu’un d’autre. C’est un mystérieux semblable, cerné de silence et de vide. C’est une essence qui prend forme et chair, et s’adresse à nous par-delà la forme et la chair. S’adresse à nous pour nous parler de rien et de tout. Du vent dans les arbres et de la douleur du monde. Du parfum des églantiers et de la félicité des jours.

Quelqu’un nous parle qui n’est pas nous mais qui de nous sait tout.

Dans la musique, soudain, j’entends la voix du Temps.

Sylvain Fort
Rédacteur en chef

 
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