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un dossier proposé par Camille De Rijck

 
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Méthode de la basse-bouffe
par Camille De Rijck


Fernando Corena en Dottore Bartolo - 1954


Dans son article consacré à la voix de ténor, Bernard Schreuders mettait en avant cette phrase de Framery : "la connaissance de la valeur exacte des mots est peut-être la clé la plus importante de toutes les sciences. Aucune d'entre elles n'a une nomenclature aussi vicieuse que celle de la musique." Disons-le d'emblée, la basse bouffe à laquelle nous nous intéressons dans cet article est une catégorie vocale fantasque, pour ne pas dire inexistante. Elle regroupe sous sa terminologie des catégories vocales oxymores comme la basse chantante et le baryton lyrique. S'il fallait à tout prix qualifier le terme "basse bouffe" nous dirions - en toute simplicité - qu'il s'agit d'une voix grave qui s'illustre par son sens de la comédie, en gros : une basse - ou baryton - de caractère. Voici une liste non exhaustive des basses-bouffes qui ont - à notre avis - marqué l'ère discographique. 

Carlo Badioli

Vieille basse-bouffe routinière, Carlo Badioli a su donner à ses quelques apparitions au disque (furtives, en général) un certain charme qui aujourd'hui a gardé de sa douceur. Ainsi son Don Geronimo du Matrimonio Segreto - qui pourtant n'a rien de fulgurant - n'a pas encore été égalé à ce jour. Pourtant Dieu sait si de grands noms s'y sont attaqués, de l'extraordinairement déplacé Dietrich Fischer-Dieskau à l'étonnamment décevant Enzo Dara. Quelques autres témoignages discographiques permettent de se délecter de ce timbre éteint encore joliment ensoleillé : deux Benoîts (la Bohème), un Marquis de Boisfleuri (Linda di Chamounix), un Sancho (Don Quichotte - Massenet) et une poignée de Sacristains (Tosca). Preuve que l'histoire a oublié Carlo Badioli, malgré nos recherches dans de nombreux ouvrages de référence et sur le net, il a été impossible de mettre la main sur sa date de naissance. 

Giuseppe Taddei (1916)

Incontestablement, Giuseppe Taddei est un des barytons les plus importants du siècle dernier. Avec près de cinquante intégrales à son actif et une carrière de plus de soixante ans (débuts en 1936 à Rome dans Lohengrin, dernière apparition marquante : un concert pour ses 80 ans en 1996 où il fit montre - dit-on - d'une vaillance vocale inouïe) il est sans conteste un des super héros de l'ère discographique. Ajoutons à cela qu'il a chanté avec les plus grandes (Callas, Sutherland, Schwarzkopf, Bartoli…) ainsi qu'avec les plus grands (Pavarotti, Domingo, Alva - non là c'est pour rire) sans oublier les chefs : Böhm, Abbado, Karajan, Giulini. Il commence sa carrière au disque quatorze ans après sa première apparition sur les planches, en 1950, quand la Rai l'engage pour chanter Figaro dans le Barbier de Séville de Rossini aux côtés de Giulietta Simionato. Dès lors, il sera une des figures incontournables de ces légendaires faux studios qu'enregistrait la Rai : en 1951 il est Don Carlo dans Ernani, en 1952 Marcello dans La Bohème, en 1953 le rôle-titre de Rigoletto, également en 1953 Sharpless dans Madama Butterfly et le rôle-titre de Don Giovanni. Entre-temps, on le voit au Palais des Beaux-Arts de Mexico chanter Germont aux côtés de Maria Callas et de Cesare Valetti (un de ses partenaires privilégiés dans les années cinquante). Cet enregistrement sera de nombreuses fois réédité, en dépit de sa qualité sonore décourageante. Entre 1953 et 1956, on le voit dans une série de représentations qui deviendront plus tard des "live historiques", ainsi il est Papageno à la Scala avec rien de moins que Nicolaï Gedda, Elisabeth Schwarzkopf et Herbert von Karajan (et en italien - s'il vous plaît !), Scarpia à Naples, Le marquis de Boisfleuri de Linda di Chamounix, Carlo Gérard d'Andrea Chenier et le Comte de Nevers dans les Huguenots à la Scala. En 1956, il enregistre son premier studio en compagnie de Tullio Serafin qui lui fera également enregistrer Dulcamara dans l'Elisir d'amore. Ce n'est pourtant qu'en 1959 que sa carrière prend un envol considérable, lorsque Carlo Maria Giulini fait appel à lui pour chanter Leporello dans son Don Giovanni devenu légendaire (et continuellement réédité par EMI en full price depuis maintenant plus de quarante ans). Pourtant la critique n'est pas tendre avec lui, on lui reproche de charger Leporello de fioritures latines jugées vulgaires ; rien d'étonnant à une époque où triomphaient les versions germaniques des opéras de Mozart d'où s'échappait un léger parfum de naphtaline. Deux ans plus tard, Carlo Maria Giulini fait à nouveau appel à lui, pour les Noces cette fois. Figaro le met moins à l'aise que Leporello, pourtant le charme est là et ses duos avec Moffo sont immortels. L'enregistrement décevra beaucoup les critiques de l'époque… phénomène incompréhensible aujourd'hui à la simple lecture du casting : Schwarzkopf, Wächter, Cossotto, Moffo ! Le pied absolu ! La lancée continue ; en 1962, il est Guglielmo dans le deuxième Cosi fan Tutte officiel de Karl Böhm où il côtoie toujours Schwarzkopf, la même année il est Scarpia aux côtés de la Tosca explosive de Leontyn Price, deux ans plus tard il enregistre Macbeth avec Schippers, puis en 1965 il est un des "pagliacci" de Karajan, cette fois chez DGG ; s'ensuivent une série de très beaux live : en 1969, à la Fenice, il immortalise le rôle de Belisario aux côtés de Leyla Gencer, en 1971, toujours à la Fenice, il est à nouveau Leporello, en 1972, 73, 79 il aborde des rôles donizettiens aussi éloignés les uns des autres que Lusignano dans Caterina Cornaro, Don Annibale dans Il Campanello et Mama Agata (!) dans le Convenienze. 1980 marque l'année de son avant-dernier enregistrement studio : Falstaff avec les forces du festival de Salzbourg où il est entouré de deux générations qui se croisent (Christa Ludwig et Rolando Paneraï face aux jeunes Francisco Araïza et Janet Perry). Enfin, douze ans plus tard, il réalise son dernier enregistrement studio grâce au Metropolitan Opera qui lui offre dans Manon Lescaut le rôle de Geronte di Ravoir, pendant italien de Guillot de Morfontaine, où il croise rapidement une jeune mezzo romaine du nom de Cecilia Bartoli. De cette voix il y a énormément de choses à dire, à commencer par le fait que jamais Giuseppe Taddei ne s'est cantonné au simple emploi de basse bouffe, une lecture sommaire de son répertoire l'atteste. Cependant, à partir du début des années 70, on le voit s'installer au Wiener Staatsoper comme invité régulier, où il est énormément sollicité dans des emplois de caractère, un disque édité par l'institution viennoise permet d'ailleurs de goûter à son Dulcamara vieilli, à son Don Magnifico et à son Figaro mozartien. Voix chargée de soleil, comme l'écrivait Piotr Kaminski, porteuse à la fois de fragilité, d'espièglerie et de tendresse, Giuseppe Taddei passe à présent des jours heureux dans sa maison de Gênes. 

Cliquez-ici pour entendre Giuseppe Taddei dans son troisième air des Nozze di Figaro (Amsterdam, 1961- Giulini.)

Fernando Corena (1916 - 1984)

On ne dit - paraît-il - pas de mal des morts sans craindre de se faire hanter. Ayant pour les fantômes une phobie bien compréhensible, et persuadé que si Fernando Corena devait me hanter il déploierait des trésors d'imagination pour me rendre chèvre, je me contenterai de souligner - en vitesse - à quel point la voix de ce noble monsieur a mal vieilli. Ceci étant lancé, je me dépêche de rapporter le témoignage de spécialistes qui l'ont vu sur scène et qui - du haut de leur sagesse - déclarent ceci : "au lieu de suivre la tradition chargée du "perdant" ridicule et gauche, Corena inverse cette tradition, et restitue une ironie plus consciente, plus méchamment grotesque. Dans son chant, il y a quelque chose de corrosif, d'égratignant. Il est après Bruscantini le buffo le plus ardemment moderne du théâtre lyrique." 

Franco Calabrese (1923 - 1992)

Que retient-on de Franco Calabrese ? Il y a bien sûr sa participation au Turco in Italia de 1954 qui, grâce à la Fiorilla de Maria Callas, ne sera pas oublié de sitôt. Moins important, mais tout aussi distribué - sinon plus - pour des raisons analogues, son Cesare Angelotti de 1953 et enfin, son Conte Robinson du Matrimonio Segreto monté par Nino Sanzogno pour l'inauguration de la piccola Scala en 1957. Rien d'autre ? Pas vraiment, sinon quelques rôles secondaires dans des intégrales routinières : Douphol, Geronte di Ravoir, Montano, etc. 

Paolo Montarsolo (1923)

Frère du précédent (chose assez peu connue) et né à Portici (!), sa grosse voix aux lacunes techniques confondantes lui aura permis de prolonger sa carrière jusqu'à aujourd'hui avec un niveau artistique quasiment invariable. Est-ce une méchanceté ? Pas vraiment, car Paolo Montarsolo est de ces chanteurs qui - sur scène - n'ont pas besoin de chanter correctement pour se tailler une petite part de gloire. On soulignera donc son impressionnante verve comique qui le conduira sur toutes les grandes scènes mondiales et dans pratiquement toutes les maisons de disques. Avec le recul, il est difficile de goûter à ses interprétations discographiques, d'abord - évidemment - parce que la voix n'est pas fabuleuse, mais aussi parce que Montarsolo n'a pas su faire passer l'ironie délicate dont il affublait ses personnages à la scène. Dans bon nombre d'enregistrements, il est donc tristement routinier, ce qui entraîne le spectateur à se retourner vers les qualités vocales du personnage et là, le couperet tombe : voix blanche, abîmée (depuis toujours !) et manquant cruellement d'agilité. Quelques enregistrements sur le vif viennent pourtant témoigner de ses qualités, ainsi il faut entendre le public anglais hilare face à son Don Magnifico (un disque Gala reprend ces soirées merveilleuses où Claudio Abbado conduisait sous sa battue une Lucia Valentini-Terrani et un Enzo Dara au sommet de leur génie). Enfin - chose étonnante - on l'a vu s'illustrer également dans des rôles plus lourds, comme le Baron Ochs du Chevalier à la Rose (!) ou le docteur dans Wozzeck. Notons aussi rapidement quelques apparitions dans l'opéra contemporain, avec Nino Rota notamment dans une œuvre dont le titre nous enchante : La notte di un nevrastenico

Cliquez-ici pour entendre Paolo Montarsolo en duo avec Enzo Dara dans La Cenerentola (Londres, 1976 - Abbado.)

Enzo Dara (1938)

De tous les noms qui figurent sur cette liste, Enzo Dara est sans doute celui qui mérite le plus sa place. À plus de soixante ans, et même si son timbre a perdu un peu de sa superbe, il est par sa technique, et par sa verve comique, la plus grande basse-bouffe en activité. Son héritage discographique est incontournable et bon nombre de ses interprétations font aujourd'hui figure d'exemple. Qui eût cru, cependant, que cette voix taillée pour la comédie avait commencé par servir des rôles aussi inattendus que Sparafucile dans Rigoletto et que Klingsor dans Parsifal ! La carrière d'Enzo Dara prend son envol en 1974, quand il prend part à une des entreprises majeures de la Rossini-Renaissance : sur base d'une partition révisée par Philip Gosset et par le maestro Alberto Zedda, la Scala de Milan et son directeur artistique, Claudio Abbado, décident de monter un Barbier de Séville épuré de toute tradition grossière. Entouré de Teresa Berganza, de Paolo Montarsolo, de Hermann Prey et - hélàs - de Luigi Alva, Enzo Dara campe un Bartolo d'une virtuosité syllabique purement hallucinante. Il faut écouter pour cela son "A un dottor della mia sorte" dont la maîtrise déclamatoire laisse rêveur. Exit les basses allemandes et pataudes qui chantent Bartolo comme il devrait marcher, Enzo Dara fait du vieillard lubrique et incestueux un barbon plein de verve et de malice. En 1979, il est chez CBS un Taddeo épatant, entouré de l'Isabella inoubliable de Valentini-Terrani et d'un Mustafa qu'on se dépêchera d'oublier : Wladimiro Ganzarolli. Trois ans plus tard, il sauve du naufrage le premier Turco in Italia de Riccardo Chailly, handicapé par le désistement in extremis de Renata Scotto et par la prestation courageuse, mais relativement terne, de sa remplaçante, Montserrat Caballé. C'est tout de même dans cet enregistrement qu'on entendra le plus beau duo Turco / Don Geronio, car en matière de virtuosité il faudra se lever de bonne heure avant de trouver mieux que Samuel Ramey et Enzo Dara réunis. La même année, il signe chez CBS son deuxième Bartolo de studio, aux côtés cette fois d'une Rosina plus grave (Marilyn Horne) et d'un barbier aux accents italiens (Leo Nucci). Deux ans plus tard, il participe à la résurrection mythique du Viaggo à Reims, aux côtés de pratiquement tous les acteurs de la Rossini-Renaissance, dont on citera Claudio Abbado, bien sûr, mais aussi Lella Cuberli et Cecilia Gasdia, les étoiles filantes, qui en sont réduites - aujourd'hui - à enseigner (pour la première) et à se produire dans des spectacles douteux avec Andrea Boccelli (pour la seconde). En 1987, il est, toujours aux côtés d'Abbado, mais à Vienne cette fois, un Taddeo aussi superlatif que celui de CBS. Enfin, pour sa dernière collaboration discographique en date avec Claudio Abbado, il se coiffe à nouveau le casque à pointe du Barone di Trombonock du Viaggo à Reims dans la même production, transportée à Londres et qui connaîtra seulement quelques menus changement de casting. Entre-temps, on l'a vu enregistrer pour des firmes plus confidentielles telles que Bongiovanni, Nuova Era, Frequenz et la Cetra une série de rôles inhabituels et parfois même inédits au vingtième siècle. Ainsi il campe un Don Annibale hilarant dans il Campanello di Notte, un Bartolo toujours aussi comique, mais chantant du Paisiello et non du Rossini cette fois, le Marquis de Boisfleuri aussi, bien sûr, ainsi que le précepteur désabusé dans la rareté donizettienne L' ajo nell'imbarrazzo. Le dernier enregistrement studio qu'il ait fait remonte - déjà ! - à 1993 et fait probablement figure de légende dans l'histoire de la discographie. Cette Cenerentola - car c'est bien d'elle qu'il s'agit - est très certainement une des gravures les plus parfaites qui soit. Inutile de revenir sur la technique époustouflante des deux amants : Cecilia Bartoli et William Matteuzzi ; du Dandini d'Alessandro Corbelli nous parlerons plus tard. Enzo Dara fait de ses trois airs de purs instants de bonheur, il exécute le "Sia qualunque delle figlie" avec une aisance qu'aucun autre chanteur n'a jamais égalée. Une vidéo de la reprise américaine de ce spectacle existe chez Decca, elle atteste des talents incomparables de comédien d'Enzo Dara, de son bon goût, de son inventivité, de sa poésie ; tous ces éléments qui font de lui, même campant un père cruel et vénal, un personnage infiniment sympathique et attachant. 

Cliquez-ici pour entendre Enzo Dara dans l'air d'entrée de Don Geronio d'Il Turco in Italia (Gênes, 1987 - Maag.) 

Simone Alaimo (1946)

Homme comblé que ce Simone Alaimo : en 1978 il remporte coup sur coup les concours "Voce Verdiane" de Busseto et "Benjamino Gigli", double palmarès qu'on flanque d'un troisième titre deux ans plus tard quand il est le premier lauréat du concours "Maria Callas". Dès lors, sa carrière prend un envol considérable, carrière qu'il oriente tout naturellement vers le bel canto romantique et les rôles bouffe de Rossini. Basse à la voix claire et agile, formidable acteur doté d'un physique relativement heureux, il est tour à tour un poète névrosé dans le Torquato Tasso de Donizetti et un tyran musulman fanatique amateur de pâtes au ketchup dans l'hilarante production de l'Italienne à Alger d'Andreï Serban. À partir de 1981 donc, les propositions d'enregistrement affluent et il serait malhonnête de dire que Simone est une petite libellule fragile qui ne sait sur quel répertoire poser ses six pattes (l'image est belle, n'est ce pas ?), vu que dans son abondante discographie il n'est qu'une seule intégrale dont le compositeur n'est pas italien… il s'agit de Mayr, qui avec Paër a ouvert les portes au Bel Canto ! Quelques références discographiques intéressantes : Selim du Turco in Italia avec l'étonnante Sumi Jo (Philips), Dulcamara dans l'Elisire d'amore (Decca pour la direction d'Evelino Pido ou Naxos pour échapper au vibrato d'Angela Gheorghiu) et - bien sûr - Mama Agata chez Sarx. 

Cliquez-ici pour entendre Simone Alaimo dans l'air de Mustafa de l'Italienne à Alger (Nancy, 1990 - Carella.) 

Alessandro Corbelli (1952)

"Corbelli, c'est la technique d'Enzo Dara avec des aigus en plus" dirait-on si d'aventure nous devions en faire la réclame. Inutile cependant de mettre ces deux chanteurs en parallèle, vu qu'ils n'ont pas grand chose en commun et que leurs voix se marient assez bien. Alessandro Corbelli possède une des plus belles techniques de baryton-basse qu'il m'ait été donné d'entendre, la netteté avec laquelle il effectue ses trilles, sans user du falsetto et sans même alléger la voix, est prodigieuse, les aigus dont il gratifie certaines cabalettes sont du même ordre du prodige, et pour couronner le tout son timbre est d'une consistance qui manque à beaucoup de basses-bouffe. Il réalise son premier enregistrement à l'âge de 22 ans avec l'orchestre de la Rai Turin (Crispino et la commère de Ricci), cinq ans plus tard il entame ce qu'il convient d'appeler un lobbying corbelliste intensif qui consiste - en gros - à imposer sa présence dans absolument tous les enregistrements d'opéras bouffe de Rossini. Ainsi de l'Italienne à Alger il enregistrera Haly à deux reprises (Ferro 1979, Abbado 1987) et sera le Taddeo de Lopez-Cobos pour Teldec en 1997. Il est - je pense - le seul à avoir enregistré les trois rôles pour voix graves de la Cenerentola : Alidoro en 1980 avec Ferro, Dandini en 1992 avec Chailly et Don Magnifico en 1994 pour Lopez-Cobos. Du Turco in Italia, il ne sera que le Poète et Don Geronio, toujours avec Chailly en 1984, puis en 1997. Du Barbier il n'enregistrera que Bartolo pour Lopez-Cobos alors qu'il chante Figaro à la scène (il aurait assez avantageusement pu remplacer Thomas Hampson dans l'intégrale de Gianluigi Gelmetti). Il s'illustre également dans le répertoire mozartien, ses enregistrements réalisés sous les auspices bienveillantes de Sir Charles Mackerras sont de véritables petites merveilles, il est probablement le seul baryton à réaliser avec tant de netteté les vocalises du Comte Almaviva dans le "Hai gia vinta la causa". Quoi qu'il en soit, après plus de 25 ans d'une carrière exemplaire, la voix d'Alessandro Corbelli reste - plastiquement - intacte, n'ayant rien perdu ni de son timbre ni de sa technique. Gageons qu'intelligent comme il l'est, sa carrière dure encore de longues années, le temps de laisser aux gringalets sympathiques dont les noms suivront dans l'historique des basses-bouffes, le temps de se faire les dents. 

Cliquez-ici pour écouter Alessandro Corbelli en duo avec Enzo Dara dans Don Pasquale (Turin, 1988 - Campanella.)

Bruno Pratico

Malgré de longues recherches, il m'a été tout à fait impossible de mettre la main sur la date de naissance de Bruno Pratico. Peut-être m'y suis-je pris comme une nouille, mais le fait est qu'à l'heure où nous sommes (heure où les braves gens dorment, pour ma part), il m'est parfaitement impossible de mettre un âge sur cette figure sympathique du bel canto. Tâchons donc de nous concentrer sur l'interprète : dès 1986, Bruno Pratico devient un des poulains de l'écurie Bongiovanni. Il enregistre donc une floppée d'œuvres exotiques comme L'italiana in Londra et I due baroni di Rocca azzurra (Cimarosa) ainsi que la Bohème de Leoncavallo, Les Pêcheurs de perles de Bizet (en italien), La Cecchina de Piccini et le Don Quichotte de Paisiello. C'est à partir de 1991 qu'on commence à l'entendre dans des rôles plus courus : Tobia Mill (la Cambiale), Dulcamara (L'elisir d'amore avec Alagna et Devia) et - surtout - son fabuleux Bartolo du Barbier avec Gelmetti. Dès lors, sa carrière prend un envol considérable, on le voit dans toutes les grandes maisons du monde chanter les plus grands rôles de tradition bouffe. Il est tour à tour Mama Agata, Sulpice à la Scala et même (!) le rôle-titre (!) de Lucia di Lammermoor (!!!) à la Monnaie de Bruxelles. Voici un extrait de son deuxième air que je publie ici de manière tout à fait illégale pour votre plus grand plaisir.

Camille De Rijck

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