Synopsis

Catherine Scholler

 

Apollinaire avait situé son action théâtrale à une époque imprécise dans l’île de Zanzibar, Poulenc place son opéra en 1912 à Zanzibar, ville imaginaire près de Monte-Carlo, car, comme il l’écrit : « 1912 est l’époque héroïque d’Apollinaire, celle des premiers combats pour le cubisme, de la publication d’Alcools. J’ai substitué Monte-Carlo à Zanzibar pour éviter l’exotisme, et parce que Monte-Carlo, que j’adore, et où Apollinaire a passé les quinze premières années de sa vie, est bien assez tropical pour le Parisien que je suis ».

Comme dans Paillasse, le rideau se lève sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la représentation : « faites des enfants, vous qui n’en faisiez guère ». Poulenc a allégé ce prologue de toutes les allusions à la première guerre mondiale, et aux obus qui éteignent « même les étoiles », superbe métaphore pour toutes ces vies interrompues, et qu’il convient de remplacer aux plus vite. Privé de ces références, l’appel à la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification.

A la fin du prologue, Thérèse surgit sur scène, clamant son féminisme et son désir d’indépendance. Des coulisses, son mari lui réclame du lard. Pour exprimer sa libération, Thérèse fait sortir ses « mamelles » de son corsage, ce sont deux ballons, l’un rouge, l’autre bleu, qui s’envolent, et que Thérèse fait exploser. La barbe se met à lui pousser. Le mari, qui sort de la maison, pense que Thérèse a été assassinée par cet individu barbu, et veut la venger. Thérèse se fait reconnaître et lui annonce qu ‘elle portera désormais un nom d’homme : Tirésias. Puis elle retourne au logis et jette les objets du ménage par la fenêtre : le violon (un pot de chambre), le piano (un urinal). Le mari rentre précipitamment.

A ce moment, Lacouf et Presto sortent du café, ivres et dansant une polka. Ils se disputent pour savoir s’ils sont à Paris ou à Zanzibar. La querelle s’envenimant, ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux.

Tirésias sort du logis, habillée en homme, suivie de son mari, habillé en femme et les mains ligotées. Tirésias achète un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto. Le peuple de Zanzibar enlève les corps, en commentant : « comme il perdait au zanzibar, monsieur Presto a perdu son pari, puisque nous sommes à Paris. Monsieur Lacouf n’a rien gagné, puisque la scène se passe à Zanzibar, autant que la Seine passe à Paris. »

Le mari reste seul sur scène. Entre le gendarme, dans un cheval-jupon, qui, le prenant pour une femme, commence à lui compter fleurette. Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme, il est juste que lui soit une femme, et tandis que le peuple acclame le général et le député Tirésias, décide de faire des enfants, pour repeupler Zanzibar. Le gendarme, la marchande de journaux, Lacouf et Presto ressuscités et en patinette, commentent sa décision, dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (« et fumez la pipe bergère, moi je vous jouerai du pipeau… ».)

Un entracte se déroule devant le rideau fermé, montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux nés : « vous qui pleurez en voyant la pièce, souhaitez les enfants vainqueurs ».

A l’acte deux, le mari seul sur scène chante les joies de la paternité. Il a fait 40 049 enfants en un seul jour !

Un journaliste parisien se présente et l’interroge. Le mari explique que ses enfants le nourrissent déjà : accapareur (une trace de la guerre), romancier, artiste…le journaliste demande au mari de lui prêter de l’argent, et se fait jeter dehors.

Le mari décide de créer un enfant journaliste, ce qu’il fait en jetant de l’encre, un porte-plume, de la colle, des ciseaux et du papier journal dans un berceau. Hélas ce nouvel enfant n’est pas très réussi, il réunit toutes les tares des mauvais journalistes, et tente de faire chanter son père.

Le gendarme est de retour : la population zanzibarienne est affamée par le surcroît de bouches à nourrir, et va mourir de faim. Le mari connaît la solution : il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sûr, encore une séquelle de la guerre !). Cette allusion aux cartes fait apparaître la cartomancienne, qui se met à chanter les mérites de la fécondité, et insulte le gendarme qui est stérile. Le gendarme veut arrêter la cartomancienne, ils se battent tous les deux, la cartomancienne étrangle le gendarme, puis se débarrasse de ses voiles. Le mari reconnaît alors sa Thérèse, qui sans ses mamelles, est « plate comme une punaise ». Thérèse est d’accord pour reprendre la vie commune, mais pas pour remettre ses mamelles.

Le gendarme ressuscité, le peuple de Zanzibar, la marchande de journaux et les deux époux chantent les joies de l’amour et de la fécondité.